Le Coup de Gueule d’un kanak : “Le dégel c’est qu’une histoire de pouvoir !”

Le 16 mai dernier au soir, un kanak indépendantiste a diffusé sur sa page Facebook un Live de près de deux heures dans lequel il livre ses analyses et ses impressions à chaud sur le climat insurrectionnel en cours en Nouvelle-Calédonie. Plein de sincérité, de clairvoyance et de bon sens, la vidéo de Jack Angaräa (disponible en intégralité à la fin de cet article) a été plébiscitée par les internautes qui ont été plus de 600.000 à la visionner en moins de 48h. Coup de gueule planétaire ?

Il reste peut-être un peu d’espoir… Sans aucun moyen, sans équipe, sans matériel et sans les milliards d’argent public octroyés aux médias traditionnels, le message de paix de Jack Angaräa a touché et fait réagir plus de personnes qu’il n’existe de Calédoniens sur cette terre. Plébiscitée par les internautes, en moins de 48h, sa vidéo a ainsi été visionnée par plus de 600.000 personnes. Pourquoi un tel succès ? Peut-être simplement parce que l’intervention de ce militant indépendantiste a une qualité que l’ensemble des discours officiels de toute la classe politique locale et nationale n’a plus : la sincérité et la clarté de l’évidence. Ces quelques extraits choisis méritent donc d’être lus ainsi que la vidéo complète de son intervention que vous retrouverez à la fin de cet article.

Nos politiques heureux et bien à l’abri ?

Face caméra, avec son simple appareil téléphonique, revenant des barrages organisés par la CCAT, Jack Angaräa s’est fait caillasser pour avoir voulu raisonner ses frères kanaks. De colère et de dépit, il lance un Live facebook sur son profil et il livre ses analyses à chaud :

« L’Etat français il est content, nos politiques ils sont contents (…) nos politiques sont bien à l’abri (…) Si on est dans cette situation, c’est à cause de nos politiques. Les loyalistes et puis les kanaks qui sont en train de se taper dessus mais c’est diviser pour mieux régner ! Quand est-ce que vous allez comprendre ça ? Tout est manigancé. Put*** ça fait je sais pas combien d’années qu’on est ensemble, qu’on vit ensemble, qu’on boit l’café, qu’on partage des tas d’trucs ensemble, mais voilà, la politique elle a divisé tout le monde (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB) »

A-t-il raison ? La réponse est bien évidemment oui. Car le climat insurrectionnel actuel en Nouvelle-Calédonie ne servira, in fine, que les seuls élus Calédoniens en légitimant leur rôle et leur place dans le pays. Ces élus qui gagnent – au minimum – 4 à 5 fois le SMIG et qui ne savent que claquer l’argent de la France et des contribuables calédoniens. Le tout, avec des résultats médiocres puisque, bien avant le 13 mai au soir, toutes les compétences dont ils ont la charge et toutes les finances publiques calédoniennes étaient déjà en déficit chronique et au bord de la cessation de paiement. Qu’ont-ils réussi depuis 20 ans ? Rien, sinon à diviser les populations qui leur ont fait confiance, élection après élection. L’Etat d’Urgence et la situation actuelles vont pour autant complètement masquer et faire oublier leur navrante indigence et leur minable incompétence…

« Le dégel c’est qu’une histoire de pouvoir ! Si t’as le pouvoir t’as l’argent (…) Il est où le vivre ensemble ? ça fait plus de 40 ans là que les élus c’est toujours les mêmes à nous prendre pour des ânes. Si on en est là aujourd’hui, c’est parce qu’ils ont rien fait toutes ces années. Eux ils s’en foutent, ils savent pas c’est quoi la vie chère, ils comptent pas les sous au magasins, ils regardent pas les prix des produits eux. Nous on galère là sur le terrain, mais c’est ces mecs qui se gavent (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB) »

En effet, comme nous l’avons déjà expliqué dans ces colonnes, les problèmes monstrueux des Calédoniens ne changeront en rien avec ou sans le dégel du corps électoral. Avec ou sans, les non-diplômés n’auront toujours pas de diplôme, le malade restera un malade et les cons resteront des cons. La seule chose qui changera, c’est que le pouvoir (de ne rien faire mais de se gaver et de vivre la belle vie) échappera à certains et passera à d’autres. La belle affaire !

