Les Mystérieuses Milices des quartiers Sud

Depuis le 13 mai dernier, le cas des milices armées de suprémacistes blancs des Quartiers Sud est au cœur de toutes les conversations, notamment au sein du monde indépendantiste… Dernièrement, l’affaire est devenue un sujet international puisque quatre experts de l’ONU, qui n’ont jamais mis les pieds en Nouvelle-Calédonie, ont évoqué leur existence dans un communiqué, ainsi que le nombre supputé de leurs victimes, lequel s’établirait à pas moins d’un demi-millier de kanak (sic) aujourd’hui disparus ! Si les experts en question avouent qu’un « tel phénomène n’a pas encore été prouvé à ce jour » et démontrent par là que leur déclaration ne repose sur aucune donnée réelle, ce sujet prouve néanmoins qu’une large partie du monde indépendantiste se fout désormais totalement de la vérité et des faits et préfère croire ce qui l’arrange… Bienvenue en Idiocratie !

« Ils sont partout ! »

Tout le monde en Nouvelle-Calédonie en a entendu parler. Quelques jours seulement après l’entreprise de destruction du tissu économique calédonien mis en œuvre par les troupes de la CCAT, la rumeur courrait dans le Grand Nouméa et dans les groupes de discussion indépendantistes. Selon celle-ci, des milliers d’habitants de la presqu’île de Nouméa s’étaient en effet organisés en milices armées, non pas pour protéger leurs quartiers, mais pour tirer à vue sur de jeunes kanaks innocents…

Copie d’écran / communication CCAT Kanaky Freedom / 25 mai 2024 (sources : Aarkan DrknS)

Quelques jours seulement après le début des émeutes, les militants de la CCAT ont ainsi multiplié les messages d’alerte sur les réseaux sociaux et les boucles Telegram afin de prévenir les émeutiers et les incendiaires mais aussi toute la population kanak face à ce danger potentiellement mortel. Dans le même temps, d’autres militants évoquaient la mort de dizaines de jeunes qui auraient été tués par ces mêmes milices surarmées. Dès le 5 juin, ils évoquaient ainsi une trentaine de morts par balle :

Copie d’écran / communication CCAT Kanaky Freedom / 5 juin 2024 (sources : de quelqu’un qui taffe à la morgue…)

Comme à la roue de la fortune, ce chiffre ne fera ensuite qu’augmenter sur les réseaux sociaux puisque fin juin, les militants de la CCAT évoquaient déjà plus de 90 morts impossibles à retrouver et à identifier. Ce n’est que début juillet, lorsque la CCAT accusa dans un communiqué les forces de l’ordre de se joindre aux fameuses milices, que le Procureur de la République et les autorités sanitaires évoquèrent ce sujet. Selon eux, il s’agissait là « d’allégations mensongères » et de « fake News » attendu que les rumeurs en question ne reposaient sur aucune preuve et que, de plus, on avait aucune idée de l’identité des dizaines de victimes censées avoir été tuées. Mais cela n’a pas empêché les rumeurs de repartir de plus belle et, à la mi-juillet, la CCAT partageait sur ses réseaux de communication de façon sporadique la mort de dizaines de kanak (innocents et très jeunes) :

Copie d’écran / communication CCAT CDG KNKY coup de gueule / 11 juillet 2024

Une fois l’idée de ces milices bien assimilée par ses troupes, la CCAT a ensuite désigné ses chefs putatifs et ses responsables, toujours sans la moindre preuve : les élus Loyalistes Philippe Blaise, Gil Brial ou encore Nicolas Metzdorf et Harold Martin. Les preuves reposant sur des arguments d’autorité du style « c’est confirmé » ou « t’inquiète frère » :

Au final, trois mois plus tard, à force d’avoir répété encore et encore la même chose (“plus c’est gros, mieux ça passe” disait Goebbels…) et parce que les militants indépendantistes ont choisi d’y croire, selon la CCAT, le nombre de victimes des milices s’établit aujourd’hui à 500… Un chiffre pour le moins ambitieux quand on sait qu’il ne repose que sur du vent mais qui a été néanmoins repris par José Francisco Cali Tzay, Gina Romero, Ashwini K.P et Irene Khan dans leur communiqué, toujours accessible sur le site de l’ONU. Après avoir, vraisemblablement, reçu un chèque dont on ignore la provenance, ces quatre intellectuels occasionnellement consultés par l’ONU se sont en effet auto-proclamé expert du dossier calédonien et ont co-signé le 19 aout un courrier de 834 mots que les médias, qui n’ont évidemment pas été le lire, ont transformé en « un rapport de l’ONU » :

« Le gouvernement français a déployé des moyens militaires et un usage excessif de la force ce qui aurait conduit parmi les Kanaks à plusieurs morts (…) y compris des d’arrestations et détentions arbitraires et plus de 500 victimes de disparitions forcées. Nous sommes particulièrement préoccupés par les allégations concernant l’existence de milices lourdement armées de colons opposés à l’indépendance (…) Le fait qu’aucune mesure n’ait été prise par les autorités pour démanteler et poursuivre ces milices soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’état de droit” » (Extrait du communiqué de 834 mots du 19 aout 2024 censé être un « rapport de l’ONU » et signé par les quatre branquignoles présentés plus haut)

