Pourquoi les médias publics finissent toujours par raconter n’importe quoi

L’histoire a des ironies qu’elle se plaît à répéter. On a vu, à la fin de l’URSS, une presse d’État sombrer dans le grotesque, se ridiculisant à force de nier la réalité, jusqu’à ce que les murs du mensonge s’effondrent d’eux-mêmes. Good Bye Lenin a immortalisé cet instant où l’idéologie officielle devient une pure fabrication, un décor en carton-pâte destiné à masquer l’écroulement de tout un système. Aujourd’hui, en France, les médias publics ne sont pas simplement biaisés : ils sont structurellement condamnés à raconter n’importe quoi. Non pas parce que leurs journalistes seraient tous incompétents ou vendus, mais parce qu’ils sont les instruments d’un système qui ne peut survivre qu’en imposant un récit officiel. Un récit qui, au fil du temps, s’éloigne du réel à mesure que la puissance publique grossit au détriment du secteur privé. Eclairage.

Les médias publics, porte-parole du Léviathan

Avec 57% du PIB consacré aux dépenses publiques en France, l’État a atteint un niveau d’omniprésence économique qui frôle celui de l’URSS à la mort de Staline (en 1953, les dépenses publiques représentaient 59.4% du PIB soviétique). Or, plus un État grossit, plus il lui devient vital de contrôler le récit, de gérer la perception du réel pour justifier son propre poids. Et dans une société où l’État devient tentaculaire, l’information ne peut être qu’une annexe du pouvoir. Ainsi, plus la sphère publique s’étend, plus elle dépend du contrôle de la narration pour justifier son existence et masquer ses échecs. C’est une loi mécanique. Le secteur privé est confronté au réel, car il doit générer de la richesse et des profits pour survivre. Il ne peut pas se contenter de mots creux ou de dogmes idéologiques : ses erreurs se paient cash. Le secteur public, lui, n’a de comptes à rendre qu’à lui-même (l’exemple des collectivités calédoniennes parle de lui-même). Il finance donc ses propres justifications et produit son propre discours pour assurer sa pérennité. Ce déséquilibre a une conséquence logique : les médias qui vivent du public finissent par être le bras armé du mensonge d’État. Ils ne sont plus là pour informer, mais pour gérer la perception du réel.

De l’information au catéchisme d’État

Dès lors que les médias publics ne dépendent plus du marché, mais du bon vouloir des gouvernants, ils se transforment naturellement en clergé idéologique. Or, ce clergé a :

• Ses dogmes : le progressisme d’État, l’universalisme républicain, le multiculturalisme obligatoire, la bien-pensance climatique.
• Ses rites : les « fact-checkers » autoproclamés, les reportages « pédagogiques » pour nous expliquer ce qui est bien ou mal, les éditoriaux indignés contre toute pensée dissidente.
• Ses adeptes et ses intégristes : le petit cercle des journalistes de cour qui, à la manière des caporaux du Parti à l’époque soviétique, veillent à ce que personne ne s’éloigne de la ligne officielle.

Edwy Plenel ou encore Jean-Michel Aphatie sont deux de ces grands ecclésiastes. Ils incarnent de façon paroxysmique les clercs fanatisés qui confondent journalisme et inquisition idéologique. Leur rôle dans cet écosystème issu de mai 68 est de traquer l’hérétique, de purger les déviants et de sacraliser les figures de l’ordre moral dominant.

Du mensonge institutionnalisé à la police de la pensée

Parce que l’idéologie au pouvoir ne peut être remise en cause, tout ce qui la contredit doit être effacé, discrédité ou interdit. C’est ainsi que naît la police de la pensée. Mais cette logique impose sa propre morale, assumée mais non écrite. Celle-ci passe par l’autocensure dans les rédactions : plus besoin d’un commissaire politique, chaque journaliste sait ce qu’il ne peut pas dire. Claude Chollet, président de l’Observatoire du journalisme, le résume avec une lucidité implacable : « Dans un grand nombre de rédactions, la règle du jeu, c’est l’omerta : n’abordons pas les sujets délicats et mettons un cordon sanitaire autour de toute personnalité peu ou prou à la droite de l’extrême centre. » Autrement dit, les médias publics ne sont plus là pour informer, mais pour préserver un entre-soi idéologique. Le mensonge n’est plus un accident, il est la conséquence logique d’un système où toute remise en cause du dogme est interdite sous peine d’exclusion. Et comme dans toute religion, il faut des prêtres, des inquisiteurs et des hérétiques à brûler.

Car la police de la pensée implique naturellement l’épuration discrète des dissidents : si un journaliste dévie trop, il est dénoncé, mis au placard ou viré. Elle implique enfin une réécriture permanente du réel : les faits eux-mêmes deviennent secondaires. Ce qui compte, c’est la bonne interprétation. C’est ainsi que C8, première chaîne de la TNT française se retrouve aujourd’hui exclue de la TNT, non pas pour des raisons objectives, mais parce que sa ligne éditoriale n’entre pas dans le cadre autorisé. C’est ainsi qu’un Philippe Carli doit démissionner pour un simple like. C’est ainsi que le journaliste Jean-François Achilli se retrouve mis dehors pour un livre qu’il n’a même pas écrit…

Le mur du mensonge

Le problème, c’est que plus le mensonge devient nécessaire, plus il se voit. On ne peut pas éternellement imposer aux gens de nier ce qu’ils constatent chaque jour. Et c’est là que l’histoire se répète car la réalité finit toujours par rattraper la propagande. Comme en Union soviétique, il arrivera un moment où le fossé entre le discours officiel et le quotidien des Français sera trop grand pour être comblé. Les médias privés, eux, s’ajusteront. A l’instar de BFMTV (groupe Rodolphe Saadé, CMA-CGM), ils ont d’ailleurs déjà commencé à le faire. Car ils n’ont pas d’autre choix que de s’adapter au réel. Les médias publics, eux, s’enfermeront dans leur délire. Comme la presse soviétique en 1989, ils continueront à expliquer à leurs téléspectateurs que tout va bien, que la situation est sous contrôle, que ceux qui critiquent ne sont que des réactionnaires, des complotistes, des ennemis du progrès ou même du peuple. Jusqu’au jour où plus personne ne les écoutera. C’est d’ailleurs déjà en train d’arriver : 62 % des Français ne font plus du tout confiance aux médias. Ce chiffre ne fera qu’augmenter dans les mois et les années qui viennent. Parce qu’un média qui raconte n’importe quoi par nécessité idéologique finit toujours par être perçu comme tel.

La fin inévitable d’un système

L’écosystème médiatique français est aujourd’hui dominé par une machine publique qui ne peut survivre qu’en niant la réalité. À mesure que l’État grossit, à mesure que son influence s’étend au détriment du secteur privé, il devra toujours plus manipuler l’information pour justifier son existence. Mais ce processus a une limite : le réel finit toujours par l’emporter sur la propagande. Nous vivons en ce moment les dernières années d’un modèle médiatique à bout de souffle. Il tombera comme l’URSS est tombée, sous le poids de ses contradictions. Il tombera parce qu’un jour, trop de gens auront compris que les médias publics ne sont plus des médias : ils sont des organes de propagande d’un régime qui ne sait plus comment se justifier. Et quand ce jour viendra, il suffira d’un souffle pour que tout s’écroule.