Les faiseurs de haine

Dans son intervention, Jack Angaräa met le doigt sur un sujet sensible, à savoir que l’Etat a enclenché la réforme constitutionnelle parce que le Président Emmanuel Macron avait eu l’aval des responsables du FLNKS pour le faire. En effet, si le discours des leaders indépendantistes est ambigü sur la place publique, en catimini, ceux-ci ont à plusieurs reprises, depuis les référendums, donné leur accord pour un dégel partiel du corps électoral, raison pour laquelle le gouvernement central a lancé le parcours législatif de la loi constitutionnelle :

« J’ai bien la haine contre Tein, pendant six mois il a attisé la haine. Il n’a fait que monter la tête à tous les jeunes (…) Il attise la haine et puis maintenant c’est nos frères qui paient (…) Je suis en colère contre le FLNKS, franchement (…) le FLNKS il nous a trahi, tous les élus c’est des menteurs. Pourquoi ils ne reconnaissent pas qu’ils ont signé pour le Dégel ? Ça fait presque deux ans là, le Palika, tout le monde il a signé pour le dégel ! Ils savaient très bien. L’Etat Français il va pas s’engager comme ça s’il a pas des appuis ! Comment ça se passe en Afrique ? Ils se basent sur des noirs parce que là y-a pas d’histoire de couleur de peau, là c’est l’argent. Jacques Chirac il l’a dit, la France elle a pas d’amis, elle a que des intérêts. Ben ici, la France elle va défendre ses intérêts, quitte à sacrifier des vies (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB) »

La thèse de ce jeune militant indépendantiste est simple : le dégel avait été acté entre les trois partenaires mais face au risque politique que celui-ci entrainerait (c’est-à-dire le risque de perdre leurs privilèges puisque 25.000 nouveaux électeurs pourraient alors voter), nos élus ont attisé la haine pour pouvoir foutre le feu et ensuite apparaitre comme des sauveurs et vivre ensuite une vingtaine d’années auréolés du statut de sauveurs et de « signataire des nouveaux accords ». Un statut qui, comme on l’a vu ces deux dernières décennies, octroie à celui qui le détient une rente de situation à vie le plaçant au-dessus du bas peuple et de ses difficultés. En effet, l’objectif de toutes les crapules qui font semblant de gouverner les calédoniens est et demeure de pouvoir signer un « Grand Accord » lequel légitimerait ensuite leur place sur l’un des nombreux postes de pouvoir des innombrables institutions créées par eux et pour leurs seuls intérêts :

« Faut arrêter de se mentir, ils ont tous signé. L’Etat Français il va pas s’engager comme ça. Les complices c’est les élus du FLNKS. Et les pions c’est la bande à Bichou Tein (Christian Tein) tout ça. C’est eux qui ont foutu ma mer**. Ils font les anges aujourd’hui. Ils ont foutu le feu et maintenant ils jouent au pompier. Mais c’est jusqu’à quand qu’on va les laisser faire comme ça ? (…) Bichou Tein la dernière fois il a fait 5 minutes sur Djiido pour appeler au calme alors que ça fait six mois qu’il est en train de monter la tête à tout le monde, alors qu’il est bien à l’abris comme tous les politiques. Moi c’est tous mes frères et mes sœurs qui se mettent en danger pour des intérêts politiques (…) Tein, toi puis Danguigny, vous avez du sang sur les mains ! J’espère que vous allez bien dormir vous car l’esprit de tous les vieux, de tous les gosses qui sont décédés ben ils vont aller vous emmerder (…) les jeunes ils vont aux marches parce que c’est leur cœur. Ils aiment leur pays. Ils sont là pour leur pays ! Ils sont pas là pour soutenir des politiques corrompus (…) Après on est en train de se moquer parce que ils marchent mais ils savent pas pourquoi, mais ils marchent pour la cause, parce qu’ils ont confiance en tous les grands frères ! Ils font confiance à tous les vieux là dans leurs bureaux (…) Mais la chance pour les politiques c’est que les enfants-là ils sont pas instruits par rapport à la politique. S’ils avaient vraiment la connaissance de tout c’qui se passe-là ben tous les vieux vous allez courir (…) Ils vont jusqu’à sacrifier nos vies (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB)»

Roch Wamytan : « c’est lui qui tire les ficelles »