Ce communiqué développe les mêmes éléments de langage utilisés par les élus indépendantistes à l’étranger ou au congrès et a en commun une absence patente de faits établis. Enfin, s’agissant des preuves de l’existence de ces « milices de colons surarmés », le média RedStreamnet (financé par le gouvernement Turc) a diffusé le 4 juin un court reportage qui fait état d’un témoignage d’un militant de la CCAT qui dit qu’il a vu les milices ce qui prouverait qu’elles existent bien… Sources : « t’inquiète frère ! »

A la recherche des Milices des Quartiers Sud

Dans un raisonnement scientifique ou philosophique, il est considéré que toute chose étant égale par ailleurs, c’est toujours l’explication la plus simple qui est généralement la bonne et la meilleure (principe du rasoir d’Occam, dit de parcimonie). Il n’existe donc que deux hypothèses en la matière :

1^ère hypothèse : les milices des quartiers Sud existent et elles ont fait des centaines de morts parmi les kanaks mais on nous le cache

Dans cette hypothèse, les milices existent bien même si aucune preuve ne confirme leur existence. Elles sont redoutables et surarmées (des arsenaux). Elles sont constituées de centaines d’hommes, tous très riches (=friqués) et très intelligents (=grosses têtes). Ils habitent tous les quartiers Sud de Nouméa. Ces hommes brillants et ingénieux se dissimulent dans toutes les strates de la société et ont infiltré les forces de l’ordre et tous les hôpitaux. Ils sont partout (même dans les campagnes et les villages). Ils sont impitoyables et ne font pas de quartier en tirant à vue sur des kanaks, notamment lorsqu’ils sont très jeunes et totalement innocents. Avec 500 morts à leur compteur, ils en ont tué en moyenne 4 chaque jour depuis le 13 mai. On ne le sait pas car ils sont protégés par l’ensemble du système judiciaire, policier et médiatique. Ce sont des tireurs professionnels qui savent se fondre dans leur environnement comme un crabe dans la mangrove. Ils se déplacent dans de gros pick-up neufs qu’ils ne conduisent pas mais qu’ils pilotent avec un flingue à la main et un whisky-coke dans l’autre en écoutant du Led Zeppelin. Grâce à leur expérience et à leur cruauté sans pareil ils ont massacré des centaines de personnes et ont ensuite dissimulé leurs cadavres. Aidés par les marins-pêcheurs, les employés du port et des ambulanciers, ils ont déjà fait disparaitre dans le lagon plusieurs containers remplis de cadavres. Leur objectif inavoué est d’exterminer tous les kanaks jusqu’au dernier. Ce sont tous des fachos et ils sont tous presque blancs. Ils sont très dangereux et ils mangent parfois de la viande. Ne les approchez pas.

2^ème hypothèse : les milices des quartiers Sud n’existent pas et les indépendantistes les ont inventées pour faire oublier que ce sont eux qui utilisent la violence pour parvenir à leur fin

Dans cette hypothèse, les milices n’existent pas. Lorsque les troupes de la CCAT ont commencé à bruler le Grand Nouméa et parce que les forces de l’ordre étaient dépassées par les évènements, les habitants ont fait preuve de courage et de solidarité en se réunissant naturellement par quartiers et ils sont sortis de leur maison pour ériger des barrages et se protéger des émeutiers. La plupart ne savaient pas trop ce qu’il fallait faire et la quasi-totalité d’entre eux était désarmée. Ces voisins vigilants ont été désignés « milices » par ceux qui venaient les agresser et par l’ensemble du monde indépendantiste, de la base à son sommet. Celui-ci a repris le terme et l’a inscrit dans sa propagande officielle. De Paris à Bakou. Du Palika à l’UC. Evoquer les milices afin de justifier les actes de destruction, les agressions, les caillassages, les incendies et les pillages. Pour faire oublier d’où vient l’agressivité et la violence. Pour faire oublier leur bêtise. Pour inverser la charge de la preuve. Pour se faire passer pour des victimes alors que les 8 000 militants de la CCAT et ceux qui les ont commandés sont les seuls coupables et les seuls responsables de la destruction du Grand Nouméa et de l’appauvrissement généralisé de la population calédonienne qui en découle.

Et donc, selon vous cher lecteur, laquelle de ces deux hypothèses vous semble la plus simple et laquelle vous parait la meilleure ?

