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Tolérance zéro !

Tout le monde semble avoir enfin compris les dangers que fait porter l’augmentation de la délinquance, à la cohérence du corps social calédonien. Du sénat coutumier aux partis politiques, aiguillonnés sans doute par la proximité des législatives, tous sont pris d’une fièvre, certes tardive, à proposer des solutions, élaborer plans et stratégies, pour contenir le phénomène.

Parler de la délinquance réclame avant tout de poser des constats afin de mettre chacun face à ses responsabilités. D’abord, force est de constater que les politiques ne se sont jamais vraiment préoccupés de la question, sinon en période électorale. Le débat qui devrait avoir lieu au congrès sur la délinquance, dans les prochaines semaines, sera le premier du genre jamais organisé dans l’enceinte du boulevard Vauban ! Ensuite, et au-delà de la perte des repères, du respect et de l’autorité dus à l’école, les parents, la coutume, la société calédonienne a fait trop longtemps preuve d’une grande permissivité à l’égard de comportements déviants comme l’alcoolisme ou les violences faites aux femmes. Enfin, et ce n’est pas le moindre des maux, il est avéré que le système judiciaire français, jamais réformé en dépit des promesses de la gauche et de la droite, nous laisse totalement démunis pour contrer la délinquance des mineurs, celle-là même qui aujourd’hui constitue l’essentiel de la délinquance calédonienne.

« Nous avons à peu près 600 mineurs mis en cause chaque année. Il n’est pas question évidemment d’incarcérer ces 600 personnes, ça n’aurait pas de sens, et ça ne ferait que produire de la récidive les concernant » (Alexis Bouroz, procureur de la République – RRB 1er oct)

De fait, le quartier des mineurs du Camp Est, rénové et agrandi il y a quelques années, n’affiche même pas 100% d’occupation. Et, quoi qu’en disent certaines bonnes âmes, le problème est que l’on ne peut admettre que la prison ne soit pas la réponse adéquate contre la délinquance des mineurs, qu’à la condition que d’autres solutions existent. Or, non seulement il n’y en a pas, mais celles qui auraient pu être mises en œuvre ces dernières années, ne l’ont jamais été. C’est le cas en particulier du centre éducatif.

L’arlésienne

L’idée de créer une structure spécifique aux mineurs, notamment afin d’éviter la récidive, ne date pas d’hier. Dans son programme pour les provinciales de 2009, le Rassemblement-UMP qui souhaitait faire « de la lutte contre ce phénomène, une priorité pour la prochaine mandature », préconisait la création « de structures semi-fermées alternatives à la prison ». Ouvert, fermé, semi-fermé, semi-ouvert, le projet du centre éducatif est demeuré dans les cartons suivant les responsables institutionnels en place, la réflexion quant à sa réalisation demeurant même au point mort. On en reparle cependant aujourd’hui, bien que les opinions divergent complètement sur le sujet. Se basant sur le manque de résultat probant de ce type de structures telles qu’elles existent en métropole, les indépendantistes réclament à ce que l’on réfléchisse à d’autres dispositifs, sans pour autant proposer d’autres solutions viables. Calédonie Ensemble préconise une nouvelle montée en puissance du SMA et prône l’extension à la Nouvelle-Calédonie des EPIDE (établissement pour l’insertion dans l’emploi) dont le fonctionnement repose sur le respect d’une discipline et d’un règlement intérieur stricts ainsi que sur le port de tenues uniformes. Les Républicains proposent quant à eux la création d’un centre éducatif surveillé qui pourrait être installé à Nandaï, sur la commune de Bourail. Les idées fusent, mais rien ne progresse et c’est cette absence de volonté dans la réponse qui laisse le champ libre aux propositions les plus radicales.

Éviter les outrances

Le phénomène de délinquance a pris tant d’ampleur qu’il réclame d’être abordé sur le fonds et dans la responsabilité. Or actuellement, on assiste à une déviance sécuritaire dangereuse, attisée par des déclarations et des prises de position dévastatrices qui ne peuvent conduire qu’à des drames. Ainsi Harold Martin :

« Il arrivera le moment où je dirai aux citoyens de ce pays, et ici à Païta : les armes sont en vente libre, vous allez vous en acheter et vous allez vous défendre avec » (Harold Martin – LNC)

Le même qui, pour on ne sait quel gain électoral, entretient les peurs et alimente le racisme ambiant, en vient à dénoncer une soi-disant « délinquance politique » :

« Ces délinquants politiques viennent ici dans les communes de l’agglomération pour nous voler, pour nous agresser, au motif que nous souhaitons rester dans la France » (Harold Martin- RRB-5 oct)

Des déclarations à l’emporte-pièce qui suscitent évidemment des réactions contre cette forme nauséabonde de récupération politique :

« Moi, ce dont j’ai peur, c’est que nous arrivons à des échéances politiques dès 2017 avec des élections législatives, et que certains puissent instrumentaliser la délinquance pour se faire élire » (Roch Wamytan- NCI)

Ces déclarations, parfois complaisamment relayées par la presse, ont cela d’inutile et de néfaste que chacun a conscience qu’elles ne règlent en rien le problème :

« La proximité des échéances électorales rend le débat plus compliqué certes, mais cela ne nous dégage pas pour autant de nos responsabilités, parce qu’en attendant le problème est bien réel et il faut le traiter. Même si on n’évitera pas de la surenchère et de l’instrumentalisation politique, il faut néanmoins avoir ce débat parce que c’est ce que les Calédoniens attendent de nous » (Philippe Michel – NCI)

