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Il est temps

Cela fait maintenant presque 5 ans que la Nouvelle Calédonie est étranglée par ses politiques, eux-mêmes ligotés par l’Accord de Nouméa et sa traduction législative. De manœuvres en coalitions, de mensonges en volte-face, d’interprétations politiciennes de nos textes fondateurs en arrêts stupidement politiques de la Cour de Cassation, nous étouffons lentement.

La lenteur du processus le rend imperceptible à la plupart d’entre nous. Et parmi ceux qui s’intéressent suffisamment à la vie de la cité pour le ressentir, les sympathies politiques rendent une analyse impartiale extrêmement difficile.

Et pourtant les signes sont là, et pointent toujours dans la même direction. Nous sortons d’une période sociale très intense, avec des alternances politiques, des mouvements syndicaux qui se sont positionnés sur des sujets politiques laissés vacants, les dernières élections, la litanie des faits divers violents et de l’économie à la peine.

Ceinturés par un système institutionnel faible, les politiques ont fait ce qu’au fond ils savent le mieux faire : rien. Et le vide devant toujours être dissimulé derrière des concepts éloquents pour que le peuple l’accepte, ils l’ont très bien dissimulé. Mais la brume se dissipe.

Les politiques au pouvoir sont absolument terrorisés par la fin du gel des prix. Ils ne savent pas comment éviter des hausses presque inéluctables parce que rien de structurel n’a été changé dans l’économie et que les mêmes causes que nous connaissons par cœur vont continuer à produire leurs mêmes effets.

La soi-disant loi anti-trust brandie par Calédonie Ensemble comme une « révolution économique » vient d’autoriser un monopole de la grande distribution à se renforcer encore plus dans l’automobile (1) et, à lire les annonces légales de ce 02 mars, risque d’autoriser deux des plus riches familles calédoniennes à renforcer encore leur contrôle dans les activités portuaires. Alors même que l’Autorité métropolitaine de la concurrence établissait déjà dans son très fameux rapport de 2012 l’absence de concurrence sur le port. Dans le même temps, les « petits » doivent remplir des dossiers titanesques et attendre des mois d’instruction pour ouvrir un simple magasin, comme s’ils en avaient les moyens ! Les gros naviguent fièrement, les petits rament ou coulent. Quel échec !

On s’amuserait presque dans ce contexte de voir le patron de Calédonie Ensemble réclamer un exécutif majoritaire ! Quand on pense que l’esprit même de l’Accord de Nouméa est le contournement du « fait majoritaire », et que pendant des années le leitmotiv de Calédonie Ensemble était « tout l’accord, rien que l’accord ». Eh bien tout à coup, l’Accord on doit l’oublier. Maintenant qu’on est devant les autres aux élections, on veut la prime au majoritaire. Comment peut-on renier le fondement des institutions issues d’un Accord qu’on qualifie de feuille de route depuis plus de 10 ans ? Un peu pour les mêmes raisons sans doute que celles qui poussent des dirigeants africains à modifier leur constitution pour se rendre rééligibles à vie.
Et nous n’en sommes plus à une approximation près de la part de Calédonie Ensemble : après s’être simplement contentés de la déclaration d’un premier ministre socialiste à l’Assemblée à l’époque, on réalise tout à coup que la Cour de Cassation a dépassé (il y-a déjà plusieurs années…) la lettre de la loi organique en disant qu’il fallait avoir été inscrit sur les listes électorales en 1998 pour n’être pas considéré comme un simple travailleur-payeur-de-cotisations-sociales apatride. Et qu’en conséquence, si l’Etat applique simplement cette décision il va y avoir des apatrides de plus dans ce pays. Mais si CE demande une modification de la loi organique aujourd’hui, c’est pour exercer seul le pouvoir, pas pour s’occuper des citoyens qui vont devenir des étrangers chez eux ! Non pour ça ils demandent simplement à un premier ministre de respecter la parole d’un autre premier ministre contre la décision d’une des plus hautes autorités judiciaires de la République… Merci de nous défendre et de penser à nous, les petits du dessous qui votons régulièrement pour rien.

Heureusement, la dissipation de la brume peut parfois découvrir d’autres choses, comme cette intervention citoyenne d’Elie Poigoune dans LNC qui déclare qu’après avoir considéré les calédoniens comme des ennemis, ils les considèrent aujourd’hui comme des frères. C’est bien Elie Poigoune qui le dit, lui qui fut l’un des premiers militants et penseurs indépendantistes. Cette déclaration est particulièrement importante à un moment où on sent que les parties prenantes du FLNKS sont en train de se déchirer entre ceux qui, comme Elie Poigoune, valorisent la provincialisation, la clé de répartition, les transferts des mines et la présence des kanak à tous les niveaux de la société, et les autres qui ont été poussés par leurs politiques à faire de la revendication et du rejet de l’autre un mode de vie à part entière.

Tout cela pointe donc dans la même direction. La seule solution tenable ne passe pas par le fait de bidouiller une énième fois la loi organique ou de tenir des réunions d’anciens combattants à Matignon. Il faut aller au bout de l’Accord de Nouméa. Le Congrès fonctionne, il peut provoquer le référendum. Et nous pourrons alors nous retrouver un avenir.

