Nouméa-Sainte-Marie : pas de parc à 400 millions

Mardi soir, par 27 voix contre 21, les élus Calédonie Ensemble ont refusé que Sonia Lagarde dépense 400 millions pour aménager le futur parc de loisir de Sainte-Marie. La maire de Nouméa n’a plus de majorité au sein de son conseil municipal. Comptine autour d’un « jardin extraordinaire »…

Le 13 septembre 2016, après un feuilleton judiciaire qui aura duré plus de 10 ans, le Conseil Municipal de Nouméa avait finalement validé l’acquisition du fameux terrain dit « Parc des cinq îles » par la ville. Pour un montant de 1 milliard 100 millions de francs, la municipalité avait donc acquis ce lieu prestigieux au bord de mer afin d’y éviter la construction d’un important projet immobilier et cela pour répondre aux demandes du voisinage. Les constructions allaient en effet leur bloquer la vue (sur mer). Celles-ci auraient de plus, selon l’association du quartier, gêné les riverains mais aussi causé des nuisances et, surtout, entrainé une diminution du prix de leurs biens. Pour autant, ayant vendu à bas prix le terrain quelques années plus tôt, la mairie de Nouméa a dû le racheter aux différents promoteurs au nouveau prix du marché et donc pour un coût bien supérieur qu’à l’origine. Aucun autre choix à l’époque ne s’offrait puisqu’elle avait dans le même temps refusé d’octroyer des permis de construire. Ainsi, les promoteurs auraient pu – si la ville n’avait pas racheté le terrain – se retourner pénalement contre la municipalité et obtenir des dommages et intérêts très importants… A l’époque, il était prévu que ce terrain de 3.31 hectares redevenu municipal soit aménagé dans le prolongement de la promenade Pierre Vernier afin de comporter plusieurs espaces de sport, de loisirs et des paysages arborés. Mais c’est justement l’examen de ce projet présenté lors du conseil municipal qui a entrainé la mise en minorité de la maire de Nouméa.

Des économies

Sonia Lagarde souhaitait dépenser 400 millions pour aménager ce parc de loisir, ce qui aurait porté le projet final à un coût global de 1,5 milliards de francs. L’ex-députée de la circonscription avait affirmé que cela ne représenterait « aucun risque » pour les finances de la ville. Mais la situation financière des comptes publics étant ce qu’elle est, alors que le gouvernement est toujours bloqué, l’ensemble des collectivités calédoniennes doivent aujourd’hui faire face à de sérieuses difficultés budgétaires et surtout à la recherche d’économies. Les colistiers de Sonia Lagarde réunis au sein du groupe Calédonie Ensemble ont ainsi fait savoir mardi soir qu’il fallait « prendre en compte le fait que des économies sans précédent vont être réclamés de toutes les collectivités calédoniennes » et que « ces efforts vont conduire à une réduction de près de 1,2 milliard des dotations accordées à la ville de Nouméa ». Arguant que « ces efforts ne seront pas sans conséquence sur le quotidien des Calédoniens et des Nouméens en particulier », les élus ont voté contre cette dépense et demandé à ce que le projet soit « redimensionné » dans des proportions plus « raisonnables », c’est-à-dire moins couteuses. Il faut dire qu’en ce qui concerne les projets de loisir en construction, la ville a déjà dépensé pour la future piscine de Magenta et que, parallèlement, les investissements visant les quartiers populaires se font attendre. Ce que n’ont pas manqué de rappeler les élus de la majorité :

« Des projets d’ampleur, comme le centre aquatique de Magenta d’un coût de 1,5 milliard, ont déjà nécessité l’emploi de budgets importants (…) Il faut insister sur le fait que des efforts doivent encore être réalisés dans les quartiers les plus défavorisés de Nouméa notamment les quartiers Nord (15/11/17 ; communiqué Calédonie Ensemble) »

Comme on peut l’imaginer, du côté de Sonia Lagarde le discours n’a pas été le même, la maire souhaitant prolonger la promenade Pierre Vernier pour offrir une « meilleure qualité de vie » aux Nouméens.

400 millions pour : un « petit pont en bois » et une « petite maison de la nature » ?

Pour Sonia Lagarde, le budget alloué au projet était tout à fait « raisonnable ». L’ancienne parlementaire avait en effet expliqué dans les médias que le coût de l’achat et de l’aménagement du « parc des cinq îles » serait totalement « indolore » pour les contribuables nouméens :

« Ça va revenir, en moyenne, entre 40 et 50 millions par an sur 20 ans. Quand on a un budget de 26 milliards par an, qu’est-ce que c’est 40-50 millions de remboursement de la dette et des intérêts sur 20 ans ? C’est pratiquement indolore. Et puis, si on faisait le calcul par Nouméen pendant 20 ans, et bien je pourrais, si on faisait une souscription publique par exemple, je pourrais demander aux Nouméens, sur 100 mille habitants, 40 francs chacun par mois, c’est-à-dire le tiers d’une baguette de pain ! (Sonia LAGARDE, 09/09/17 ; sources : RRB) »

Le projet dans son ensemble qui n‘aurait couté par Nouméen (chaque mois durant vingt ans) « qu’un tiers de baguette de pain » soit exactement 10.000 francs par contribuable, devait, selon Sonia Lagarde, « protéger le littoral » et servir l’intérêt des habitants. Un pont rétractable devait également permettre de relier l’ilot Sainte-Marie à la berge et des “petits” aménagements devaient embellir les lieux pour la joie des riverains et des usagers :

« L’aménagement de ce parc urbain va permettre de créer une petite maison de la nature, de rejoindre la mangrove de Ouémo par un petit pont en bois pour les cyclistes (…) Ce sont des aires de jeux pour les petits, des tables d’échec, des tables de ping-pong. C’est aussi, dans un deuxième temps, lier l’îlot Sainte Marie, avec une partie d’un pont rétractable (Sonia LAGARDE, 09/09/17 ; sources : RRB) »

Des arguments qui n’ont, semble-t-il, pas réussi à convaincre la majorité des élus du conseil municipal hier soir puisque 27 élus ont voté contre et que seulement 21 ont voté pour. Après la défection de la majorité de ses colistiers, la démission de son 1er adjoint et le départ de plusieurs de ses collaborateurs, c’est la première fois depuis son élection en mars 2014 que Sonia Lagarde est placée en situation de minorité et qu’il est mis un terme à l’un de ses projets. Un avertissement à quelques semaines du vote du budget de la ville de Nouméa. Autant dire que le parc des cinq îles, s’il doit voir son avenir « redimensionné », n’a peut-être pas encore fini de faire parler de lui.