Le Haussaire juge l’absence de travail de la Direction des Affaires Coutumières « inacceptable »

Alors que l’Etat établit en ce moment les listes électorales pour le référendum, Thierry Lataste avait écrit au gouvernement pour dénoncer « le manque d’engagement, de diligence et d’implication » de la DGRAC. Pilotée par Anthony Lecren, la Direction des Affaires Coutumières semble en fait avoir quelques difficultés à estimer le nombre de personnes de statut coutumier… Algèbre.

« Responsables de l’organisation du scrutin et garants de sa sincérité, les services de l’Etat ont besoin pour établir les listes électorales de la collaboration loyale des services du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ». Les mots étaient durs et n’ont pas fait plaisir aux agents de la Direction de la Gestion et de la réglementation des Affaires Coutumières (DGRAC) qui ont par trois fois débrayé le mois dernier en réponses à la lettre de Thierry Lataste. Le Haut-commissaire de la République avait en effet écrit au président du gouvernement et à cette direction pour leur faire part de son inquiétude et de son irritation suite aux absences répétées des représentants de la DGRAC à plusieurs réunions du groupe de travail sur les listes électorales :

« Je me vois contraint d’appeler votre attention sur le manque d’engagement, dans cet effort coordonnée des services de la DGRAC (…) L’absence de la DGRAC a en effet été remarquée, tant à la dernière réunion du groupe de travail « listes électorales » du 31 aout 2017 qu’à la réunion spécifique du 10 aout 2017 (…) la direction n’a pas su apporter de justifications satisfaisantes à ces absences qui paralysent l’action du groupe de travail (…) l’absence de diligence et d’implication de la DGRAC dans ce dossier menace de placer l’Etat en porte-à-faux par rapport à ses obligations, tant sur le plan juridique que vis-à-vis des forces politiques calédoniennes. Cette situation est inacceptable. (Thierry Lataste, courrier du 13/09/17) »

Depuis 17 ans, la Nouvelle-Calédonie assume en effet seule, via la DGRAC, la compétence relative au statut civil coutumier. Or, afin d’établir la liste des fameux « natifs » calédoniens non-inscrits sur les listes électorales, l’Etat a besoin pour préparer au mieux le référendum de 2018 de croiser plusieurs listes afin d’identifier les personnes qui ne se sont jamais inscrites et parmi elles : celles qui bénéficient du statut coutumier. Une liste que seule la DGRAC peut transmettre aux services concernés.

Les chiffres ne collent pas…

Chargée, entre autre, de la délivrance des actes, de la tenue et de la conservation des registres de l’état civil et des registres de recensement des tribus, la DGRAC doit depuis maintenant un an mettre à jour ses données afin de transmettre le précieux fichier à l’Etat. Un travail fastidieux et compliqué puisqu’il apparait que les données n’étaient pas tout à fait actualisées. Quoi qu’il en soit, après le coup de gueule du Haut-commissaire, les représentants de la DGRAC ont donné le chiffre de 134 000 personnes de statut coutumier, mais parmi elles, ils n’ont transmis que 96 780 « lignes » correspondant non pas à des individus mais à des actes authentifiés. Les services de la DGRAC estiment en effet que des doublons existent dans leur fichier (une personne pouvant par erreur être inscrite deux fois).

Les morts ont-ils le droit de vote ?

Pour autant, le chiffre « source » de 134 000 apparait lui-même étrange, sachant que l’ISEE avait, lors du recensement de 2014, comptabilisé très exactement 104 958 personnes d’origine Kanak vivant sur le territoire. Sachant que le groupe de travail dispose des données de l’ensemble des collectivités et organismes calédoniens (CAFAT, Services Fiscaux, état-civil, banques, etc…), il semble que plusieurs milliers de personnes identifiées par la DGRAC ne se retrouvent nulle part ailleurs. Cependant, lors du recensement, 23 007 personnes avaient répondu être métisse c’est-à-dire avoir « le sentiment d’appartenir à plusieurs communautés ». Or, en posant l’hypothèse que toutes ces personnes bénéficieraient du statut coutumier (et seraient donc toutes métisse-kanak), et bien une simple addition démontre que même en ajoutant ce chiffre on n’atteint pas les 134 000 (104 958 + 23 007 = 127 965). Par déduction, deux possibilités peuvent être soulevées. La première hypothèse voudrait que d’une part l’ensemble des métisses de Nouvelle-Calédonie soient de statut coutumier et que, d’autre part, 6000 personnes aient été « oubliées » lors du dernier recensement. La seconde hypothèse voudrait que la DGRAC a inscrit deux fois les mêmes personnes ou bien a laissé inscrit dans ses fichiers les personnes de statut coutumier…décédées. Reste à savoir si à l’instar de ce qui a pu se produire par le passé (notamment à Paris sous l’ère Tiberi), en 2018, les morts auront eux aussi le droit de voter…

Retrouvez ci-dessous le courrier du Haut-Commissaire :