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Crise du gouvernement : analyse et perspectives

Alors que les institutions de la Nouvelle-Calédonie n’étaient installées que depuis six mois après les dernières élections, elles font face aujourd’hui à une nouvelle situation de blocage qui semble peiner à se résoudre. Quelles conclusions en tirer ?

Par le passé, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait déjà été confronté à des périodes difficiles. La dernière, en 2011, était survenue en milieu de mandature, avec le dénouement que l’on connaît. Les élections provinciales de mai 2014 emportaient avec elles la promesse de nouveaux équilibres et d’institutions stables. Les résultats des urnes ne firent ressortir aucun parti majoritaire et annonçaient la perspective de la constitution de blocs rassemblant un nombre suffisant d’élu pour disposer des majorités nécessaires. Les partis non-indépendantistes choisirent de s’allier au sein d’un « contrat de gouvernance solidaire » (CGS) afin de contrôler les institutions à leur portée : la province Sud, le congrès, et le gouvernement.

Une mésentente portant sur les réformes fiscales à adopter fit apparaître au grand jour les dissensions entre ces partis et assena un coup fatal au CGS. La rupture se concrétisa par la démission des membres Calédonie Ensemble du gouvernement, entraînant sa chute comme le prévoit l’article 121 de la loi organique. Depuis cette démission, si les membres du congrès ont procédé à la désignation du nouveau gouvernement, celui-ci ne dispose pas de la totalité de ses pouvoirs puisqu’il n’a pas réussi à élire un président en son sein.

La crise et son interprétation

Le blocage actuel naît de la rupture de l’alliance de mai 2014 (le CGS) et de l’incapacité des protagonistes à s’entendre pour l’instant sur une solution. Cette incapacité découle en effet de la répartition des forces en présence :

– d’un côté, 5 membres indépendantistes : 3 de l’UC, 2 de l’UNI-Palika ;
– de l’autre, 6 membres non-indépendantistes : 3 de CE, 2 du FPU-RUMP, 1 de l’UCF.

Le président du gouvernement devant être élu à la majorité de ses membres et les indépendantistes refusant d’arbitrer la situation, les deux candidatures des membres CE et FPU n’ont pu pour l’instant recueillir un nombre suffisant de voix sur leurs têtes. Du blocage actuel du gouvernement, deux grilles d’analyses sont apparues :

a) une crise institutionnelle

Dès les premiers jours qui suivirent l’absence de désignation de président, des voix se sont élevées pour qualifier ce blocage de « crise institutionnelle ». Derrière cette expression, l’idée que les institutions calédoniennes devraient suivre le rang des partis selon les résultats électoraux, conférant la présidence au parti présenté comme « premier ». Le contraire serait le symptôme de l’inadéquation des institutions calédoniennes, telles qu’elles sont actuellement définies, à la situation locale. Est visé en particulier le mode de désignation du président (à la majorité absolue) et, en filigrane, l’idée même de la collégialité du gouvernement.

Pour résoudre une crise institutionnelle, la solution pourrait consister à modifier la loi organique pour faciliter la désignation du président du gouvernement. Une majorité relative au 3e tour, à l’instar de l’élection du président du congrès, a ainsi été évoquée ; mais on pourrait également imaginer une « prime au vainqueur » ou tout autre dispositif, sous réserve du respect de l’accord de Nouméa et de son contrôle par le juge constitutionnel. L’Etat a pour l’instant écarté cette hypothèse, lui préférant la voix du dialogue, de même que celle de l’article 97 de la loi organique qui vise la dissolution du congrès, celui-ci n’étant pas concerné par le blocage actuel.

b) la crise politique

D’un autre côté et plus récemment, certains analystes ont parlé de crise non pas institutionnelle mais politique. Selon cette lecture, la crise résulterait de l’incapacité des partis politiques à s’adapter à la situation découlant des élections de mai 2014. Le fonctionnement collégial du gouvernement et sa désignation à la proportionnelle entraîne la présence de membres issus de tous les partis élus au congrès. En l’absence de majorité forte, la répartition des voix obligerait les partis politiques représentés au gouvernement à conclure une alliance de gouvernance selon un autre critère que le critère référendaire. C’est la position récente du député Urvoas par exemple, qui invite les partis à « sortir des logiques de préférence ».

