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Un crime contre la justice en marche ?

Dépaysement du procès des insurgés, pressions en coulisses, amnistie niée trop tôt… Tout semble s’imbriquer dans un engrenage bien huilé. Pourquoi l’État a-t-il délocalisé le procès des dirigeants de la CCAT ? Qui cherche à peser sur les négociations ? À qui profite ce troc judiciaire qui rappelle étrangement un précédent en 1988 ? Une enquête minutieuse, des faits troublants, une mécanique qui se répète. Ceux qui ont des yeux verront. Ceux qui ont des oreilles entendront.

L’histoire a-t-elle vraiment changé ?

Chapitre 1 : l’engrenage

Les faits sont là, bruts, implacables. Le procès des insurgés de mai 2024 ne se tiendra pas en Nouvelle-Calédonie. Le 28 janvier, la Cour de cassation a ordonné le dépaysement de l’affaire, transférant l’instruction à Paris. Officiellement, le dépaysement vise à garantir « la sérénité de l’instruction » et à « éviter toute pression locale ». Mais, officieusement, il semble reposer sur un paradoxe troublant : les magistrats calédoniens sont écartés parce qu’ils auraient été “trop impliqués” dans les violences de mai 2024. Autrement dit, parce qu’ils ont vu de leurs propres yeux l’organisation méthodique de la CCAT, parce qu’ils savent que cette insurrection n’était ni spontanée ni désorganisée, Paris les considère trop proches du dossier… ce qui – paradoxalement – revient à reconnaître qu’ils en ont été témoins, que les faits ont bien eu lieu, que cette insurrection a été menée avec un commandement structuré, et donc, que ses dirigeants sont coupables.

Cependant, officiellement, ce dépaysement est une simple question de procédure, nous dit-on. Une simple précaution. Mais les rouages ​​du pouvoir ne fonctionnent jamais au hasard. Pourquoi ce procès-là, et pas un autre ? Pourquoi, dans les prisons de l’État, certains visages sont-ils soudain devenus des pions dans une partie qui les dépasse ? Il y a parmi eux un homme. Un frère. Un frère dont la situation pourrait peser sur les décisions d’un élu. Un député, un homme de parti, un homme de parole… ou un homme sous pression ?

Chapitre 2 : un procès délocalisé… et un échange à venir ?

En 1988, après Ouvéa, un accord fut signé. Un accord scellé par une poignée de main et une amnistie générale. L’État avait su créer la nécessité de son propre compromis. Il avait su, par la terreur et la promesse, forcer la réconciliation. Aujourd’hui, l’histoire semble vouloir se répéter. Un accord est sur la table, ou du moins une sorte de texte qui se veut en être un. Un texte fragile, bancal, un texte que certains voudraient rendre “historique”. Mais un texte que beaucoup refusent de signer.

Alors, il faut un levier. Il faut une pression. Le mystère du procès déplacé commence à prendre un autre sens. Garder les prisonniers proches, sous la main, sous contrôle. Faire planer une menace, puis offrir une échappatoire. D’abord, une négociation dure, un refus catégorique. Pas d’amnistie, jamais. Puis, dans l’ombre, l’offre discrète, la “solution politique”… Une condition simple : signez, et les portes de la prison s’ouvriront. Là, juste en bas de la page.

Chapitre 3 : un procureur qui parle trop vite ?

Mais, en Nouvelle-Calédonie, il n’est pas rare qu’un grain de sable vienne gripper les rouages bien huilés du pouvoir, aussi discret soit-il. Cette fois, il est sorti de la bouche même du procureur. Une phrase, une seule, lancée trop vite, trop franchement. Un mot de travers qui pourrait faire s’effondrer la mécanique patiemment orchestrée par notre Moriarty de pacotille. Les mots sont arrivés avant l’heure. Avant même que la question ne soit posée, avant même que l’idée ne soit officiellement évoquée, le procureur de Nouméa a tranché dans un entretien accordé à La Voix du Caillou : “L’amnistie est impossible.”

