Nouville : le “Shark feeding” va-t-il entraîner des drames ?

Depuis plusieurs mois, les vidéos montrant des jeunes nourrir d’énormes squales sur le port de Nouville se multiplient sur les réseaux. Requins tigres ou bouledogues prennent maintenant l’habitude de se rapprocher du rivage pour être nourris et ce à quelques kilomètres des plages de Nouméa. Inconscience ou anecdotique ?

Les pécheurs calédoniens savent bien que sans nourriture, on a assez peu de chance de croiser certaines espèces de requins. Comme une majorité d’animaux sauvages, la plupart sont craintifs, ou indifférents aux baigneurs, aux plongeurs et à leurs bulles. En revanche, la nourriture est un fort stimulant pour tous les animaux et notamment pour le requin qui la repère de très loin. C’est ainsi que sur les quais de la presqu’île de Nouville, il est devenu – malheureusement ou non – habituel de croiser des individus venus pratiquer le Shark-Feeding. La méthode consiste à récupérer des restes de poissons (têtes, morceaux ou boyaux) et à s’en servir pour attirer des requins près des quais le tout devant un public conquis. Désormais, ces scènes sont filmées à l’aide de smartphones puis diffusées sur les réseaux sociaux. Résultats : plus le ou les requins sont de grandes tailles et plus elles deviennent populaires !

Mais ces pratiques changent-elles le comportement de ces animaux et leurs habitudes ? Le docteur en biologie marine Johann Mourier, spécialiste des squales en Polynésie, explique que l’activité de Shark feeding entraîne des perturbations sur le comportement des requins et surtout qu’elle les sédentarise sur le lieu de distribution de nourriture. “Les requins finissent même par caler leurs approches en fonction des heures de nourrissage” affirme-t-il.

Une pratique souvent interdite, sauf en Calédonie ?

Après plusieurs drames advenus dans des régions touristiques où des opérateurs pratiquaient le Shark feeding pour leurs clients, de nombreux pays ont interdit le procédé. En effet, dans les zones en question, la sécurité des pêcheurs, des baigneurs, des plongeurs et des surfeurs était remise en cause car les requins normalement craintifs s’accoutument à la présence humaine à force d’être nourris et des attaques peuvent alors survenir. Près de nous, en Polynésie Française, nos voisins ont interdit le Shark feeding en avril 2006.

Le code de l’Environnement polynésien précise d’ailleurs qu’il est interdit de nourrir les requins “dans les lagons, les passes et dans un rayon d’un kilomètre centré sur l’axe de la passe, à titre gratuit ou onéreux”. En cas de constat, la sanction est très lourde et va jusqu’à un million de francs d’amende, laquelle est doublée en cas de récidive. Il faut dire que pour l’économie de l’île et à la vue de la mauvaise publicité que cela entraîne, il n’y a rien de pire qu’un touriste attaqué par un requin (ce fut le cas à Bora-Bora en février 2013 lorsqu’un plongeur canadien a été blessé par un requin citron qui souhaitait s’emparer de sa montre…). Preuve en est : la Réunion avait vu sa fréquentation touristique baisser de près de 10% après plusieurs attaques mortelles de requin entre 2012 et 2013. Heureusement, pour l’heure, aucun requin tigre de Nouville n’a encore été aperçu plus loin : c’est-à-dire à proximité des plages nouméennes, situées à 5km plus au sud…