Jack Angaräa a également le don de mettre en lumière un phénomène qui commençait à se voir de plus en plus chez les non-indépendantistes : à savoir que la Nouvelle-Calédonie (comme la France) est sous le contrôle d’une seule génération (les Boomers) qui cherche par tous les moyens à repousser son éjection des différents lieux de pouvoir :

« Au comité de l’UC là-bas, ils veulent pas que je parle. Pourquoi ? On dit terre de parole ben laissez-moi parler. Je vais dire la version à nous des jeunes du terrain : On vous a grillé ! On a tout compris de votre cinéma depuis l’début. Roch Wamytan et puis compagnie, faut arrêter (…) Il faut sortir les vieux à nous de toutes les institutions, c’est ça, sortir tout le monde, sortir tous les vieux (…) C’est la fracture. Faut couper les ponts avec tous les élus du FLNKS. Tout le monde. Au début ils ont cru que le CCAT c’était la base, mais quand Roch il a parlé à la place des Cocotiers, tout le monde a capté que c’est lui qui tire les ficelles (…) faut décortiquer ce qu’il a dit là. Il a dit « là c’est la guerre, moi suis signataire, c’est bon c’est moi qui va signer encore » et ça va recommencer encore jusqu’à quand ? Avec leur accord global de quoi-là ? c’est une arnaque encore. Les Accords de Matignon, ils ont sacrifié nos vieux là-bas et ils ont l’culot d’aller poser des fleurs et de faire leur cinéma (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB)»

L’analyse est intéressante car, si on se doutait bien que le clan Wamytan était à la manœuvre, ce son de cloche n’avait pas encore été publiquement entendu du côté indépendantiste. En effet, du côté loyaliste, même si – à l’instar de Philippe-Dalida-Gomes – ces vieux ringards promettent tous de prendre leur retraite (mais reviennent insidieusement sur le devant de la scène tels des variants du Covid lorsque l’occasion leur en est donnée), les électeurs ont déjà réussi à en virer la plupart, notamment à l’occasion des dernières provinciales.

Le projet indépendantiste et le projet loyaliste ont en commun d’être totalement inexistants

Expliquant que, dans les années 80, les vieux du FLN tels Machoro « n’étaient pas cuités comme des cons pendant la lutte », Jack Angaräa apostrophe les jeunes militants de la CCAT sur leur comportement qui, selon lui, est particulièrement honteux :

« Moi je suis en train de me faire sagaïer parce que je suis contre le CCAT, contre les élus du FLNKS. Les militants ils sont en train de se faire bassiner. Sont en train de se faire manipuler encore une fois. Faut arrêter les frères, c’est pas comme ça la lutte. ET puis l’alcool ! Ya que ça sur les barrages l’alcool ! mais c’est quoi ce délire-là ? Vous croyez que les vieux quand ils ont fait les évènements ils étaient cuités comme vous là ? En plus c’est de l’alcool qui vient des magasins que vous avez pillé. Vous avez pas honte ? (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB) »

Plus intéressant encore, ce jeune kanak explique que les leaders du FLNKS n’ont (on s’en doutait) aucune sorte de projet établi pour le pays indépendant qu’ils disent vouloir obtenir. Ainsi, lors des réunions du CCAT, Christian Tein expliquait en début d’année aux militants qu’ils verraient après le jour de l’indépendance ce qu’ils en feraient et que rien n’était prévu…

« Moi je dis faut arrêter les frères là. Vous allez gaspiller vos vies (…) les vieux ils ont mal fait leur travail : regarde y-a même pas de projet de société ! On sait même pas l’économie c’est comment, l’éducation c’est comment, y-a rien, y-a rien (…) Bichou Tein il est venu, ya un jeune qui lui a demandé « c’est quoi votre projet pour la jeunesse ? » Vous savez il a répondu quoi ? « Ah bah ça on verra le jour de l’indépendance » Mais c’est quoi ces réponses-là ? Ils ont rien préparé parce qu’ils ont rien prévu parce qu’ils veulent que ça continue comme ça. Là ils vont signer leur accord global et continuer leurs magouilles. Et vous tous les militants vous êtes là à suivre la carotte comme ça ? (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB) »

Le pari de l’intelligence contre le parti de la terre brûlée…

Clairvoyant, Jack Angaräa prévoit très bien comment les choses pourraient s’envenimer avec l’implication de l’armée pour rétablir l’ordre public, à la faveur du climat insurrectionnel qui règne en Nouvelle-Calédonie :