Ne pas faire n’importe quoi

C’est pourtant hélas l’impression qui domine. Ne s’étant jamais attaqué à la question, n’y ayant jamais apporté des réponses efficaces de manière globale, chacun se sent permis de proposer des plans ou des mesures dans l’unique objectif d’occuper le terrain, sans prévaloir de la pertinence des propositions ni même de la capacité que l’on a de les mettre en œuvre. Or, la délinquance est un sujet sérieux qui réclame de ne pas faire n’importe quoi ! Et sur ce point, les exemples ne manquent pas ! L’interdiction de séjour sur le territoire des communes à certains délinquants est ainsi une mesure que la justice assure déjà. Refondre la justice pénale des mineurs n’est possible qu’à la condition d’être indépendant, ce contre quoi justement luttent les Républicains qui font pourtant cette proposition, ou instaurer des check-points à Tontouta ou à l’entrée de la route du sud pour lutter contre le vol de voitures, est déjà opéré de manière assez régulière par les forces de l’ordre. Quant à l’accession pour les vendeurs de boissons alcoolisées à un fichier spécifique des personnes déjà condamnées pour violence ou délit commis sous emprise alcoolique, il n’est pas sûr que cela « matche » avec notre constitution ! L’expérience montre, de même que l’évolution de notre société, que l’on ne peut régler la question de la délinquance à coups d’anathèmes et de slogans, comme celui qui fait florès de la « tolérance zéro ». Utilisé régulièrement par les uns et par les autres (Sonia Lagarde en 2014, les Républicains en 2016), ce mot d’ordre, nous en avons eu la preuve au long de ces dernières années, n’en demeure pas moins limité et inconsistant.

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Hubert B

Hubert B. a rejoint Calédosphère au tout début de l’année 2015. Enfant du pays, il a grandi à Nouméa et a ensuite bourlingué durant près de vingt ans au gré de ses envies et des hasards de la vie. Fils d’une bibliothécaire/documentaliste, il a été tour à tour enseignant, pigiste, formateur mais c’est finalement vers l’écriture qu’il a choisi de revenir. Succinct, précis, parfois laconique, si son style est volontiers direct, ses intérêts sont éclectiques et toujours tournés vers l’actualité. Sa citation favorite : « Le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres »

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Djianou
Daouï
30 octobre 2016 05:20

Cela a commencé à St Louis avec Decoiré, moins 1 …….+1000 pour le déssoudeur….

François Pelletier
Bigfoot
22 octobre 2016 22:24

Les politiques ont été élus. Ils dirigent le pays. Et bien qu’ils fassent leur boulot, cela en fait partie: qu’ils trouvent une solution à toute cette délinquance !!.

ANIAM NC
ANIAM NC
22 octobre 2016 15:21

INSTRUMENTALISER LA DÉLINQUANCE POUR SE FAIRE ELIRE…..WAMYTAN EST LE PREMIER A LE FAIRE….

Mister Eric
Mister Eric
21 octobre 2016 10:27

https://twitter.com/hashtag/jesoutienslapolice
A quand un article sur la fronde des policiers en Métropole ? Quand est-ce que les policiers de Nouméa vont descendre dans la rue en solidarité de leurs collègues parisiens, marseillais, bordelais, niçois, etc ?

——————

ça y est, je viens de regarder le merdia France24, les merdias se sont passé le mot : détourner l’attention sur le FN, faire oublier le fond del’affaire, et hop le tour de passe-passe, bien sûr c’est lui le FN le diable qui manipule, les policiers eux sont trop bêtes pour savoir ce qu’ils doivent ressentir et penser. Pourquoi manifesteraient-ils ?

Nessy Locdulac
Nessy Locdulac
20 octobre 2016 16:32

La tolérance zéro: ça marche! Comme le démontre Barnabaque avec les chiffres sur New York.
Pas d’état d’âme, tolérance zéro! Les lois sont toujours là. Qu’est-ce que vous attendez pour les FAIRE appliquer Nom d’une pipe!!! ou d’un cigare…. 😉

Floyd
Floyd
19 octobre 2016 20:51

WTF?!? Non mais quelle bande d’enclumes et ça veut donner des leçons de lutte contre la délinquance.. L’alcool est un produit de première nécessité, pitain mais c’est le délire total.

“Les groupes Les Républicains, UC-FLNKS et Nationalistes et UNI ainsi que les élus UCF, ont en effet voté en faveur d’un amendement déposé par l’Union Calédonienne et qui consiste à n’appliquer qu’un taux réduit prévu à 3%. Cet amendement équivaut, selon le barème des taux de la TGC, à considérer les boissons alcoolisées et sucrées, comme des produits de première nécessité !

caledovrais
caledovrais
19 octobre 2016 19:08

on peut me traiter de facho ou d’extrémiste mais serait-il possible d’avoir le pourcentage de délinquants par ethnies juste par curiosité n’en déplaise à la ligue des droits de l’homme !

Inforétif
Inforétif
Répondre à   caledovrais
28 octobre 2016 09:16

“pourcentage de délinquants par ethnies”

caledovrais, c’est pareil en métropole. Par exemple jamais aucun média n’a révélé qui agresse (voire tue) des membres de la communauté Chinoise en région parisienne.
L’art de la langue de bois atteint son paroxysme :
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/09/04/01016-20160904ARTFIG00148–paris-la-communaute-chinoise-crie-sa-colere.php
http://www.leparisien.fr/aubervilliers-93300/aubervilliers-condamnes-pour-11-agressions-contre-des-chinois-09-08-2016-6027649.php
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20160822.OBS6664/meurtre-a-aubervilliers-la-violence-s-intensifie-contre-la-communaute-asiatique.html

Le seul média non complotiste ou d’extrême droite qui suggère que les agresseurs viennent des “cités” (mais leur origine ethnique n’est pas précisée) :
http://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/agressions-la-colere-des-chinois_1808445.html

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