Gouvernement élu : conséquence d’une scission Germain-Gomes ?

Ce vendredi 28 juin, Thierry Santa a enfin été élu président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Il doit son élection à la décision de Philippe Germain de finalement voter pour lui, alors que jusqu’alors Calédonie Ensemble prônait l’abstention. Décryptage…

« C’est une décision collective du parti, a déclaré Philippe Germain pour expliquer sa décision, on va dire que j’ai juste un peu forcé le destin ». Une formule sur laquelle personne ne s’est vraiment interrogé : mais quel destin ? Celui de Philippe Germain, de Thierry Santa ? Et pourquoi pas celui de Philippe Gomès ?

Une décision solitaire

D’après un proche de l’ancien président du gouvernement, celui-ci aurait évoqué le « manque de respect » de la direction collégiale de Calédonie Ensemble à son égard ainsi que le fait d’être « écarté des discussions », car selon lui, Philippe Gomes prendrait seul, avec Philippe Michel et Philippe Dunoyer, toutes les décisions relatives au parti. Les propos ont été en revanche plus mesurés devant la presse la semaine dernière, puisque Philippe Germain a simplement déclaré, en souriant, avoir un peu forcé le destin, ce qui signifie bien qu’il a pris tout seul la décision de voter pour Thierry Santa et que le député Gomes y était opposé. Il faut dire que depuis l’élection du gouvernement, Calédonie Ensemble, dans ses déclarations, ses communiqués, son conseil politique à huis-clos à l’Université, répétait en effet à tous ceux qui veulent l’entendre qu’il n’est pas question de voter en faveur de Thierry Santa si l’Avenir en Confiance ne revenait pas sur son partage des responsabilités au sein des institutions (Philippe Gomes exigeant la présidence du congrès, de la commission permanente et un poste de vice-président de province). Mais au fil des jours, ce blocage institutionnel est devenu une position politique de plus en plus intenable. Dunoyer, Michel et Germain s’en seraient émus aussi lors d’une réunion avec Philippe Gomès, le lundi 24 juin et il a été décidé de voter en faveur du candidat de l’AEC à la présidence du gouvernement.

Le fait accompli

Mais en réalité, Philippe Gomès n’a jamais été d’accord, aussi le même jour a-t-il fait voter la majorité des membres de la direction collégiale du parti en faveur de l’abstention et du blocage, un spectaculaire retournement qui a stupéfait Philippe Germain, soudain conscient que l’on s’était joué de lui. Toute la semaine dernière, Philippe Germain a donc tenté en vain d’avoir une explication sur ce changement d’attitude. On lui a rétorqué qu’il y avait des négociations avec Thierry Santa et que si déblocage il devait y avoir, il n’interviendrait que dans une quinzaine de jours… C’est là que Philippe Germain a « forcé un peu le destin », refusant d’être à nouveau le méchant de l’histoire, il a décidé le 27 juin de prévenir tout le monde de sa volonté de passer outre la stratégie de Philippe Gomès et de voter pour Thierry Santa. Mis devant le fait accompli, Calédonie Ensemble a donc convoqué les journalistes le lendemain matin pour une conférence de presse au cours de laquelle le parti de Philippe Gomès a fait sienne la phrase de Clemenceau : « quand les évènements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs ». Pour l’anecdote, afin d’être certain de ne pas être à nouveau dupé, Philippe Germain a annoncé publiquement sa décision le jeudi soir dans un post Facebook, contraignant Calédonie Ensemble à publier dans la foulée, et précipitamment, le communiqué qui devait être distribué le lendemain à la presse !

Une décision lourde de conséquences

En votant Thierry Santa et en le faisant savoir haut et fort, Philippe Germain a donc agi de son propre chef et ça n’est pas sans conséquence sur le parti. A Calédonie Ensemble, nombreux sont ceux en effet qui estiment que le parti n’a pas tiré toutes les conséquences de la déroute du 12 mai. Certains autres, Nicolas Metzdorf et Nina Julié en tête, se sont opposés à la stratégie de Philippe Gomès de tenter de faire élire Philippe Michel à la présidence de la province Sud avec le soutien de l’UC-FLNKS et de l’Eveil Océanien, et ont claqué la porte du parti. La décision personnelle de Philippe Germain est un nouveau et sérieux coup porté au leadership de Philippe Gomès. Entre ceux qui sont partis et ceux qui veulent changer les choses de l’intérieur, l’addition se corse. Cela susciterait d’ailleurs le désarroi parmi les militants qui, de plus en plus nombreux, s’interrogent et posent question. C’est la raison pour laquelle Philippe Dunoyer consulte à tout va et que Philippe Gomès a multiplié avant son départ en vacances les réunions en brousse et dans ses anciens fiefs électoraux. Las, les militants encore présents n’hésitent plus à exprimer leurs désaccords. Autant dire que les résultats des provinciales n’ont pas encore fini d’avoir des conséquences dans le milieu politique local.