Faites entrer l’accusé : dans les coulisses de la mafia de l’alcool

Un internaute a mis en ligne sur les réseaux sociaux un enregistrement listant les méthodes utilisées par la société Le Froid pour “accompagner” les ventes illicites d’alcool, afin d’augmenter son chiffre d’affaire. D’après ses propos scandaleux enregistrés en secret, pour Le Froid, tous les coups sont permis pour que les Calédoniens achètent davantage d’alcool, quitte à organiser directement le ravitaillement du marché noir. Fabricants ou trafiquants d’alcool : le dossier complet.

“On a du mal à rentrer dans le marché noir”. C’est par ces mots hallucinants que commence une vidéo tirée d’un enregistrement de plusieurs cadres de l’une des principales sociétés calédoniennes fabricant de l’alcool : à savoir la société Le Froid. L’entreprise très prospère qui possède, entre autre, la licence d’exploitation du Coca-Cola en Nouvelle-Calédonie, semble ainsi avoir pour ambition d’augmenter la proportion de consommateurs d’alcool – et notamment de bière – quitte à organiser elle-même le ravitaillement des vendeurs du marché noir. En effet, depuis un décret pris par le Haut-commissariat à la fin des années 2000, une interdiction de vente d’alcool a été instaurée les week-ends et les mercredis après-midi sur l’ensemble du territoire. Depuis lors, si on savait que le marché noir était en pleine expansion, on ignorait que celle-ci était également due à la mise en œuvre de véritables nouvelles stratégies commerciales de distribution et de communication de la part des producteurs d’alcool locaux. Ainsi, les enregistrements d’une séance de formation secrète, accordée à des commerciaux, ont été mis en ligne récemment sur les réseaux sociaux. Dans ceux-ci, le Directeur Général de Le Froid affirme ingénu, qu’au début, il a été difficile pour l’entreprise de s’insérer dans le marché noir de la vente d’alcool :

« On a du mal à rentrer dans le marché noir, on a vraiment du mal (…) nos tentatives ici et là ont été infructueuses (…) pour une chose qui parait assez simple de l’extérieur mais qui ne l’est pas, car c’est de la prohibition : donc c’est compliqué (Nicolas Troboas Directeur Général de la Société Le Froid)»

Compliqué mais pas impossible ! C’est ainsi que lors de très nombreuses interventions, durant une séance de formation totalement hallucinante, le directeur commercial du groupe explique devant ses chefs et par le menu comment permettre à ces commerciaux d’accroitre le chiffre d’affaire de la société en misant à fond sur le marché noir ! L’objectif des nombreuses techniques référencées étant axé d’une part sur la distribution d’alcool aux différentes sources du marché noir et, d’autre part, sur la concurrence avec l’autre géant local du secteur, la GBNC, qui selon les responsables de la société Le Froid, utiliserait les mêmes pratiques… Les propos et les conseils du directeur commercial à ses troupes ne laissent pas la place au doute : il s’agit bien de fournir les points de vente pratiquant la vente illicite d’alcool durant les périodes d’interdiction, précisément au moment et sur les lieux où des personnes ont coutume de se ravitailler avant d’écouler frauduleusement leur marchandise, le tout, en toute connaissance de cause. La liste présentée ci-dessous n’est qu’un petit florilège des méthodes explicitées durant cette réunion, entièrement enregistrée. Attention, y-a du lourd…

Marché noir : pour le directeur commercial de Le Froid, “Il n’y a pas de honte à avoir”

Arrivé dans la société en octobre 2013, Nicolas Troboas, le Directeur Général de l’entreprise, avait affirmé dans un numéro du magazine Objectif qu’il souhaitait « renforcer les positions du groupe Le Froid sur le marché local de la bière, autour notamment de la bière Manta ». Le même qui expliquait être là pour « monter en puissance sur le marché de la bière » décrie d’ailleurs la société Le Froid comme étant « dynamique et citoyenne ». Mais si l’aspect « citoyenneté » de la société reste encore à démontrer, en revanche son dynamisme en matière de stratégie de vente d’alcool semble bien expliqué par les propos de son sémillant directeur commercial, Franck Paquier. Affirmant dans cet enregistrement qu’il faut que Le Froid « trouve un accord de partenariat pour remplacer Number One (Bière concurrente de la GBNC) dans ces lots illicites » (sic), le cadre de l’entreprise liste durant plusieurs minutes les méthodes mises en place par la société avec un cynisme déroutant. En effet, il sait parfaitement quand ses clients-commerçants vendent de manière illégale :

