Valeurs kanak : Bouvier fait son Joinville

Essayant de se faire bien voir des autorités coutumières, le Haut-commissaire a déclaré que les valeurs kanak et républicaines étaient « quasi-identiques ». Les femmes kanak ne semblent pas toutes d’accord. Novlangue socialiste ?

Les haut-fonctionnaires métropolitains nouvellement arrivés sur le territoire se prêtent tous au jeu du « plus-proche-de-la-coutume-que-moi-tu-meurs ». Le représentant de l’Etat Vincent Bouvier ne déroge pas à la règle et s’est prêté au jeu des questions-réponses sur ce thème dans le dernier magazine Palabre (n°23 – 2015). C’est ainsi qu’à la question de savoir ce qu’ont en commun les valeurs kanak et les valeurs républicaines, le Haut-commissaire a répondu :

Il me semble que le socle commune des valeurs kanaks défini par le Sénat coutumier témoigne d’une quasi-identité, ou d’une harmonie, sur de nombreux points, entre les valeurs kanaks et les valeurs républicaines (Vincent Bouvier)

Dans cet entretien, il plaide également pour une « réappropriation de l’histoire dans son ensemble » afin de « mesurer les apports comme les responsabilités des uns et des autres dans une logique d’empathie ». Et s’il rejette le terme de « repentance », le représentant de l’Etat sous-entend que la restitution du crâne d’Ataï et la construction de son « mausolée » s’inscrivent bien dans cette démarche de « réappropriation ». Un positionnement qui n’étonne pas de la part d’un homme réputé proche des socialistes parisiens mais qui risque néanmoins de susciter la critique, notamment vis-à-vis des femmes kanak.

“Nous ne sommes pas des esclaves !”

Rappelons que la charte des valeurs kanak – que Vincent Bouvier estime si proche des valeurs républicaines – stipule que « la légitimité coutumière Kanak est antérieure à la légitimité démocratique apparue avec l’État politique institué en France puis installé en 1853 en Nouvelle-Calédonie ». Nonobstant ce fait, c’est surtout concernant la place des femmes dans la société calédonienne que le Haut-Commissaire devra éclaircir ses propos. En effet, la charte écrite l’année dernière précise que « La société Kanak est une société patriarcale. Son système social fonctionne à partir d’une transmission des droits, des pouvoirs et des responsabilités basées sur l’homme » Selon ces « valeurs kanak » défendu par les sénateurs coutumiers, la femme est totalement exclue de l’organisation de la société calédonienne à l’exception de l’éducation des enfants et de la sphère familiale (« l’homme a autorité sur la terre et la femme sur les enfants »). Une approche combattue par de nombreuses femmes kanak et notamment par l’une des participantes aux travaux du sénat :

J’ai participé à la charte, j’étais la seule femme présente (…) Je ne suis pas d’accord avec l’ensemble des points décrits (…) la charte dit « les femmes sont appelées à servir ». Qu’est-ce que cela signifie ? Nous ne sommes pas des esclaves ! (Valentine Hollé ; Sources : Palabre, n°23)

Si la présidente du conseil des femmes en Province Sud, Valentine Hollé, se félicite qu’un tel travail rédactionnel ait été entrepris, elle en conteste en revanche les conclusions, particulièrement celles traitant de l’égalité Homme/Femme (particulièrement malmenée dans la charte) :

A quand des femmes chefs de clan ou sénatrices coutumières ? J’ai déjà posé la question mais je n’ai pas obtenu de réponse (Valentine Hollé ; Sources : Palabre, n°23)

Peut-être posera-t-elle bientôt cette question au représentant de l’Etat ? Vincent Bouvier semble en effet en savoir énormément sur les spécificités des valeurs kanak et leur « harmonie » avec celles de la République. Cette dernière prônant justement dans l’article 3 du préambule de la constitution française que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».