« Nous avec l’armée qui arrive on va faire quoi avec nos cailloux-là ? ça va finir comment ? (…) c’est quoi le but à la fin ? (…) Tout ça pour de la politique ! Tout ça pour l’dégel ? (…) Arrêtez de faire vos petits Français-là. La France elle manque de respect aux petits Français, mais vous vous allez toujours pleurer à la France. Les politiques-là, c’est vous qui allez toujours là-bas pour pleurer (…) Faut qu’on règle nos trucs entre kanaks d’abord avant de parler à l’Etat français (…) Y-en a plein qui pensent comme moi mais ils le disent pas, mais dans leur cœur, c’est ça, ils sont conscient de c’qui s’passe. Allez, il faut arrêter tout ça (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB) »

Quant au climat économique et social, le militant indépendantiste met le doigt sur le principal et véritable problème calédonien : celui du modèle d’un pays assisté qui se repose uniquement sur la rente du nickel et une économie administrée et plus que jamais dépendante des transferts financiers de la France.

« Tous les jeunes là qui sont sur la route, allez faire l’école ! Le pari de l’intelligence les frères. C’est l’intelligence qui va faire que vous allez gagner (…) Mais ça c’est le travail à tous les vieux politiques, c’est vous qui avez monté la tête pour que nos frères aujourd’hui sont comme ça (…) et eux ils réagissent parce qu’il y a un mal-être aussi. Ya un mal-être dans c’pays dans la jeunesse. Il est où l’emploi pour les gosses-là ? (…) et le pire maintenant c’est que c’est global. Y-a pas que les kanaks. Y-a les caldoches, les tahitiens, tous ceux qui vivent avec nous là (…) y-en a plein qu’ont des diplômes ils ont pas d’travail (…) Ils sont où les autres alternatives que le nickel ? (…) et pourtant on a plein de jeunes intellectuels, dans tous les domaines, y-a d’quoi faire un beau pays puis voilà tous complémentaires, y-a pleins d cerveaux partout ici intelligents qui bossent. Donc tous les vieux là faut qu’ils sortent. Loyalistes et indépendantistes allez, tires-vous. Vous êtes en train de faire couler le sang mais c’est vot’ faute (…) Là on est en train de se méfier de notre voisin alors qu’on vit tous les jours avec lui (…) Tout ça pour de la politique ! (…) Venez on défend notre patrie contre les politiques corrompus (Jack Angaräa, 16/05/24 ; sources : FB) »

Quand bien même, ce que ce militant ne voit peut-être pas (car il lui manque comme à l’immense majorité du peuple les connaissances philosophiques et économiques en la matière), c’est que, comme il le dit, si la Nouvelle-Calédonie et ses populations ont entre les mains tous les outils pour faire de cette île un paradis, celle-ci est en passe de devenir un enfer tout simplement parce qu’elle est rongée par un cancer. Une tumeur qui se propage insidieusement depuis plus de deux cents ans dans les cerveaux malades de certains européens et d’une partie des peuples qu’ils ont colonisés naguère : cette idée selon laquelle les solutions viendraient uniquement de la puissance publique et donc de l’Etat (lequel pèse aujourd’hui plus de 60% du PIB français et calédonien).

En effet, au début du siècle dernier, le secrétaire général du parti socialiste italien* l’avait bien résumé en une formule oubliée depuis lors : « « Tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors de l’État ». Cette idée du socialisme est en fait à la base de l’ensemble des reflexes et des idéologies de nos dirigeants (pratiquement tous les Boomers sont socialistes, parfois même sans le savoir) qui croient tous benoitement que la puissance publique est la solution alors qu’elle est le seul problème. Cette idéologie a en effet engendré le collectivisme, le progressisme, le fascisme, la social-démocratie, le nazisme, le populisme, le totalitarisme ou encore le mondialisme. Or, tous ces modèles sont les mêmes : Ils visent à contrôler les gens, à les diviser pour mieux régner, à les jeter les uns contre les autres et in fine, à les réduire en esclavage.

« Ne vous laissez pas intimider par la classe politique, ce sont des parasites qui veulent juste garder le pouvoir. Ne vous laissez pas faire, ne pliez pas devant l’Etat ! »  Javier Milei

* Benito Mussolini, secrétaire général du parti socialiste italien, inventeur du fascisme. Discours à la chambre des députés ; 26 mai 1927