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Le fisc, mais surtout pas les fonctionnaires

La vraie réforme, c’est pas celle qu’on vous vend. Le gouvernement parle de « transparence fiscale » et de « modernisation », mais ne touche pas d’un centime aux dépenses publiques de fonctionnement. En Nouvelle-Calédonie, le contribuable est surveillé, la bureaucratie intouchable. Le pays est géré comme une économie soviétique sous stéroïdes… et on s’étonne de la faillite ? Décryptage en 5 actes.

Pendant qu’on nous parle de justice fiscale, de transparence et de “lutte contre la fraude”, il ne viendrait surtout à personne l’idée d’évoquer le vrai sujet : les dépenses de fonctionnement. C’est-à-dire, les frais généraux de la machine. Ceux qu’on ne touche jamais. Parce qu’ils concernent… les gens qui décident.

600 milliards : l’éléphant dans le lagon !

En Nouvelle-Calédonie, la dépense publique représente 60 à 62 % du PIB. Elle se répartit grosso modo ainsi :

  • 310 à 330 milliards CFP : dépenses de fonctionnement pur (salaires, loyers, contrats publics, maintenance, com’, mobilier de bureau, déplacements, etc.)
  • 150 à 160 milliards CFP : retraites et cotisations
  • 140 à 150 milliards CFP : dépenses de santé, aides CAFAT, Ruamm, prestations
  • 50 milliards CFP : remboursement des dettes (AFD, COVID, etc.)

Un total de 600 à 620 milliards CFP, pour un PIB de 1 000 milliards (avant 13 mai). En clair : l’économie calédonienne est administrée. Même l’URSS n’avait pas fait mieux en pourcentage. Mais chut. Parlons plutôt du type qui a ouvert un compte Revolut.

Réformer la fiscalité (pour taper sur ceux qui bossent)

Le gouvernement vient de sortir ses grands mots : “moderniser le contrôle fiscal”, “élargir l’assiette”, “élargir la base des contribuables”, “cibler les pratiques d’évasion”. Traduction : on va chercher les 30 milliards qu’il manque depuis le départ de milliers de contribuables dans la poche de ceux qui restent et qui ne dépendent pas de nous. Parce que les autres, on les connaît, ce sont des collègues (ou des cousins)

Et tant pis si les seuls qui investissent encore ici ont le bon sens de sécuriser un peu de patrimoine à l’extérieur, d’utiliser une banque digitale, ou de facturer depuis Tokyo quand tout flambe. Le gouvernement veut leur fric. Pas parce qu’ils fraudent (les gens épargnent avec l’argent que les impôts ne leur ont pas pris), mais parce qu’ils existent encore.

Une économie sous surveillance

Derrière l’argument “on aligne nos contrôles sur la métropole”, il y a une réalité : la Calédonie n’a plus de croissance. Donc elle vit sur les transferts de métropole. Pour que les prêts AFD continuent, il faut montrer qu’on “fait des efforts”. Et les seuls efforts qu’on fait, c’est fliquer le secteur productif. Notez que l’idée de faire dix balles d’économie ne leur vient même pas à l’esprit.

Le message est simple : si tu ne vis pas de l’argent public, tu es suspect. Mais attention : ne touchez pas aux 189 nouveaux postes créés dans la fonction publique territoriale depuis 2023. Ne regardez pas les 12 000 agents rémunérés par la collectivité calédonienne (lorsque la collectivité polynésienne n’en embauche que 6000). Ne remettez pas en cause les quelques 150 établissements publics, EPIC, agences, observatoires et directions autonomes que le secteur public calédonien a créé grâce à la manne des accords.

Non. Allez plutôt demander à Mamie pourquoi elle a viré 100 000 F sur le compte australien de sa petite-fille.

Le privé à genoux

On l’oublie parfois : les grandes familles – les fameuses grandes familles – si souvent accusées de mainmise, ne représentent plus que 12 à 18 % du PIB. Toutes réunies. Soit 100 à 150 milliards CFP sur moins de 1 000 milliards. Soyons clairs : en terme financier et économique la puissance publique calédonienne pèse désormais quatre fois plus. Et notamment, le fonctionnement des collectivités, qui représente à lui seul tout le secteur privé calédonien réuni.

Répétons-le : le service public est l’acteur économique dominant de ce territoire. Il écrase les prix, oriente les flux, fixe les normes, subventionne les médias, les associations, la culture, la santé, l’emploi et jusqu’au crédit. Le vrai monopole, le seul mastodonte responsable de la vie chère : c’est lui. Le seul qui ne s’est jamais serré la ceinture, c’est lui.

Le cœur du problème

Pourquoi ce modèle est-il si dangereux ? Parce qu’il est verrouillé démographiquement. En Nouvelle-Calédonie, le poids de la fonction publique est tel que toute mesure d’économie serait perçue comme une agression politique.

Et surtout, il est électoralement protégé. Chaque gouvernement qui arrive alourdit la bête (et la dette) pour acheter la paix sociale. Puis il explique que le problème, c’est le contribuable. Que c’est lui qui fraude. Que c’est lui qui planque…

Et si c’était plutôt le contribuable qui finançait un système en faillite ?

Conclusion : la future Grèce du Pacifique

À ceux qui rêvent d’un “changement de modèle”, on peut répondre que le changement est déjà là. Nous sommes passés de l’économie de marché des années 80 et 90 à une économie administrée, majoritairement socialiste, basée sur les transferts, les rentes et les captures. Une économie où les seuls investissements qui rapportent sont publics. Une économie où le secteur public devient guichetier, comptable et gendarme à la fois.

Une économie où l’on taxe l’intelligence et l’audace. Et où l’on subventionne l’inefficacité et le confort. Bienvenue dans la Nouvelle-Calédonie 2025. Toujours moins de contribuables pour toujours plus de dépenses : c’est l’équation calédonienne.

*    *

*

« Au-dessus de 40 % de dépenses publiques dans le PIB, ce n’est plus de l’économie de marché, c’est du socialisme. » Valéry Giscard d’Estaing,

(Discours sur l’économie mixte et les limites de l’intervention publique – 1976)

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Hubert B

Hubert B. a rejoint Calédosphère au tout début de l’année 2015. Enfant du pays, il a grandi à Nouméa et a ensuite bourlingué durant près de vingt ans au gré de ses envies et des hasards de la vie. Fils d’une bibliothécaire/documentaliste, il a été tour à tour enseignant, pigiste, formateur mais c’est finalement vers l’écriture qu’il a choisi de revenir. Succinct, précis, parfois laconique, si son style est volontiers direct, ses intérêts sont éclectiques et toujours tournés vers l’actualité. Sa citation favorite : « Le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres »

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Rocky Siffredo
Rocky Siffredo
9 juin 2025 20:13

Ouh la la, sujet tabou, faut pas toucher aux fonctionnaires, vous allez avoir des problèmes, monsieur…

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