J’irai voter en espérant que la Calédonie reste dans la France, mais capable d’orienter son propre destin et de renouer avec ceux qui font encore de leur ressenti un moteur de vie, et avec à l’esprit un espoir qu’auront seules su m’inspirer les déclarations d’un indépendantiste, ancien professeur de mathématiques.

(1)http://www.dae.gouv.nc/portal/page/portal/dae/controle_concentrations_economiques/operation_concentration/communiques_op_concentration

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Magellan

Magellan est un navigateur. Soucieux de regarder loin à l’horizon pour savoir dans quelle direction aller autant qu’à la verticale de la coque pour éviter les récifs, il observe avec curiosité. Eveillé récemment à la politique par plusieurs tempêtes, il s’interroge sur l’état du navire et sur la meilleure route à prendre. Ouvert à toutes les idées, pragmatique, avec une sensibilité particulière sur les sujets économiques, confiant dans l’équipage mais un peu moins dans la liste des capitaines possibles, il a pris le parti de se donner les moyens d’avoir ses propres opinions… et de les soumettre à la lecture des visiteurs de Calédosphère.

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Johnny B.
Johnny B.
6 mars 2015 21:36

Cher Magellan, Si vous vouliez bien étudier vos dossiers au lieu de les survoler, vous pourriez espérer garder votre crédibilité… Je fais allusion à votre lien vers le site de la DAE, qui serait censé démontrer qu’une loi anti-trust mal fichue aurait conduit à une autorisation surprenante accordée à un groupe de vente d’automobile, en lui permettant d’accroitre sa position dominante. Si vous aviez réellement été ouvrir ce lien, vous auriez réalisé que le groupe Almameto, qui est effectivement déjà en situation de position dominante, n’a pas dans cette affaire augmenté mais diminué sa part de marché. La transaction concerne… Lire la suite »

Répondre à   Johnny B.
9 mars 2015 10:50

C’est sûr que si le fait d’autoriser une multinationale à grossir encore sur un marché en Calédonie fait partie des objectifs de la loi antitrust, alors effectivement je suis passé à côté de quelque chose d’important. Et c’est vrai que la grande distribution et l’automobile sont des secteurs pas du tout problématiques en Calédonie, et que l’entreprise citée dans l’article n’est présente dans aucun des deux ! Quand au fait que ce soit bon pour la concurrence, normalement on s’en fiche : ce qu’on veut à la base c’est que les prix baissent. Je retiens de votre intervention que c’est… Lire la suite »

Répondre à   Johnny B.
9 mars 2015 11:32

Au fait pas de nouvelles de ce qui se passe sur le Port ? Ce n’est pas important, ou ce sera aussi forcément profitable au consommateur ?

Elriko
Elriko
5 mars 2015 16:41

De toute façon la Calédonie doit aller vers son propre destin, peu importe le résultat du référendum, dans 3 ans, dans 30ans, dans 60ans….il faudra devenir autonome, voire devenir une nation.  Autrement le politique, les hommes et les femmes de ce pays, les jeunes, resteraient coincés dans cet espèce de  monde parallèle, au risque qu’un jour on se sente comme des étrangers chez soi. pendant ce temps là les problèmes s’accumulent, c’est comme-ci construisait une maison de manière bordélique…un jour, ça sera difficile de corriger les erreurs ou défauts de  construction, à moins de tout démolir et de recommencer (économie,… Lire la suite »

Samael
Samael
Répondre à   Elriko
5 mars 2015 17:02

Les problèmes que rencontre la Nouvelle Calédonie sont les mêmes que partout. L’autonomie ne changera rien à cela. 

Eric
Eric
5 mars 2015 14:37

Ben l’objectif c’est l’autonomie quoi !!!

Répondre à   Eric
5 mars 2015 15:02

Autonomie = porte ouverte à l’indépendance, je ne le répéterez pas…

Limmigre
Limmigre
3 mars 2015 20:16

Bon article

Claire Adèle
Kolere
2 mars 2015 21:44

Dans la France, mais ‘pas tout a fait’, enceinte mais qu’un peu (voir photo de la situation…)… ‘Same Same’ on dit en Asie… Pour les contrefaçons… Bien cet article, jusqu’à ce que j’arrive a la dernière phrase, au dernier paragraphe… Encore un qui veut le beurre, l’argent du beurre et le c** de la fermière…

Haï
Haï
2 mars 2015 21:37

Sur le corps électoral référendaire un seul référendum suffit a émanciper le pays pas besoin de s’exciter avant , c’est dans plus de 3 ans autant dire une éternité ! Carpe diem …

Inforétif
Inforétif
Répondre à   Haï
2 mars 2015 23:07

Chiche Haï : un seul référendum, y compris si le non à l’indépendance l’emporte. Et tout le monde respecte ce résultat.  D’accord, mon bon Haï ?

victor
Victor
Répondre à   Inforétif
5 mars 2015 18:36

L’accord et rien que l’accord qui disait le gourou … t’as oublié ?

Laurent
Laurent
2 mars 2015 18:03

Excellent.

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