Un 19 mars à Nouméa

En dix minutes, l’affaire était jouée ! Rarement un dépôt de gerbe n’avait été aussi rapidement expédié. Il faut dire que nombreux étaient ceux qui manquaient à l’appel : un boycott remarqué.

Pas de porte-drapeaux, pas d’anciens combattants et de nombreuses autorités volontairement absentes comme le député Philippe Gomès ou le sénateur Pierre Frogier. Les absents tenaient à marquer leur désapprobation au choix de la date du 19 mars comme journée du souvenir des morts de la guerre d’Algérie (1954-1962). Pourtant, le souvenir de cette époque est vivace en Nouvelle-Calédonie où s’est installée après l’indépendance de l’Algérie, une forte communauté pied-noir. De la même manière, les membres des associations d’anciens combattants sont pour la plupart, des anciens combattants d’Algérie. Si les parlementaires, les élus et les anciens combattants ont ainsi protesté, c’est parce que la date du 19 mars est controversée.

La fin d’une Algérie

C’est François Hollande qui a choisit cette date du 19 mars qui commémore le jour-anniversaire de la signature des accords d’Évian, 19 mars 1962, qui enclenchaient, non seulement le cessez-le-feu, mais surtout l’indépendance de l’Algérie. D’ailleurs de l’autre côté de la Méditerranée, le 19 mars est une journée de commémoration nationale symbolisant la victoire de l’indépendance. Le 19 mars 1962 marque surtout le début de drames et de massacres qui ont traumatisé, et la traumatise encore, la communauté nationale française. À partir du 19 mars, l’armée française encore sur place en Algérie reste l’arme au pied, pendant que 60 000 à 80 000 Harkis, les musulmans ayant choisi la France, sont massacrés, que 3 500 Européens sont enlevés (1 500 seulement seront retrouvés vivants) et qu’un million de pieds-poids, les Français d’Algérie, prennent le chemin de l’exil et du retour vers la Métropole souvent dans d’épouvantables conditions.

Non au 19 mars

Le choix du 19 mars par le Président de la République suscite la polémique en France, métropole et Outremer, comme l’ont manifesté ceux qui, à Nouméa, ont choisi de ne pas s’associer à la cérémonie de dépôt de gerbe. En France, comme en Nouvelle-Calédonie, les associations patriotiques notamment, réclament que l’on revienne à la date instaurée en 2002 par Jacques Chirac, à savoir le 5 décembre. Jacques Chirac avait fait le choix de cette date « neutre » qui correspond au jour où il a inauguré au quai Branly, le Mémorial des soldats français tombés en Algérie, un monument sur lequel sont inscrits les noms des 24 000 soldats français morts en Algérie, y compris ceux qui ont été tués après le 19 mars 1962.