Armes à feu : le fanatisme des lâches

Si la possession d’armes à feu a toujours fait partie de la culture calédonienne, en revanche, une nouvelle mode issue des quartiers sud pousse les jeunes nouméens de la bourgeoisie à s’armer pour se préparer à on ne sait quel « danger » mais surtout pour montrer aux copains qu’on est un « dur ». Cow-boys d’opérette !

“Le lâche craint la mort, et c’est tout ce qu’il craint.” Ils ont donc peur. “Ils”, ce sont justement ceux qui ont le moins à craindre de l’insécurité, des vols, des razzias, de la misère, de la délinquance et de son cortège de malheur. “Ils” vivent dans les beaux quartiers. “Ils” sont à l’abris du besoin. Pour la plupart “ils” ont déjà prévu le coup : en cas de difficulté, “ils” se sont achetés des appartements et des propriétés en Australie, en métropole ou en Nouvelle-Zélande… “Ils” se disent prêts. Mais “ils” sont surtout prêts à partir, sur les starting-blocks, les clés sur le contact de leur berline si cela devait un tant soit peu barder. Mais pour le faire oublier, pour pouvoir encore assurer auprès de leurs proches et se faire bien voir, “ils” vont de rodomontades en coups de menton. On les entend tous, ces cow-boys du dimanche des baies de Nouméa, assurant en gesticulant qu’il se sont armés « au cas où », insistant sur le fait qu’ils espèrent bien « ne jamais avoir à s’en servir ». Car le lâche est souvent celui qui se justifie le plus. C’est ainsi qu’après l’appel et les encouragements d’Harold Martin aux habitants de sa commune de créer des milices armées, c’est au tour de l’héritier de Philippe Pentecost d’appeler à la lutte armée, à savoir Edouard Pentecost. Leur point commun ? Ils sont tous les deux richissimes et vivent pourtant dans des quartiers à l’abris de la délinquance. Si Harold Martin s’est acheté une sublime maison sur les hauteurs de Sainte Marie et si les Pentecost ont du haut du Rocher à la Voile l’une des plus belles vues de la capitale, cela ne les empêche pas, chacun, d’encourager les autres, les manants, les sans-grades des quartiers populaires à s’armer, comme eux, « au cas où » !

Gros la gueule mais petits les bras

Comme d’autres, le fils Pentecost veut se faire passer pour un cow-boy. Edouard Pentecost qui par la grâce d’une ancienne décision de Jacques Lafleur détient au travers de sa société Pacific Distribution une rente de situation financière via l’importation et la distribution du tabac et des cigarettes sur le territoire n’est pourtant pas à plaindre. Il est en sus issu d’une respectable famille calédonienne dont les ancêtres sont pour partie originaires de Maré. Chez ses aïeux, le mélange, le métissage et le destin commun ne sont pas de vains mots. Il est censé savoir, en Nouvelle-Calédonie, où le chemin des armes et de la menace a conduit. Reste qu’il s’est fait un malin plaisir la semaine dernière à diffuser sur les réseaux sociaux une photographie de toutes les armes et munitions qu’il a récemment vaillamment achetées :

A la différence des pères qui ont, eux, participé aux évènements dans le camp de ceux qui voulaient maintenir la Nouvelle-Calédonie au sein de la France en prenant alors de vrais risques pour leur vie et pour leurs biens, les « fils de » n’en prennent aucun, si ce n’est celui de répondre, parfois, à des commentaires désobligeants de leurs amis sur leur page Facebook. Car en brousse, celles et ceux qui possèdent des armes (depuis toujours !) ont toujours eu la décence de ne pas les exposer en prenant la pose, tels des gangstas ou de vulgaires racailles de banlieue. Parce que ces armes font aussi partie de la vie, entre coups de chasse et tirs sportifs et parce qu’elles peuvent être utiles pour défendre leurs biens ou leur famille. Parce qu’en brousse, une arme est d’abord un outil avant d’être l’appendice d’une virilité mal assumée. Mais le phénomène qui consiste à encourager la détention et l’utilisation des armes ne se réduit pas qu’aux bourgeois apeurés de Nouméa Sud. Philippe Blaise, un élu du congrès a ainsi répondu à Edouard Pentecost dans un message lourd de sous-entendu :

Quel est le plus con des deux ? Le con ou celui qui le suit ? Voire. Car on les connait ces élus et ces responsables politiques qui encouragent les citoyens à s’armer et à se « faire justice eux-mêmes » et qui prennent la poudre d’escampette quand le danger menace. En 2009, Jean-Claude Briault, alors élu du RUMP, avait créé avant la campagne des provinciales le collectif « Tranquillité Républicaine ». L’un de ses membres, William Illat, un retraité habitant aux Portes-de-Fer, excédé après plusieurs cambriolages, avait tiré à plusieurs reprises dans le dos d’un jeune de 19 ans qui tournait autour de sa voiture. Mais le jour où la cour d’appel l’avait condamné à quinze ans de réclusion criminelle, aucun élu, aucun responsable politique – et surtout pas ceux qui avait encouragé la création de cette « milice » – n’avait fait le déplacement au tribunal. Le vieil homme avait purgé sa peine dans l’indifférence totale des politiques qui l’avaient encouragé à s’armer et à se défendre. Il faut dire que les élections étaient passées depuis longtemps… Qui est le véritable lâche ?

Jusqu’à nouvel ordre, la Nouvelle-Calédonie, c’est la République. Et dans la République Française, c’est l’Etat au travers de la force publique qui est seul compétent et responsable du maintien de l’ordre public. Ces “loyalistes” qui crient « République, République, République ! » devraient peut-être se souvenir des principes derrières les mots qu’ils scandent au risque, un jour, de passer pour ce qu’ils sont peut-être : de lâches arrivistes.