Saint-Louis : le Haut-commissaire s’en prend… aux réseaux sociaux

Rentré de vacances, le Haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie s’est exprimé sur la situation à Saint-Louis. Selon Thierry Lataste, les individus recherchés pour de nombreux faits de violences seront appréhendés « grâce au dialogue engagé ». Le Haussaire a par ailleurs fustigé les messages de « haine » sur les réseaux sociaux. Donc maintenant, c’est la faute des internautes ?

Les récents évènements de Saint-Louis constituent la première véritable crise que l’ancien directeur de cabinet de François Hollande doit affronter depuis sa nomination en tant que représentant de l’Etat sur le caillou. Mais après que son secrétaire général ait lancé en début de semaine un retentissant « ultimatum » aux individus ayant cherché à tuer des automobilistes et des gendarmes, Thierry Lataste a semble-t-il modifié le discours de l’Etat pour lui faire prendre un virage à 180°. Selon le communiqué que le haussariat a fait publier dans la journée de vendredi, le recours à la force n’est en effet plus d’actualité. Finalement, c’est par le dialogue que l’Etat compte, à nouveau, « faire cesser les graves actes de délinquance qui empêchent la libre circulation sur la RP1 au niveau de la tribu de Saint-Louis » :

« J’ai senti (…) qu’il y a une volonté de faire avancer les choses. Il y a des individus identifiés qui doivent être interpellés par les forces de l’ordre. Ils le seront. Ils le seront vite, nous l’espérons, grâce à ce dialogue qui a été engagé et qui va se poursuivre (Thierry Lataste, 03/02/17) »

Le haussaire affirme ainsi que désormais la circulation serait fermée sur la RP1 tous les soirs à 19h30 et ré-ouverte les matins dès 5h30. Instaurant de ce fait une sorte de « couvre-feu » pour les quelques 15.000 Calédoniens vivant au sud du Mont-Dore. L’Etat indique que, la semaine prochaine, « la situation sera réévaluée, si et seulement si les conditions de sécurité » lui apparaissent réunies.

Empathie et haine

Rappelant que la situation est « inacceptable » et qu’elle a un impact fort sur « la vie de nos concitoyens », Thierry Lataste, qui venait de recevoir les représentants de l’Association Citoyen Mondorien après qu’ils aient manifesté devant les grilles du haussariat, est longuement revenu sur les perturbations que subissent les habitants et a tenu dans son communiqué à les assurer de toute sa sympathie :

« J’ai reçu une délégation de l’association Citoyen Mondorien à l’origine de ce rassemblement. J’entends et je comprends la colère et le désarroi de ceux qui sont empêchés de prendre la route avec les conséquences sociales et économiques que cela implique (Thierry Lataste, 03/02/17) »

Mais, pour autant, le Haut-commissaire s’en prend dans son communiqué – non pas aux auteurs des coups de feu et à ceux qui les encouragent ou les soutiennent – mais bien à ceux qui se plaignent de la situation qui a vu 16 gendarmes être blessés, dont plusieurs par balle, depuis octobre dernier. Thierry Lataste déplore ainsi que certains surnomment déjà Saint-Louis « la honte de la république ». De plus, le Haut-commissaire fustige les internautes Calédoniens qui critiquent sur les réseaux sociaux avec des mots très durs la « mollesse » de l’Etat et son incapacité à faire régner l’ordre public :

« Je sais que la plupart de nos concitoyens ont le sens de la mesure. Mais j’entends aussi les messages de haine, je les lis comme vous sur les réseaux sociaux. Ces propos sont inadmissibles dans notre pays et ils sont aussi dangereux (Thierry Lataste, 03/02/17) »

Si on ignore à l’heure actuelle si des messages sur Facebook sont « aussi dangereux » que des balles trafiquées tirées sur des automobilistes se déplaçant sur une route du territoire, en revanche on se rappelle que son ancien employeur, François Hollande, avait lui aussi tenu les mêmes propos après les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan. Le 24 février 2015, suite aux innombrables commentaires d’internautes critiquant sévèrement l’action du Gouvernement, le Président de la République avait déclaré vouloir réglementer l’internet en qualifiant comme délit pénal des commentaires jugés « haineux » :

« La haine, quand elle est anonyme, elle se démultiplie […] Il n’y a pas de haine virtuelle dès lors qu’elle se répand […] Le monde numérique n’est pas hors de notre réalité, il ne pourra donc pas être hors de notre légalité (François Hollande, 24/02/15 ; Sources : Elysée »

A l’instar de ces éminents camarades socialistes qu’il côtoyait à l’époque, tel un cabri sur sa chaise, Thierry Lataste semble là-aussi avoir pour reflexe de fustiger à foison « La haine, la haine, la haine » de celles et ceux qui, pourtant innocents de tout crime, appellent (avec excès ou vulgarité parfois) à l’arrestation et l’incarcération des « tueurs en puissance » qui essaient depuis des jours d’assassiner des usagers de la route ou des soldats de la gendarmerie en leur tirant dessus. Une sortie qui pourra néanmoins faire s’interroger les Calédoniens : Pourquoi, pour les responsables de l’Etat, la haine semble-t-elle toujours être du côté de celui qui condamne un acte criminel que du côté de celui qui le commet ?