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KNS, SLN et VALE à l’heure du choix !

Les trois grands complexes métallurgiques de Nouvelle-Calédonie seront avant la fin de l’année confrontés à des choix stratégiques qui détermineront leur développement mais aussi une partie de l’avenir du territoire. Revue d’étape.

En Nouvelle-Calédonie, l’industrie du nickel contribue désormais pour 30 à 40 % du PIB local et fait travailler près de 12 % de la population active. C’est dire si les décisions prises par les actionnaires et les responsables institutionnels sont importantes pour les Calédoniens. Or, avant la fin de l’année, les trois groupes industriels qui gèrent les trois grandes usines métallurgiques vont devoir chacun dans son domaine faire des choix structurants pour assurer l’avenir et la réussite de leur compagnie respective.

Vale : regagner la confiance

Au-delà du retard pris au cours de sa montée en puissance, Vale-NC est depuis l’origine confronté à la méfiance voire même une certaine hostilité des pouvoirs publics et de la population du sud. Suite à des incidents survenus sur le site (notamment de graves fuites d’acides) et malgré la réussite de son procédé technologique, avec 20.000 tonnes de Nickel produites, les résultats n’ont pas atteint en 2014 les objectifs fixés. Cependant, même si la production s’améliore sur le site mois après mois, et si aucun accident ou erreur humaine ne vient entrainer d’autres retards, le souci de Vale réside principalement dans ses rapports avec les institutions d’une part et l’opinion publique d’autre part. Une situation quasi conflictuelle qui fragilise le groupe minier et qui explique pourquoi ses actionnaires exigeraient (avant la fin 2015) des garanties contre l’injection de fonds supplémentaires pour mener à bien le projet.

Il faut dire que depuis le dossier Prony-Pernod, l’industriel et la Province Sud se regardent en chiens de faïence. Cette dernière n’hésitant pas à multiplier les sanctions et les procédures coercitives contre Vale au risque de voir le complexe en difficulté après le départ probable de l’un de ses principaux actionnaires, en l’occurrence le Japonais SUMIC qui détient 14.5% de la société. Selon nos informations, et en fonction du climat local, c’est en novembre que la multinationale brésilienne qui embauche 134.000 personnes à travers le monde décidera de la poursuite du site en l’état, d’une baisse de sa voilure ou de la vente de ses actifs sur le marché international. En ce cas, reste à savoir ce que la Province Sud et les collectivités comptent faire en cas de plan social. En effet, près de 3500 personnes travaillent aujourd’hui directement ou indirectement pour l’usine du Sud.

KNS : Sauver les meubles

Du côté du fleuron technologique et industriel de la Province Nord on est plus proche de la Bérézina que d’Austerlitz. Comme nous l’annoncions l’année dernière, la fuite et la destruction du four n°1 a non seulement entrainé une baisse majeure de la production de l’usine du Nord mais également des surcoûts faramineux et un retard dans la montée en puissance du complexe industriel. Trois mois après l’incident, le 31 mars dernier, Peter Hancock avait finalement reconnu que les fours 1 & 2 avaient été « mal conçus » et qu’il faudrait les changer tous les deux. Ainsi, on sait de sources sûres que le four n°2 devrait lui aussi “lâcher” cette année et être arrêté de facto (contrairement à ce qu’il a annoncé devant la presse). Les responsables de KNS n’ont donc pas d’autre choix que de préparer le démantèlement des deux fours existant, de concevoir deux nouvelles unités de production et – enfin – de renouveler les phases de montée en puissance qui s’étalent chacune sur plusieurs mois.

De quoi, selon les experts, mettre l’usine du Nord en arrêt avant la fin 2015 pour plus d’une année. En conséquence, KNS devra alors se tourner vers son actionnaire Glencore afin d’obtenir de lui entre 1,5 et 2 milliards de dollars supplémentaires (soit environ 200 milliards de francs cfp) pour couvrir les frais ce qui portera le coût total de l’usine à près de 9 milliards de dollars. Les répercussions pour les emplois ne se feront pas attendre : du côté de la DRH, les chiffres les moins alarmistes évoquent le licenciement de 700 personnes parmi les sous-traitants et de plus d’une centaine d’autres travaillant au sein de l’usine auxquels se rajoute le départ d’une soixantaine d’expatriés. Pour l’heure, le plan de communication mis en place par KNS est chargé de minimiser les chiffres pour faire plus facilement avaler la pilule à l’opinion publique… Plus dure sera la chute.