« Chez Dan pareil, alors je sais plus trop, chez Dan a racheté le magasin de chez JEAN, c’est le même magasin Pepsi-là, on sait qu’il vend au milieu de la nuit (…) C’est arrangeant, des fois ils t’ouvrent par derrière, des fois c’est en dehors des heures, des fois c’est pas cher (…) et tout ce flux est là, et là il y a beaucoup, beaucoup d’argent (…) Il y a de tout. Il y a en effet des gros marchés noirs, des gens qui font sortir en effet un million de francs par mois de marge (…) il n’y a pas de honte que ces gens-là qui achètent comme ils ont le droit de le faire, même si on sait qu’il y a une petite partie qui va être revendue avec un coefficient important, oui (…) est-ce qu’il y a quelque chose qui vous gêne ? (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Semble-t-il, la réponse est non : rien ne les gêne chez Le Froid. Et c’est pour cela qu’il mette en place plusieurs méthodes visant à augmenter leur chiffre de vente et ce malgré les interdictions de vente, tout d’abord en livrant semble-t-il dans des magasins dont le gérant ne possède pourtant pas de licence d’alcool :

« S’il nous demande de livrer un endroit, ok c’est bon, on n’est pas dans ses papiers administratifs voilà ! Qu’on lui dit “écoute double les volumes et je te donne ça” et alors, c’est une transaction commerciale ! Je ne vous demanderai pas comment je sais que ça existe chez certains salariés de la GBNC, qui partaient le vendredi avec un pick-up damné de bières pas facturés et ils se faisaient facturer le lundi quand ils ramenaient la différence et le week-end ils vendaient, voilà, pendant les périodes d’interdiction (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

En gros Franck, il est ok pour livrer un endroit où il est interdit de vendre de l’alcool (la Société Le Froid n’est pas “dans ses papiers administratifs” après tout) par contre il y a des conditions super-simples : il faut doubler les volumes de vente et accepter les packs de bières gratuits pour appâter le gérant. Et là, ça devient une transaction commerciale… Banco Francky ! Autre méthode : vendre aux présidents des associations dont on sait qu’ils pratiquent la vente illégale de bière lors des manifestations qu’ils organisent :

« Sur le marché de Lifou, où il a pris contact avec une personne qui est un peu référente dans le milieu associatif, ça nous a permis de monter un partenariat et puis du coup, heu, voilà, de vendre de la bière derrière. C’est ça que j’appelle de l’intelligence commerciale (Employée de la Société Le Froid) »

Dans le jargon de la police ça s’appelle « complicité de vente illicite d’alcool » mais pour la société Le Froid, tout va bien, c’est “de l’intelligence commerciale”. Fermez le ban. Plus pernicieux, le groupe explique qu’il rétribue gratuitement des packs de bières gratuites aux commerçants si ces derniers écoulent bien leur stocks, les encourageant donc à vendre de l’alcool de façon illicite aux horaires interdits :

« Est-ce qu’il est interdit de donner de la marchandise gratuite ? C’est une transaction, c’est de la relation… Prenez typiquement : tous ces gens-là ont 10, 20, 15 clients qui représentent 50% de leur volume et ces mêmes clients sont dans une relation commerciale un peu illicite, donc voilà, c’est déjà plus que d’être sensible pour savoir si on lui a donné un pack à ce client-là. Le commerçant, ici, sait très bien à quoi va la destination du produit (…) Si en effet il faut faire un effort sur le prix, si en effet il faut s’assurer qu’il y ait un peu de cartons gratuits pour convaincre les uns et les autres, il faut que ça aille au bout (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Toujours en guerre commerciale avec la GBNC et sa fameuse Number One, Franck Paquier affirme devant ses commerciaux qu’il ne faut surtout pas qu’ils arrêtent de donner de la marchandise gratuite à leurs clients (en bière Manta) et qu’ils en promettent d’autres si les ventes sont bonnes, toujours afin de les forcer à écouler leur stock :