Pourquoi cette fermeté soudaine ? Pourquoi cette précaution ? Parce qu’il sait. Il sait que cette idée, bien que niée aujourd’hui, ressurgira demain. Il sait que l’amnistie pour les fameux “prisonniers politiques du FLNKS” est déjà dans l’équation, chuchotée dans les couloirs parisiens, bien qu’elle n’ait pas encore été inscrite sur le papier. Son message ne vise donc pas l’opinion publique. Son message est une mise en garde, adressée à ceux qui, dans les hautes sphères, pourraient être tentés de tordre le bras de la justice au nom d’une “paix retrouvée”. Et si lui l’a dit trop tôt, c’est que d’autres, ailleurs, l’ont déjà chuchoté.

Chapitre 4 : l’homme qui murmure encore aux oreilles du pouvoir

L’idée de ce marché, de ce troc assez macabre, ne vient pas de nulle part. Elle est ancienne, familiale, presque fraternelle. Qui a le pouvoir d’influencer une telle décision ? Qui peut parler à la Chancellerie, à Matignon et au ministère de l’Outre-Mer d’une même voix ? Qui a déjà orchestré un tel « compromis » dans un passé pas si lointain ? Le scénario est connu, il a été joué, il a fonctionné. Et si l’histoire se répète, c’est qu’il y a toujours quelqu’un pour en tirer les ficelles.

L’homme du passé, celui qui ne disparaît jamais totalement, celui dont la main est invisible mais dont les méthodes ne changent pas. Celui qui se glisse toujours là où le pouvoir hésite et trébuche, là où il faut fabriquer une sortie. Il connaît les rouages, il sait qui appeler, il sait qui convaincre. Son art est toujours le même : provoquer la crise pour mieux vendre la solution. Tendre un piège, puis offrir l’échappatoire. Et le pire, c’est qu’il pourrait encore réussir. Mais cette fois, à quel prix ? Car qu’est-ce qu’un accord signé sous la contrainte, sinon une bombe à retardement ? Que vaudra cette signature lorsque le frère sera dehors et que le marché, une fois encore, aura été trahi ? L’histoire a-t-elle vraiment changé ?

Ceux qui ont des yeux verront. Ceux qui ont des oreilles entendront.

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Hubert B

Hubert B. a rejoint Calédosphère au tout début de l’année 2015. Enfant du pays, il a grandi à Nouméa et a ensuite bourlingué durant près de vingt ans au gré de ses envies et des hasards de la vie. Fils d’une bibliothécaire/documentaliste, il a été tour à tour enseignant, pigiste, formateur mais c’est finalement vers l’écriture qu’il a choisi de revenir. Succinct, précis, parfois laconique, si son style est volontiers direct, ses intérêts sont éclectiques et toujours tournés vers l’actualité. Sa citation favorite : « Le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres »

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oups2 x
oups2
5 mars 2025 17:22

Déjà on part une fausse affirmation. “L’état a délocalisé le procès.
Ensuite le procès n’est pas encore décidé et ce n’est pour le moment qu’une instruction.
Tout le reste n’est que du remplissage pour faire du mot et de la longueur.
Journalisme de bas étage, d’influence.

ditou
ditou
Répondre à   oups2
7 mars 2025 13:46

En général, quand il y a une détention aussi longue, c’est que forcément il y aura procès.
Le temps en détention sera enlevé du temps de sa condamnation.
S’il est enfermée, c’est que les preuves d’accusations sont flagrantes ou démontrées.
Ne te mets pas d’œillères, il passera en jugement là c’est pratiquement sûr.
Que les indépendantistes le veulent ou non. Ce sera ainsi, dans le cas ou il sortirait libre. Je ne vois pas comment il pourrait revenir ici, puisqu’il encourra une possible vengeance de ceux, qui ont tout perdu.

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