Cette solution de constituer de nouvelles alliances a déjà été mise en œuvre en 2011. L’expérience a montré, et le résultat des élections provinciales semblent avoir confirmé cette idée, que les partis qui étaient à l’initiative de ces nouvelles alliances ont été les principaux sanctionnés par les électeurs.
Ainsi le RUMP a grandement reculé en terme de représentativité électorale, alors qu’il était jusqu’à récemment le parti majoritaire en province Sud, et le parti travailliste a quasiment disparu des hémicycles alors qu’il y avait fait une entrée fracassante en 2009.

Quelles perspectives ?

Si le blocage devait perdurer, on pourrait considérer les deux types de solutions selon la grille d’analyse retenue. Ces deux solutions pourraient être envisageables si nous n’étions pas à la fin de la séquence de l’accord de Nouméa et à l’approche des échéances référendaires. En effet, la proximité de ces échéances accentue la difficulté de toucher au fonctionnement des institutions. L’Etat ne semble pas disposé à aller en ce sens pour l’instant. La crise actuelle peut cependant avoir une influence sur les dispositions du nouveau statut qui sera adopté après les résultats du référendum.

De même, les perspectives d’alliances sont limitées par la difficulté à conserver son électorat pour les partis ayant une doctrine référendaire (pour ou contre l’indépendance) et une position de gouvernance différente (alliance avec des partis de la doctrine opposée). Cette analyse nous porte à croire que la question référendaire est bel et bien un frein en Calédonie actuellement.

– C’est un frein institutionnel car elle empêche les élus de proposer des ajustements dans la répartition des pouvoirs ou des moyens. Outre la situation actuelle, citons par exemple la clé de répartition et des tensions autour de la répartition des dotations entre les provinces.

– C’est également un frein social car psychologiquement il clive les points de vue et les prises de positions des électeurs en un filtre binaire, interdisant la constitution de majorité d’idées qui permettraient de réformer le modèle social et économique de la Calédonie. Les résultats de 2014 et la sanction de l’alliance précédente ont montré que les électeurs calédoniens ont encore des difficultés à évaluer les partis politiques autrement qu’au travers du prisme de l’indépendance.

Il est donc utile de commencer dès maintenant à parler de l’après-référendum, quel que soit son résultat, pour proposer aux électeurs non pas des montages institutionnels mais bien des philosophies politiques et des projets de société qui se conjugueront au-delà de l’échiquier politique actuel. Dès lors, un accord de gouvernement portant sur une politique économique et sociale partagée aurait du sens pour les électeurs.

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Gecko Caméléon

Espèce endémique : animal politique, technophile curieux mais prudent, touche à tout, ironique mais pas cynique, citoyen calédonien.

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georges georges
georges
17 février 2015 09:43
Don Calédone
Ad Victoriam
4 février 2015 17:23

comment se fait-il que mes postes que j’ai écrit avant 16h00 ne sont toujours pas en ligne, contrairement à bien d’autres ?

Floyd
Floyd
3 février 2015 12:03

Bienvenu à Gecko Caméléon , le petit nouveau à CLDSFR. Ta réflexion est intéressante, mais de mon point de vue, la Calédonie souffre surtout de la médiocrité d’une partie de sa classe politique, comme d’ailleurs en Polynésie. Ce qui nous pourrie l’existence aujourd’hui, ce n’est pas tellement une question d’idéologie, ni de philosophie politique, ……comme dans toute l’Océanie, la vie politique est régie par ce que les sociologues appellent “le vote clanique” et il est très difficile d’en sortir à cause des décennies de copinage et de clientélisme.   Quelle est l’idéologie du Rump? Entre “purger l’indépendance” et hisser le drapeau du… Lire la suite »

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