Tity, Ricky et Rochy, Les Marionnettes de Sinluy

Il était une fois un bout de terre nommé Sinluy, une sorte de tribu qui avait le malheur d’abriter de vilains bandits et rakaillons pubères que leurs méprisables géniteurs avaient oublié d’élever. Ces bandits et ces rakaillons jetaient des pierres et tiraient au fusil sur les voitures qui passaient devant leur territoire conquis. Ils faisaient un mal terrible autour d’eux. Il était une fois trois individus: Rochy était de chef de Sinluy, Ricky était le Shérif du conté, et Tity, du haut de son képi blanc, représentait l’autorité puisqu’il était en relation direct avec l‘Autorité Suprême. Mais les bandits et rakaillons s’en donnaient à cœur joie puisque les hommes armés habillés en bleu qui, sous l’autorité de Tity, devaient faire régner l’ordre, ne faisaient rien. Alors les citoyens continuaient de subir, et attendaient sagement que Tity fasse ce qui était en son pouvoir.

Mais pourquoi les choses se passaient-elles ainsi ?

En fait, il s’est avéré que si Tity n’envoyait pas les hommes en bleu aller arrêter les méchants bandits et saisir leurs armes dans la tribu, c’est parce que Ricky et Rochy le lui déconseillaient fortement lors de leurs grandes réunions au sommet. Mais en faisant cela, Ricky et Rochy protégeaient ces dangereux bandits de toute intervention musclée des hommes en bleu. Mais surtout… ils se protégeaient politiquement : ils ne voulaient passer pour être les complices de Tity en lui ayant donné leur aval pour donner l’assaut. Auparavant, leur joues avaient été malmenées par ces mêmes bandits, alors cette fois ils avaient peur pour leurs fesses.

Ricky et Rochy, dans leur démarche malhabile mais qui était pour eux la seule issue, se protégeaient donc eux-mêmes sur le dos des citoyens qui subissaient ces violences. Tant que les citoyens subissaient et que les caillasseurs caillassaient, que les tireurs tiraient, eux étaient à l’abri. On peut même se demander si en plus de se protéger politiquement, Ricky et Rochy ne se protégeaient mutuellement, car ils étaient aussi de grands amis ! Pour eux les conséquences n’étaient pas que politiques, elles étaient aussi pour leur vie…. surtout pour Rochy. Le pauvre, pendant bien des années il avait creusé sa propre tombe sans s’en douter un seul instant tant il se croyait plus malin que tous ceux qu‘il avait bernés….

Mais ce qui est grave dans cette histoire, c’est que Tity, en se pliant de son plein gré aux bons conseils de Ricky et Rochy, recevait en fait ses instructions de ces derniers. Or, rien ne devrait se passer comme cela. Tity lui est au-dessus des deux autres, son képi blanc lui confère de grands pouvoirs, il peut faire ce que les autres ne peuvent pas. Avec l’Autorité Suprême, il peut déclencher la foudre qui punira les méchants bandits et rakaillons. Rochy –surtout lui– avait habilement vidé Tity de sa substance. Tel un Caliméro et sa coquille d’oeuf blanche sur la tête, Tity portait un képi trop grand pour lui.

Alors, que devons-nous en conclure ?

En fait, Tity se cachait derrière les bons conseils de Rochy pour avoir son prétexte tout trouvé pour ne rien faire. Ouf ! Rochy lui, se servait de Tity pour se poser en sauveur pour les méchants rakaillons en le convaincant de ne rien faire. Mais malgré les apparences, Rochy était déjà creux car c’était un faux-chef que ses sujets ignoraient, et par cet échange mutuel il a fait de Tity lui aussi un être creux. À force de se protéger l’un et l’autre, de se servir l’un de l’autre, Tity et Rochy n’étaient devenus que les marionnettes l’un de l’autre. Le savaient-ils mutuellement ? Mais le plus triste et le plus grave, c’est qu’ ils étaient aussi devenus les marionnettes des bandits de Sinluy. Car eux menaient la danse, ils ouvraient le bal quand il leur prenait envie, ils caillassaient, ils tiraient, et Tity, Ricky et Rochy ne faisaient que suivre en dansant de réunion en réunion.

Moralité de l’histoire.

Lorsque ceux qui portent le chapeau et le pantalon n’agissent plus ou que pour protéger leur intérêt personnel et abandonnent l’intérêt collectif — ce pour quoi ils ont voulu porter le chapeau — ils mettent la société en péril, celle-ci se retrouve au bord de la désintégration, socialement, politiquement.
Et les citoyens, découragés, désorientés, en mal de protection et de justice, se retourneront tout naturellement vers ceux qui leur promettent, même avec une franchise brutale, de redresser les torts. Pire, ils voudront peut-être le faire eux-mêmes. La nature ayant horreur du vide, ceci explique tout cela.
Le titre ne fait pas l’homme. Ce sont les actes.

Mister Eric