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Calédosphère

LES CHRONIQUES DE CATON

Toi l’Auvergnat

Ses parts d’ombre étaient-elles si épaisses et puissantes qu’il dut en mourir ? Héros pasolinien, partageant avec Michel Foucault l’attrait pour d’étranges chemins de traverse qui ne conduisent qu’aux conflits de la conscience et aux affres du remord et de la honte, on imagine l’homme bousculé, déchiré, écartelé jusqu’aux tréfonds de son âme et de son humanité.

Jean-Pierre Deteix ne doit pas apparaître ainsi aux yeux du monde et de ceux qui l’ont connu, parce ce que ce n’est pas de cela dont on se souviendra de lui.

Sans doute tenait-il une place à part et presqu’en marge dans le paysage politique calédonien, parce que son discours, quelle que fût l’époque, détonnait et préservait une volonté, même infirme, de dialogue et d’échange. Indépendantiste et socialiste bien sûr, Jean-Pierre Deteix conservait dans ses convictions, les ferments de ce qui l’avait fondé : un profond humanisme, le sentiment de dieu et quelques certitudes philosophiques. Le personnage était donc atypique, ce qui lui valu certainement de n’être jamais au premier plan, alors que ce travailleur intelligent et acharné, fin connaisseur des dossiers, aurait eu toute sa place dans les hémicycles où trop souvent ne brille pas la plus grande pertinence. En avait-il pris ombrage ou s’était-il convaincu qu’il lui faudrait agir pour être plus efficace encore, dans l’arrière-plan plutôt que sur l’avant-scène ?

On ne peut nier que la culture kanak doit beaucoup à Jean-Pierre Deteix, non pas en ce qu’il fut l’ordonnateur de quelques grands projets, mais parce qu’il avait compris le message de Jean-Marie Tjibaou sur la culture, le peuple et la liberté, et n’était pas désireux d’autre chose que de le mettre en pratique. La culture en effet dans ce qu’elle véhicule et transmet, la culture comme identité et Deteix se retrouvait donc sur l’idée que, comme le déclarait Tjibaou : « ce qui est fondamental dans la culture kanak, mais que l’on retrouve aussi dans d’autres cultures, c’est la conception de l’homme. L’homme n’est jamais individu, il est le noyau d’un ensemble ». Cela lui collait si bien à lui l’Auvergnat atterri sur ces rives à la fin des années soixante, en provenance d’une métropole qui croyait avoir fait la révolution un certain mois de mai, mais qui n’avait abattu que quelques règles jamais reconstruites. L’homme comme noyau d’un ensemble, offrant à Jean-Pierre Deteix une nouvelle vie, de nouveaux horizons, au sein d’une société dont il avait appris les arcanes et les secrets et à qui il avait fait profiter de sa sagesse.

Les hommages qui lui ont été rendus n’ont rien d’incongru, mais les hommes ne sont-ils jamais plus grands, morts que vivants ? Nul ne sait ce que Jean-Pierre Deteix léguera à la postérité d’un pays à venir et que l’on doit construire, l’on sait juste qu’il va manquer à cette construction. Les pierres qu’il aurait apportées à l’édifice auraient eu de cela qu’elles n’auraient jamais été mal taillées ni de guingois, mais que nous aurions eu la certitude que sur ces pierres, il eut été possible de construire quelque chose de durable.

Caton

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CATON

Observateur attentif de la société, Caton n'est dans ses analyses ni obtus ni extrémiste. Appartenant à une génération calédonienne qui en a vu d'autres, féru d'histoire, ce contributeur tranche au scalpel d'une plume acerbe et aiguisée nos idées reçues sur la vie politique locale. Adepte du Old School, Caton transmet au blog, depuis la fin de l'année 2012, par courrier postal une contribution portant sur un thème d'actualité qui est mise en ligne chaque semaine. Cité par Elisabeth Nouar, dans une de ses chroniques, Caton est l'un des "Sept salopards du net"

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Anonyme
Anonyme
21 juin 2016 14:51

C’est un trés bel homage que tu rends à Jopaopi, et je trouve navrant que les commentaires qui y ont été faits ne soient pas à la hauteur de ton écrit! Mais qui parmi nous, connait Pasolini et Foucault pour se mesurer la justesse de tes mots?
Merci

Yvan La Méche
Yvan La Méche
11 juin 2016 12:53

PROPOS DE MARCUS GRAVEN : Nouvelle-Calédonie : un socialiste homo indépendantiste massacré par un voyou kanak… Publié le 8 juin 2016 – par Marcus Graven Les Nouvelles calédoniennes, après un week-end de fortes pluies, annonçaient dans leurs colonnes de lundi, les découvertes de deux cadavres, l’un à Nouméa, l’autre à Nouville, une presqu’île proche de Nouméa. Le premier macchabée a été vite oublié, un SDF. L’autre s’est imposé dans l’actualité et même Valls en a été tout retourné (si j’ose dire). La police a mis vingt-quatre heures pour l’identifier. Le visage était si martelé de coups de pied et de… Lire la suite »

Lulu
Lulu
9 juin 2016 08:53

Bilan : des tarés décérébrés sous pseudo contrôle judiciaire se baladent tranquillement à Nouméa où se concentre la lie dont l’île des Pins ne veut plus. Merci qui?

apox
apox
9 juin 2016 07:59

Vraiment bizarre aucun commentaire de la LDH de NC, dont il faisait parti!!!

X
X
Répondre à   apox
9 juin 2016 08:38

Un communiqué de la LDH a été diffusé: il rend hommage à JPD et rappelle son engagement à la LDH…

Clarkounet.... Gaybeuloïde
Clarkounet.... Gaybeuloïde
Répondre à   X
9 juin 2016 09:59

Diffusion restreinte, et officieuse, alors!!

t’aurais pas le lien parce que je ne trouver rien de mon coté, ni sur leur FB, ni sur leur site, ni en faisant une recherche avec les mots-clefs: Ligue+droits+homme+nouvelle+calédonie + Deteix.

X
X
Répondre à   Clarkounet.... Gaybeuloïde
9 juin 2016 12:37

Il suffit de s’intéresser un peu à ce qui se dit, pour avoir l’information. Je ne vais pas vous mâcher le travail…

Bonobo
Bonobo
Répondre à   Clarkounet.... Gaybeuloïde
10 juin 2016 16:16

Essaye un peu FM+ Deteix+NC tu vas peut etre trouver quelques infos.

apox
apox
9 juin 2016 07:57

L’assassin présumé de J-P. Déteix savait-il qu’il “avait à faire à M. Déteix?????? Peut-être que l’enquête le dira!

bendidon
bendidon
8 juin 2016 21:05

Un phylokanak blanc explosé par un kanak. Ça laisse penseur pour les autres!
Que disent les frangins de la LDH? La faute aux blancs et à la kolonisation?

tyty
tyty
8 juin 2016 15:11

Finalement, défendre la cause Kanak sans en être un soi-même, c’est un peu comme soigner des animaux sauvages blessés, pour leur rendre leur liberté ensuite.
Il faut rester sur ses gardes en permanence… chez la plus gentille des panthères, si les fils se touchent elle te bouffe.
C’est pourtant un problème connu avec les animaux sauvages…

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