« Il est facile de rappeler à vos clients que le trimestre il est fini dans quelques semaines (…) Il faut qu’il atteigne ses paliers, qu’il a un certain nombre de gratuits et qu’il en aura encore grâce à ça, tant qu’il croit que ça peut marcher. Si ça s’essouffle, là il écoutera différemment le message de GBNC (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Rappelons que, selon l’article L3321-1 du code de la santé que les pouvoirs publics sont censés faire respecter, « l’offre de boissons alcooliques à titre gratuit dans les débits de boissons, commerces et lieux publics est strictement interdite et ce, quel que soit le type de boisson alcoolisée ». Une disposition de la loi qui semble ignorée par le directeur commercial du groupe le Froid. La question à se poser reste alors : est-ce que Matthieu Caillard, Président Directeur Général de la société Le Froid et Philippe Caillard, Président du Conseil d’Administration de la société Le Froid, sont au courant des différentes pratiques de leurs cadres et si oui, les avalisent-ils ? Car une autre spécialité du groupe évoquée semble être la « vente à la sauvette » sur les parkings des magasins en dehors des heures d’ouverture et ça aussi, c’est une pratique totalement illégale :

« Ce monsieur qu’on a croisé avec Nicolas (TROBOAS, le Directeur Général de Le Froid) il m’intéresse. Il suffit que j’en croise deux dans la semaine, voilà, alors est-ce que derrière c’est dire oui, on a des échantillons, on sait que l’on n’a pas convaincu ce monsieur, mais il repart avec, bon là c’est un petit acheteur, mais il repart avec 50.000 francs de Number, on se retrouve sur le parking “Je t’assure goute-moi ça, ça vaut le coup” voilà ça contribue. (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Un employé de l’entreprise affirmant par ailleurs dans l’enregistrement que ses propres chefs pratiquaient ce type de vente : « Eux, ils allaient faire les parkings » affirme-t-il, « Avec Virginie, Franck, Troboas, Hervé, ils allaient sur les parkings faire des dons (…) c’est comme ça qu’il a voulu rattraper le chiffre de la bière ». Une réussite puisque depuis lors le chiffre d’affaire de la société Le Froid est passé de 5.517.792.000 Fcfp (45.9 millions d’euros) en 2013 à 6.264.328.000 Fcfp (52 millions d’euros) en 2016. Toujours plus fort, Le Froid encourage ses commerciaux à chercher carrément les revendeurs d’alcool qui officient dans le marché noir afin de leur vendre directement leurs produits :

« Un consommateur cible, il est facile sur la bière à identifier. C’est quelqu’un qui vient, qui est soit dans un groupe social ethnique (NDLR :kanak), surtout un gros acheteur qui nous intéresse, il est facile à identifier. On en croise un, voilà, on lui dit ben voilà on fait ça… Et en plus ils y vont tous au même moment. Ils vont tous avant le vendredi midi ou le samedi, le cas échéant. Et chaque fois on est sûr d’amener un produit chez les gens qui, dans les six mois à venir, n’auraient pas eu surement l’occasion de le faire. Donc c’est des choses un peu ludiques, on continue à le faire pour voir quelles clés entrer (…) Tu vas à Magéco, hein, t’as trouvé en une demi-heure, t’as trouvé les trois personnes. En 20 minutes. Un vendredi matin ou un mercredi matin et voilà tu vas trouver (…) Bon et ça c’est la combinaison un petit peu de tout ce que j’aimerai (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Si l’alcool a été déclaré l’ennemi public numéro 1, on sait par l’ISEE que chaque Calédonien consomme en moyenne 9,1 litre d’alcool par an (dont 47% de production locale) et que, d’après l’Agence Sanitaire et Sociale, « plus de 1 calédonien sur 4 a une consommation nocive d’alcool, responsable de complications sociales ou sanitaires ». Mais, en revanche, pour la société le Froid il s’agit surtout de se demander comment faire pour que ces proportions augmentent… Cependant, dans un souci d’humanité, Franck Paquier n’hésite pas à demander à ses commerciaux si ses méthodes illicites et amorales les gênent :

« S’il y a des états d’âme, il ne faut pas hésiter à m’en parler (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Est-il possible que les forces de l’ordre aient des états d’âme à l’écoute des propos des dirigeants de Le froid ? Les policiers pourraient alors certainement venir les voir pour en discuter de vive-voix dans un cadre des plus intimistes.

