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Comment démissionner un membre du gouvernement?

L’actualité judiciaire place une nouvelle fois un « ministre » calédonien dans le camp des justiciables. Sous les feux des projecteurs, de nombreuses voix s’élèvent pour demander son départ du gouvernement, au risque de voir toute la classe politique entachée par son incurie. Comment virer le soldat Lecren ?

Alors qu’il a déjà fait la une des Nouvelles il y a tout juste une semaine après sa condamnation pénale pour conduite en état d’ivresse, Anthony Lecren fait de nouveau les gros titres des médias à l’occasion de son placement en garde à vue par la police nationale pour des faits de violences volontaires, d’outrage et de menace de mort, probablement commis sous l’emprise de l’alcool. Sans préjuger des suites que la justice donnera à cette affaire, si la consommation d’alcool devait s’avérer établie on peut d’emblée relever que le « ministre » aurait déjà violé l’obligation de soins à son addiction à l’alcool prononcée par le tribunal correctionnel de Nouméa le 27 août dernier. Le jour même de l’annonce de cette condamnation, le président du gouvernement, Philippe Germain, expliquait par communiqué officiel avoir demandé à Anthony Lecren de lui remettre sa démission de membre du gouvernement, en raison selon lui d’une incompatibilité manifeste entre cette condamnation pénale et le statut de « ministre ». Ce dernier lui répondit le lendemain que le président du gouvernement n’était pas compétent, au sens juridique du terme, pour formuler une telle demande.

Qui nomme et vire les membres du gouvernement ?

C’est en effet le congrès de la Nouvelle-Calédonie qui procède, lors de la première session après son renouvellement aux provinciales, à l’élection du gouvernement en vertu de l’article 110 de la Loi Organique statutaire. Les membres du gouvernement sont ainsi désignés au scrutin de liste, chaque groupe politique constitué au congrès ayant le pouvoir de présenter une liste de candidats. Pour être éligibles, ces candidats n’ont pas l’obligation d’être des élus du congrès ou des assemblées de province, mais ils doivent en revanche avoir la qualité de citoyen calédonien. Dès lors, un membre du gouvernement qui serait déchu de ses droits civiques par une décision de justice deviendrait inéligible et serait déclaré démissionnaire d’office en application de l’article 111 de la loi organique.

Le gouvernement étant responsable devant le congrès, les élus de l’assemblée ont par ailleurs le pouvoir de mettre en cause cette responsabilité par le biais du vote d’une motion de censure qui, si elle est adoptée, fait tomber l’ensemble du gouvernement comme le prévoient les articles 95 et 96 de la loi organique. Cependant, à la différence du Président de la République qui peut décider de dissoudre l’Assemblée Nationale, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne dispose pas d’un contre-pouvoir identique vis-à-vis du congrès.

L’équilibre des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif en question

De même, alors que le Président de la République nomme les membres du Gouvernement français sur proposition du Premier Ministre, il a également le pouvoir de mettre fin à leurs fonctions en vertu de l’article 8 de la Constitution. C’est ainsi qu’un membre du Gouvernement parisien peut être révoqué après avoir commis une grave faute politique, ou qu’un remaniement ministériel partiel peut avoir lieu lorsque des ministres essuient de fortes critiques dans l’opinion publique. Tel n’est pas le cas dans le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Bien qu’il soit le chef de l’exécutif, le président du gouvernement calédonien n’a pas, à lui seul, le pouvoir de contraindre un de ses membres à démissionner. Ce pouvoir est en effet entre les mains du gouvernement collégial en vertu de l’article 130 de la loi organique, qui ne peut toutefois l’exercer que sous une condition stricte : la volonté du groupe politique au congrès.

