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Ce qu’il s’est dit… et ce qu’ils ont tu

Le 15 avril dernier, une conférence publique donnée par le professeur Éric Descheemaeker a rassemblé près de 500 personnes à Nouméa autour d’une idée simple, mais refoulée depuis des mois : l’Accord de Nouméa est juridiquement caduc, les trois référendums ont clos la trajectoire d’émancipation, et c’est parce que l’État refuse de nommer cette réalité que le système calédonien dérive. Relayée sur YouTube, sur les réseaux sociaux et sur RRB, l’événement n’a pourtant fait l’objet d’aucune mention dans les journaux télé ou radio de NC1ère entre le 15 et le 20 avril.

À l’heure où France Télévisions consacre près de 3 minutes d’antenne à une conférence d’anthropologie sur les grands fonds marins, le silence sur la seule intervention publique structurée sur l’Accord de Nouméa en 2025 interroge. Clarification.

Ce qu’il s’est dit… et ce qu’ils ont tu

Le 15 avril 2025, dans une salle comble à Nouméa, le professeur Éric Descheemaeker, enseignant à la Melbourne Law School, ancien fellow de l’Université d’Oxford, donnait une conférence exceptionnelle sur la situation juridique de la Nouvelle-Calédonie, trois mois avant la date symbolique du 26 juin. Pendant près de deux heures, il a exposé, avec rigueur et méthode, les impasses du cadre post-Accord de Nouméa, les abus d’interprétation autour de la “pleine souveraineté“, et les obligations non tenues de l’État français.

Une ancienne grande voix de la télévision publique a pris la parole ce soir-là, dans la salle. ENClle a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas :

“L’accord est une monstruosité juridique. Il est caduc. Et pourtant, Paris nous l’impose encore.”

Le public, composite, attentif, silencieux, a longuement applaudi. D’une durée supérieure à deux heures, la vidéo Youtube de la conférence a rapidement circulé, engrangeant plusieurs milliers de vues en quelques jours. Des extraits sur Facebook approchent aujourd’hui les 50 000 vues.

Un vide médiatique organisé

Entre le 15 et le 20 avril, nous avons analysé les journaux télé et radio de NC1ère. Rien. Aucun reportage. Aucune mention. Aucune citation, alors même que l’événement était public, viralisé, et relayé par d’autres organes. Notamment RRB, qui en a fait un thème central de son émission Club Politique du 18 avril.

Sur NC1ère, on parlait de pluies à Bourail, d’expérimentations de CBD, de la chasse aux œufs à Nouméa, de perles polynésiennes et de l’opération Croix du Sud. Une actualité locale où la Constitution française semble plus difficile à traiter que l’archipel des Tonga. Un analyste médiatique bien connu, présent sur les plateaux de la chaîne publique, avait initialement annoncé sa participation à l’événement sur les réseaux sociaux. Il s’est désisté la veille. Prévoyance ou consigne ?

Comparaison utile : les abysses plus faciles que le droit

Le mois dernier, la succursale de France Télévisions en Nouvelle-Calédonie consacrait 2 minutes 47 à une conférence de l’anthropologue Pierre-Yves Le Meur sur les grands fonds marins. Un article en ligne accompagnait la séquence. Preuve que les abysses semblent, en Nouvelle-Calédonie, plus faciles à explorer que les profondeurs du droit public.

Délégitimer par le silence

Quand on ne peut pas contredire une parole, on peut toujours tenter de l’effacer. C’est ce que semblent avoir choisi certains à travers ce vide journalistique organisé. Mais ce silence médiatique n’est pas une simple omission. C’est un choix éditorial. Une manière de ne pas faire exister une pensée pourtant soutenue, discutée, documentée, et partagée publiquement.

Ce silence n’est plus l’absence de parole : il est devenu une preuve. En invisibilisant cette conférence, la rédaction de Nouvelle-Calédonie la 1ère a manqué à sa mission fondamentale : éclairer le débat public.

Mais, de façon ironique, ce qu’elle a voulu enterrer, elle l’a porté au sommet.

Ce qu’ils ont tu, c’est ce qui a résonné.

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JNC

Ancien journaliste, aujourd’hui à la retraite, JNC a été l’un des tous premiers contributeurs officiels du média. Curieux, travailleur, attentif aux soubresauts de l’actualité, il sait conserver une certaine distance vis-à-vis de ses sujets. Volontiers pédagogue, jamais caricatural, souvent indigné, il conserve intact sa capacité à remettre en question la société calédonienne qu’il connait et décrit au jour le jour. Son crédo : « c’est l’actualité qui décide, pas nous »

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