Naturellement, cette histoire de milices armées n’est en vérité qu’un ramassis de crétineries. Une histoire qui ne repose sur aucun fait et sur une série toujours plus longue de mensonges ou de faux-témoignages. Car si on ne trouve pas les victimes de ces milices, c’est tout simplement parce que ni les unes, ni les autres n’existent. Reste à comprendre pourquoi cela fonctionne et pourquoi cela perdure alors que chaque nouvelle rumeur sur ces milices est démentie par les faits…

Dans une guerre les faits et les opinions se mélangent

« Il y a dix semaines, des unités de voisins vigilants d’élite furent accusées de crimes qu’ils n’avaient pas commis. Ces hommes quittèrent leur foyer sous haute sécurité pour barricader les bas-fonds de Nouméa. Aujourd’hui encore, recherchés par les instances internationales, ils survivent comme soldats de fortune sur des barrages abandonnés. Si vous avez un problème, si personne d’autre ne peut vous aider – et si vous réussissez à les trouver – peut-être pourrez-vous engager… l’Agence Tous Risques des Milices des Quartiers Sud » (Hannibal de Tuband)

Comprendre ce sujet des milices est particulièrement intéressant et éclairant sur la situation calédonienne. Car il ne s’agit plus de savoir mais de croyances. Il y a ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas. Tout simplement parce que, dans une situation normale, chacun sait faire la différence entre les faits et les opinions. Les faits sont des événements indiscutables. Les opinions quant à eux sont des commentaires sur ces mêmes événements. On peut donc dans une société rationnelle et apaisée discuter de toutes les opinions SAUF si l’une des deux parties nie une réalité dont découle cette opinion. Avoir un avis, ce n’est pas connaitre la vérité. Etablir un fait, ce n’est pas avoir une opinion. Lorsque deux groupes d’humains ne sont plus d’accord sur les faits et sur la vérité qui en découle, tout dialogue entre eux devient impossible. Ainsi, lorsque des peuples ou des communautés s’affrontent, la frontière entre vérité et opinion s’efface au bénéfice du clivage idéologique ou communautaire. Comme disait Clemenceau qui en connaissait un rayon en la matière, ” On ne ment jamais autant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse ! “. C’est vieux comme le monde. Il y a deux mille ans, Octave faisait croire à ses troupes que son ennemi Marc-Antoine pratiquaient des rites barbares et des sacrifices. A la fin de la 1^ère Guerre Mondiale, pour éviter qu’ils ne se rendent à l’ennemi, l’Etat Major Allemand faisait croire à ses soldats que les soldats Français exécutaient tous les prisonniers. Plus récemment, lors de la guerre du Donbass, Russia Today a diffusé un reportage totalement bidon selon lequel un enfant avait été crucifié par l’armée ukrainienne (cette affaire est désormais citée comme un exemple délibéré de politique de propagande de guerre puisqu’elle avait légitimé l’invasion russe auprès de son opinion publique). Il est évident que depuis l’aube des temps le mensonge est une arme de guerre. L’agresseur cherche toujours à faire croire qu’il est la victime et qu’il est dans son bon droit. Pour justifier le fait qu’il est un agresseur, il se fait passer pour l’agresser. C’est une simple inversion de la charge de la preuve. Et, généralement, on l’identifie au fait que c’est celui qui braille le plus à raconter n’importe quoi.

« Le XXI^ème siècle. Des quatre coins de Calédonie, de gigantesques Pick-Up partent à la conquête de Nouméa. A bord de ces bolides, des orques avides de rêves, d’aventure et d’espace, à la recherche de fortune. Qui n’a jamais rêvé de ces grands magasins, de ces snacks lointains peuplés de légendes, ou d’une richesse soudaine qui se conquerrait au détour d’un chemin de la galerie Kenu In ? Qui n’a jamais souhaité voir le soleil souverain guider ses pas au cœur du Triangle d’or, vers la richesse et l’histoire des Mystérieuses Milices des Quartiers Sud ? » (Estéban et Zia de l’Anse Vata)

Conclusions

• Si lorsque vous demandez des preuves ou des sources on vous répond « t’inquiète frère» ou « c’est confirmé » et que vous faites confiance à un tel témoignage, qui n’est qu’une opinion, c’est que vous êtes le problème ;
• Si vous croyez que, depuis le 13 mai, 720 entreprises calédoniennes ont été pillées et brulées par leur propre patron afin que ceux-ci touchent l’assurance, c’est que vous êtes le problème ;
• Si vous croyez que des centaines de jeunes kanaks ont été assassinés par des milices-armées-de-suprémacistes-blancs-des-quartiers-Sud et que ces morts sont depuis dissimulés par le « système», c’est que vous êtes le problème ;
• Si vous soutenez, comme Omayra Naisseline le prétend, que les méthodes de la CCAT « ont toujours été pacifistes», c’est que vous êtes le problème ;
• Si vous croyez, comme Joël Tjibaou, que la seule volonté de l’Etat en Nouvelle-Calédonie est « d’exterminer le peuple kanak jusqu’au dernier », c’est que vous êtes le problème.

« Au fin fond de la Grande Terre, à des années et des années-lumière de la France, veillent ceux que le gouvernement collégial appelle quand il n’est plus capable de trouver une solution à ses problèmes, quand il ne reste plus aucun espoir : les Milices des Quartiers Sud ! » (Capitaine Flam de Ouémo)