Par délibération, le gouvernement peut mettre fin aux fonctions d’un de ses membres, sous réserve de l’accord du groupe d’élus qui a présenté la liste sur laquelle il a été élu ; (loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie)

En effet, le principe de la collégialité est la pierre angulaire autour de laquelle a été construit le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans l’Accord de Nouméa. Cette notion traduit l’idée que la recherche de consensus est un mode de fonctionnement indispensable pour cette institution, car elle représente notamment un état d’esprit du monde océanien dans laquelle la Nouvelle-Calédonie est inscrite. En raison de cette collégialité, les membres du gouvernement sont – en théorie – solidaires entre eux des décisions prises par le gouvernement. Dès lors, si l’on peut imaginer que Philippe Germain pourrait réunir une majorité favorable à une telle délibération compte tenu de la composition actuelle du gouvernement, il n’en demeure pas moins qu’elle nécessite avant toute chose l’accord des membres de l’Union Calédonienne.

Le groupe UC-FLNKS-Nationalistes soutiendra-t-il Anthony Lecren ?

En effet, Anthony Lecren a été élu au gouvernement Germain sur proposition du groupe politique « UC-FLNKS et Nationalistes ». Celui-ci est composé des onze élus issus des listes UC dans les trois provinces, rejoints par les deux élus du parti travailliste de Louis Kotra Uregei, par Sylvain Pabouty du DUS, et par l’ex-UC Jacques Lalie. Dès lors, nul doute que la décision de soutenir ou pas le « ministre » se prendra avant tout au sein de l’Union Calédonienne. Or, il est de notoriété commune qu’Anthony Lecren, neveu de feu Charly Pidjot, dispose de certains soutiens de poids au sein de ce parti, notamment et non des moindres de celui de Roch Wamytan, président du groupe au congrès. Si ces soutiens devaient l’emporter en interne à l’UC, c’est bien l’ensemble du parti de Daniel Goa qui porterait publiquement la responsabilité du maintien d’Anthony Lecren à son poste malgré le flot de critiques dont il peut faire légitimement l’objet.

Outre les membres de l’UC, c’est alors l’ensemble de la classe politique calédonienne qui souffrirait de cette situation. En effet, si les calédoniens devaient constater que l’opulence du casier judiciaire n’est pas un obstacle au maintien d’un « ministre » au gouvernement à la simple condition qu’il soit soutenu par son groupe politique d’appartenance (au-delà de la question institutionnelle de la répartition des pouvoirs) c’est bel et bien une question morale, voir éthique, que les électeurs seraient en droit d’adresser à leurs représentants. Cette affaire mettrait alors en lumière un certain « vide juridique » restreignant aux seuls élus du groupe politique le pouvoir de demander la démission d’un membre du gouvernement et fragiliserait d’autant le principe même de la collégialité.

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Mark Felt

Responsable de projet dans une boite de communication de la place, comme son pseudo « Mark Felt » il est celui qui va permettre de débusquer un sujet et mener l’enquête jusqu’à sortir l’info qu’on ne trouvera nulle part ailleurs. Organisé, méticuleux et jusqu’au-boutiste, il contribue de façon sporadique au média uniquement sur des dossiers sur lesquels il a accumulé suffisamment de documents probants. Son crédo : « J’essaie d’intéresser à ce qui m’intéresse »

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XXX
XXX
5 septembre 2015 11:43

Est-ce que le Congrès ne pourrait pas profiter de cette actualité et des questions qu’elle soulève pour modifier son règlement ? Les questions morales et éthiques sont essentielles mine de rien en démocratie. A défaut d’une initiative du bureau de l’institution et de son président, il suffit qu’un groupe politique le propose. Chiche !! Les élus sont-ils des citoyens comme les autres ? A titre individuel sans aucun doute, mais en tant qu’élu, probablement pas. A eux d’en tirer les conséquences. Le règlement pourrait aider les plus durs d’oreille ou les plus retors à entendre raison. Ce serait faire œuvre… Lire la suite »

Floyd
Floyd
Répondre à   XXX
5 septembre 2015 11:54

C’est vrai que tout le monde avait oublié la vedette du Congrès “Marie Brizard”. Mais paraît aussi qu’il y’a une autre grande vedette (du Congrès) qui sectionne (à grand coup de véhicule de service de la Mairie du Mt Dore) les poteaux téléphoniques qui traverse la route. Tellement merveilleux tout ça.