Des bobards à KNS ?

Depuis l’incident du 23 décembre sur le four n°1 de l’usine du Nord et la coulée de plusieurs tonnes de métal en fusion qui a mis un coup d’arrêt à l’une des unités de production de Koniambo, les porte-paroles de la société détenue à 51% par la SMSP multiplient les contre-vérités face à la presse.

– C’est ainsi que le 31 décembre, dans les Nouvelles Calédoniennes, le président de Koniambo Nickel SAS, Peter Hancock, déclarait que « le four n’est pas perdu ». Or, le four était bien perdu et il a fallu six mois aux équipes techniques pour le « vider ». Les faits sont là.
– Le même Peter Hancock affirmait aux micros de NC 1ère ce jour-là : « le problème est très localisé et n’est pas lié au procédé métallurgique ou au four lui-même ». Or, le 31 mars, il avouait dans le quotidien que « Lorsque nous sommes entrés dans le four, nous avons constaté un problème de conception (…) On ne peut donc pas réparer ».
– Hier, en matière d’emplois, les responsables de l’usine ont expliqué qu’ils allaient « protéger et garder les équipes locales de KNS ». Or, des représentants de KNS ont déjà évoqué avec l’Etat et les président des institutions le fait qu’ils allaient devoir licencier du personnel (plus d’une centaine) et mettre fin aux contrats de 700 sous-traitants.
– Sur le coût, enfin, les mêmes responsables ont effectué récemment une « tournée des popotes » en annonçant aux différents responsables politiques que le coût global de réparation et de relance de l’usine avoisinerait les 200 milliards de Fcfp (une information confirmée par le président du MRC Philippe Blaise lors de son passage au journal télévisé de NC1ère le 14 juin dernier) alors que Peter Hancock a déclaré aux Nouvelles Calédoniennes dans son édition du jour que « la reconstruction des fours coûtera beaucoup moins d’un milliard de dollars».

SLN : replacer le débat

Pour la vieille dame de Doniambo, qui fête cette année ses 103 ans d’existence, son principal problème réside dans sa capacité à améliorer sa productivité. Si son déficit, du fait de la faiblesse des cours du Nickel, s’est dernièrement amélioré passant de -23 milliards en 2013 à -4 milliards en 2014, en revanche la SLN est toujours confrontée à un cocktail volume/rentabilité mis à mal par ses dépenses en énergie électrique. Ayant patienté trop longtemps avant de lancer le projet de nouvelle centrale électrique, ERAMET doit aujourd’hui agir quasiment dans l’urgence afin de remplacer au plus tôt son ancienne centrale jugée beaucoup trop polluante et surtout beaucoup moins efficace. Surtout, la SLN n’a pas réussi à placer les véritables enjeux du débat face à l’opinion publique et surtout face aux décideurs institutionnels. N’arrivant pas à faire comprendre qu’au sujet de l’usine de Doniambo le débat immédiat n’était pas prioritairement axé autour de l’acquisition ou non des 51% de ses parts par la Nouvelle-Calédonie, les responsables politiques ont oublié le principal : à savoir accompagner le groupe minier afin qu’il devienne plus concurrentiel sur le marché international.

Il apparait en effet évident qu’observant les déboires économiques que traversent les deux usines du Nord et du Sud, l‘opinion publique calédonienne ne soit pas vraiment pressée de voir la collectivité prendre la responsabilité financière sur la SLN, surtout si celle-ci entraine une augmentation de leur pression fiscale. Et s’agissant de la centrale à charbon, les alternatives n’ont jamais été correctement étudiées ou débattues, pas plus que le modèle économique sous tendu par l’investissement colossal (100 milliards de francs) nécessaire à la construction de la nouvelle centrale. Car, si celle-ci voit bien le jour, la SLN devrait à elle seule représenter près de 10% du Produit Intérieur Brut de la Nouvelle-Calédonie à l’horizon 2019.