Si les commerçants vont en prison, chez Le Froid « on s’en fout !» l’important, c’est de « vendre de la Manta ! »

C’est ainsi que, toujours plus fort, toujours plus loin, durant cette « séance de formation », le directeur commercial est revenu sur les risques judiciaires encourus par ses employés ainsi que par ses clients. Citant l’exemple du groupe Song Hong, lequel possède plusieurs magasins d’alimentation dans l’agglomération nouméenne, Franck Paquier explique bien qu’il faut livrer de la bière même à ceux qui n’ont pas de licence d’alcool :

« Je reviens sur mon Song Hong, donc le Song Hong en effet, heu, la discussion a commencé parce qu’il a demandé à Fabian de livrer chez lui. Alors qu’on sait qu’il n’a pas la licence d’alcool (…) Mais nous on s’en fout. Tu sais, le jour qu’il va en Prison le mec de Song Hong je m’en fous ! (…) mais on ne fera rien pour que Le Froid soit attaqué. (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

La Société Le Froid n’ayant visiblement aucun souci à livrer en alcool des commerçants sans licence, le directeur commercial du groupe rassure ses employés en disant que s’ils se font chopper, il les soutiendra, mais de très loin :

« Si il y a un risque que vous alliez en prison, promis je vous accompagnerai (…) pas en prison, hein, mais sur l’opération (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Très rassurants avec ses collègues envoyés distribuer de l’alcool à tout-va, Franck Paquier estime dans cet enregistrement qu’il est dans l’intérêt de la société de « placer » leurs produits dans ces lieux qui ne respectent pas la législation et que, de toute façon, peu d’entre eux se feront « chopper » :

« Aujourd’hui, c’est clair que quand Song Hong, je prends celui-là, commence à cacher la Number One et à vendre pas cher du tout la Manta, ça effraie énormément la GBNC, voilà (…) Donc là on a fait en sorte qu’il y ait systématiquement au moins un de ses deux établissements qui ait de la Manta à 2495 francs et de la Manta Citron à moins de 3000 francs le carton pour que voilà, globalement spontanément, ça commence à agir. Si le Monsieur qui est là qui fait ses courses-là, qu’il est en rupture jeudi matin, il va aller s’approvisionner chez ces gens-là, si ces gens-là sont motivés à faire de la Manta Gold ou Citron… (…) Le problème c’est qu’ils ont été très sévères au début vous vous rappelez hein ? Il y a eu quelques magasins qui ont eu des fermetures au tout début en 2009 (…) Bon après, ils vont de temps en temps en chopper un, mais un vrai, un mec qui se claque 50 millions de francs par an de bière, voilà, d’où Song Hong qui a pris 3 mois (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Quant à la responsabilité du groupe Le Froid en cas de procédure judiciaire, le directeur commercial du groupe la renvoie d’un revers de main, l’important étant surtout d’écouler les stocks et de vendre toujours davantage de bière :

« On sait qu’on a des clients qui jouent avec la loi, donc y-en a qui prennent de temps en temps des fermetures (…) le seul truc c’est de se dire que ce mec-là, il va le faire, ce mec-là il est adulte, ce mec-là s’il va au Camp Est c’est son problème, mais bon, si il y va pour avoir vendu de la Manta pourquoi pas ! (…) Il n’y a pas de honte (…) même si on sait qu’il y a une petite partie qui va être revendue avec un coefficient important, oui (…) Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous gêne ? (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Est-ce qu’il y a quelque chose qui nous gêne ? Non, non Franck. Tout va bien. Selon les dires de ce cadre, la société Le Froid distribuerait de l’alcool de façon illégale à des commerçants qui le vendrait de façon illégale de manière à obtenir des packs gratuits. Dans le même temps, Le Froid affirme s’en ficher de savoir si le commerçant va se faire chopper par les flics et finir en taule, vu que l’entreprise aura vendu plus de bière Manta et ainsi augmenté les dividendes de fin d’année pour ses actionnaires. Lesquelles, selon les chiffres de la Direction des Affaires Economiques, ont été précisément de 1.507.275.000 de francs depuis 2014 (soit 12.5 millions d’euros distribués). Tout va bien Franck, tout va bien.