gil
gil
4 septembre 2015 08:54

Comment démissionner un ministre, la réponse est parfaitement connue. *Pourquoi le démissionner c’est un autre débat. Personnellement tant qu’un ministre n’est pas condamné a une peine d’ennigibilité , ou à de la prison ferme, je ne vois pas pourquoi, il devrait démissionner. Les entreprises ne le font pas pour les salariés. je ne vois pas pourquoi on le ferait pour un ministre. Qu’on ne me parle pas d’exemplarité, A Part Mme THEMERAU , je suis persuadé que la plupart des politiques de ce pays ont des casseroles au cul. quand a l’insulte à agents, j’ai meme souvenir que J Lafleur… Lire la suite »

Rigoberto
Rigoberto
4 septembre 2015 08:35

Seule l’UC peut décider de démissionner son “Ministre”.
En attendant un ancien Président du Gouvernement s’était accroché à son poste alors qu’il avait été condamné à une peine d’inéligibilité, c’est à dire encore plus que la peine infligé à Tony qui pour l’instant n’a pas été condamné à cela.
Alors, deux poids deux mesures ?

Mouton Noir
Mouton Noir
Répondre à   Rigoberto
4 septembre 2015 13:30

Rigoberto ou l’art d’oublier que le-dit président a été blanchi en appel. Fallait-il qu’un innocent démissionne ? L’affaire était complexe et méritait un procès pour y voir clair. Dans le cas d’AL il ne s’agit pas de prouver sa culpabilité puisque son permis a été retiré, l’état d’ébriété au volant constaté par des agents de la force publique. On ne peut pas encore affirmer qu’il a tapé son ex-compagne, l’enquête et le procès le diront, mais on peut déjà affirmer qu’il s’est présenté chez elle à nouveau en état d’ébriété, qu’il a insulté des agents de police. Les 4 voitures… Lire la suite »

ENI ANA
ENI ANA
Répondre à   Rigoberto
5 septembre 2015 14:20

Pas le même poids justement Rigoberto. Des délits avérés et d’autres pas. Faut comparer ce qui est comparable.

T
T
4 septembre 2015 07:19

Quand un citoyen landa comme vous et moi fait un pas de travers il ramasse. Pas de deuxième chance pour notre “ministre par copinage”, qui n’a que la stature d’un voleur de fonds publics. Quelqu’un a son bilan???? Un arbre, une vie -combien de millions payés par vous et moi!!! 4 voitures du gouvernement pliées – payées par vous et moi!!!! Des groupes de travail auquel il ne participe pas – salaire payé par vous et moi!!!!!! Là faut vraiment qu’on arrête de nous prendre pour des dindons!!!!!!!

ENI ANA
ENI ANA
Répondre à   T
5 septembre 2015 14:22

Au fait, pourquoi la comparution immédiate n’a pas été appliquée pour ce coup-ci?

Floyd
Floyd
4 septembre 2015 07:08

Il me semble que c’est logique que Tony se fasse juger par ses pairs au Gvt. Ce sera très instructif de voir les postures des autres minisses (non-CE). Même un “no comment” ou une abstention de vote sur le sujet serait inadmissible aux yeux de l’opinion public.

X
X
Répondre à   Floyd
4 septembre 2015 07:22

Tout à fait!

Pourquoi Philippe Germain n’inscrit-il pas cette question à l’ordre du jour de la prochaine réunion?

Floyd
Floyd
4 septembre 2015 06:58

Pinaise, nadegeaditatoi de ne plus toucher à la bouteille.
Après l’affaire Tamaï, il me semble que Wamy t’avait bien prévenu……. à toi (et à ta bande au Gvt) d’arrêter de vous faire remarquer. Mais awa, trop têtu et maintenant au niveau de la coutume tu sais ce qui t’attend, la croix verte de l’UC va se transformer en croix bleue.
Aouh boire encoreeeeee.

Tema
Tema
4 septembre 2015 06:50

Entièrement d’accord pour que l’UC retire AL de son poste. Et entièrement daccord pour que l’UNI fasse de même avec Paul Neaoutyne. Les hommes qui frappent des femmes sont une honte pour la société.

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