nickel debat 2015

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Rita

Officiant en free-lance pour plusieurs périodiques et médias calédoniens, cette pigiste professionnelle a rejoint l’équipe des contributeurs de Calédosphère depuis 2013 sous son nom de plume « Rita ». Spécialisée dans l’actualité quotidienne, elle se plait à y dénicher des sujets non-traités par les autres médias et à couvrir les évènements sensibles. Synthétique, réactive et parfois provocatrice elle essaie toujours d’écrire de manière claire, précise mais avant tout vivante. Son crédo : « Si ça pique, c’est un bon sujet »

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ventura Brigitte
ventura Brigitte
23 juin 2015 19:30

“Le four 2 de KNS devrait lâcher avant la fin de l’année”, en voilà un scoop ! Comment pouvez-vous savoir ça alors que personne ne peut prédire s’il lâchera dans un mois, six mois ou deux ou cinq ans ? On sait qu’il lâchera, oui, mais quand ? Bien maligne Rita !

Chuky
Chuky
22 juin 2015 09:58

le pays court à sa perte :/

Laurent
Laurent
22 juin 2015 04:00

Concernant l’investissement colossal de 100 Milliards de Francs, la SLN voudrait en faire supporter une bonne partie (près de 50%) à la collectivité (défiscalisation, subventions). Ces aides publiques s’évaporeront dans la sphère des actionnaires, ce qui ne serait pas forcément le cas si la collectivité était majoritaire. A mettre en parallèle avec le sauvetage des banques privées par les Etats depuis 2008, sans aucune contreparties, avec les résultats qu’on sait… D’autre part, asséner que les entreprises publiques sont toujours mal gérées est une imposture, il suffit de voir les capitaux privés se ruer dessus pour les racheter et les dépouiller,… Lire la suite »

steak
steak
21 juin 2015 17:39

Bonjour Rita, pourriez vous me dire d’ou vous sortez ce ratio de 30_;40 % de poids du nickel dans le pib de la nc ? J’ai beau chercher et notamment sur le site de l’Isee je ne retrouve pas ce ratio sauf pour les années 70 (boom du nickel). D’avance merci de citer vos sources.

Seleone
Seleone
21 juin 2015 11:17

A vous lire c’est la fin du monde à chaque ligne, appel à l’émotion en sus ..:) . le comportement des fours de KNS et donc des briques réfractaires dépend directement ( sans exclusivité) de deux facteurs (1) la constance de la centrale électrique..]]rampe de température oblige..ainsi que la(2) “réduction” des “fondants” de la brique contenus dans le minerai ..à ce niveau de technologie, les écarts de fiabilité se payent à coup de M€..c’est prévu dans le business plan ..mdr

Abdul
Abdul
19 juin 2015 21:47

Le seul point positif dans ce foutoir, c’est que si nos 3 n’uzines arrêtent de toùrner, le pillage des ressources de notre pays cessera pour un temps, et le cour du nickel remontera……..par contre côté climat social ça risque d’être très chaud dans le pays…

Claire Adèle
Claire Adèle
Répondre à   Abdul
19 juin 2015 21:58

Un ‘boom’ du nickel est “au coin de la rue”, elles ne vont surtout pas s’arrêter nos usines, ne t’inquiètes surtout pas…

calistri
calistri
Répondre à   Abdul
20 juin 2015 08:00

le cours du nickel ne dépend pas de la Calédonie (production chinoise 960kT à elle seule). Ni rien d’autre dans le monde d’ailleurs. La Calédonie, elle, est dépendante du reste du monde. Et ça se verra bientôt.

Jean-Gabriel Lion
Jean-Gabriel Lion
19 juin 2015 20:26

Je ne sais pas si Rita a raison ou tort, mais si la situation est celle qu’elle nous décrit, je dirais: Nous sommes au bord du gouffre et nos querelles institutionnelles vont nous faire faire un grand pas en avant. Si on met les usines au Vanuatu (comme certains l’imaginent… ce sera le problème à l’envers… la croissance au Vanuatu et la récession en Calédonie… moins les 140 milliards annuels métropolitains si l’indépendance vient à être votée. On ne serait, alors, pas loin d’une vraie guerre civile et autrement plus sérieuse qu’en 84, car il n’y aura vraiment plus de… Lire la suite »

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