La grande récup !

La politique est un art subtil qui compte des Van Gogh comme des plâtriers. Et ça barbouille sec au retour de Paris, ils viennent nous peindre en gloire et avec force couleurs, les portraits de celui qu’il désigne comme le champion du comité. Frogier ex machina, exfiltré des limbes pour mettre en scène son triomphe, sauveur miraculeux d’une patrie en danger. Ça barbouille et ça piaille à qui sortira le mieux son petit compliment pour glorifier ce chef que tout le FPU admire, ce chef qui tant de fois a sauvé son empire… On en pleure, on blêmit, on s’en Gainsbourg presque tant ça se veut beau comme de l’antique.

La récup du succès du comité par le FPU est si ample et si vive qu’elle en est humiliante. Ainsi, continueraient-ils mordicus à nous prendre pour des prunes ? Car ça ne tient pas la route leurs louanges, leurs lauriers et tout leur saint-frusquin. Qui peut croire une seconde qu’après avoir vilipendé l’État socialiste, voué Valls à la géhenne, pleuré sur l’esprit des accords qu’il annonçait défunt, puis réclamer enfin que l’on prenne tout son temps, Frogier ait retrouvé, tel un amnésique la mémoire, les vertus du dialogue, l’attrait du consensus et l’euphorie du débat ? Croire que l’issue heureuse du comité des signataires doit au rôle essentiel qu’aurait tenu Frogier relève de la fadaise et de la faribole. Qu’en revanche, il y ait découvert des opportunités, ça mes amis, c’est bien une autre affaire.

Frogier n’a renoncé à rien, et surtout pas à ses rêves d’Histoire, être dans le dico comme celui qui aura donné à la Nouvelle-Calédonie son statut définitif. Ses revers dépressifs n’ont rien altéré de cette mission extatique qu’il s’est donnée en 2005, Rivière Salée aura été son Domrémy. Ce qui l’alimente, c’est une obstination à penser que le peuple finira par lui donner raison et finalement, peu importe si le drapeau ou la coalition lui coûtent le pouvoir ! Il mise sur le temps et il veut s’en servir. Son pari pascalien, il le bâtit sur l’idée que les discussions sur l’avenir, pour autant qu’elles s’engagent, ne devraient pas déboucher avant 2018, date à laquelle nous aurions donc à choisir stricto sensu pour ou contre l’indépendance, avant de nous prononcer en 2019 sur de nouvelles provinciales qu’il espère remporter. Dès lors se dit-il, un boulevard se présente…

Le FPU s’enflamme donc à son chef retrouvé. Adoubé certes, mais également tancé, par un Sarkozy qui va chercher les voix à la fourchette à escargots et qui n’a nulle envie d’avoir à se cogner le bourbier calédonien, Frogier a composé. S’il sort grandi du rendez-vous parisien, c’est bien auprès des siens et de son pré carré où la contestation se faisait jour peu à peu et qu’il vient d’un seul coup de réduire au silence. D’où les proclamations de foi de ceux-là qui jusque là se montraient tentés par d’autres aventures. Mais pour le reste ?

Caton