Un mort directement dû à la vente illicite

Comble de l’horreur et du cynisme, le directeur commercial de Le Froid explique également à ses troupes que ses ventes illicites ont déjà eu des conséquences dramatiques, notamment dans la rubrique des faits divers. Ainsi, lors de son exposé, Franck Paquier affirme tout d’abord que l’un de ses clients acceptant les « packs gratuits » est le magasin d’alimentation générale “Chez Keny” :

« Je vous assure le client calédonien, c’est un grand consommateur, c’est un plaisir par rapport à d’autres populations qu’on peut voir sur les points de vente dans d’autres pays (…) Le cas de Keny est un petit peu pareil, on sait que lui aussi trafique, mais lui déjà on l’a déjà acheté l’année dernière ! (…) on est en train de voir si on ne peut pas faire tu vois un petit peu ce que l’on envisageait avec Kaméré en disant t’achètes quatre packs de ((Manta) Gold, ben je peux si t’es un gros client t’en offrir un au citron… Mais lui il va gérer pour sa promotion, nous on est juste un peu généreux sur les gratuits et on se donne une carotte s’il double les volumes (…) voilà, lui aussi on peut multiplier par quatre. (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

Ravi de son succès commercial, Franck Paquier continue sur sa lancée et explique que son client, qui vend en dehors des heures autorisées, a causé de façon indirecte la mort d’un homme :

« Le Keny, c’est quand même fou hein, le Keny tout le monde sait qu’il trafique. Le Keny c’est lui qui a alimenté les petits mecs qui étaient sur les crêtes à Kaméré dont un a tiré un coup de feu et a tué un gamin. Bon c’était en décembre, ou novembre (…) Voilà. Heu, les mecs étaient bien bourrés toute la nuit puis à la fin y en a un qui a pris un fusil qui a tiré sur un mec qui passait par là. Heu, bon tout le monde savait que c’était Keny mais bon c’est pas lui qui a appuyé sur la gâchette. (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

En effet, il y a de ça quelques années, après une nuit d’ivresse, Michel Apikaoua avait tiré sur quatre jeunes du quartier de Kaméré. L’enquête avait alors déterminé que le tireur avait passé la nuit à boire en compagnie des victimes avant qu’une dispute n’éclate et qu’elle se solde par des coups de feu et le drame. Michel Apikaoua s’était à l’époque défendu en évoquant devant les policiers une « alcoolisation massive », laquelle, selon Franck Paquier, a été possible puisque le magasin d’alimentation tout proche (Chez Keny) continuait à vendre de l’alcool et ce malgré l’interdiction… de l’alcool qui provenait de la société Le Froid. Mais, là aussi, c’est pas eux qui ont « appuyé sur la gâchette »…

“Personne n’a jamais dit que l’alcool était mauvais”

En définitive, si la fiabilité de ces enregistrements est bien confirmée, ils démontreraient que les responsables de cette entreprise fabricant d’alcool cherchent par tous les moyens à accroitre leurs ventes, utilisant pour cela les mêmes techniques que les revendeurs de narcotiques. D’abord en fournissant de la marchandise de façon gratuite à ceux qu’ils savent être dans l’illégalité, puis en forçant ces revendeurs à écouler les stocks pour pousser à la consommation en leur promettant encore de l’alcool gratuit en cas de réussite. Un moyen efficace d’encourager les commerçants à se réapprovisionner de façon plus importante et plus régulière, et ce afin de ne jamais être à court, même et surtout, durant les périodes de restrictions. C’est ainsi que l’une des phrases prononcées par le Directeur commercial de la société Le Froid résume à elle-seule la philosophie de « ces gens-là » :

« Jusqu’à preuve du contraire personne n’a jamais dit que l’alcool était mauvais, c’est juste l’occasion qui fait le larron ! (Franck Paquier, Directeur Commercial et marketing de la Société Le Froid) »

L’alcool étant une drogue, légale, dont le commerce est l’un des plus lucratifs, cette société semble construire ses stratégies de vente exactement sur les mêmes critères que dans le cas du commerce des drogues illégales. Qui a parlé de mafia ?