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Bougival va s’effondrer. Voici pourquoi.

Le texte de Bougival n’est pas un accord. C’est un compromis impossible entre des récits contradictoires, enfermé dans une procédure impraticable, nourri d’ambiguïtés dangereuses. Il est juridiquement bancal, politiquement illégitime et techniquement irréalisable. Voici pourquoi.

Le mensonge performatif

Le 12 juillet 2025, 19 signataires se sont félicités d’avoir réalisé ce que l’on présentait comme un accord historique. Mais depuis, tous ou presque prennent leurs distances. Certains prétendent ne pas l’avoir vraiment signé. D’autres disent qu’il ne les engage pas. Le FLNKS, censé être partie prenante, affirme qu’il ne l’a pas validé.

Ce texte était censé nous réconcilier. Il n’a fait que révéler l’imposture. Ce texte n’a pas divisé les Calédoniens. Il les a réunis… contre lui.

Propos 1 : Une fiction de validation populaire

Bougival prévoit d’abord une validation par les “instances” de chaque courant politique (FLNKS, Loyalistes, CE, EO…) sans en définir ni le calendrier, ni les modalités, ni la force juridique. Puis un vote au Congrès, suivi d’une consultation populaire. Mais qui vote ? Quel corps électoral ? Sur quoi ?

L’article 1.1.3 prévoit une consultation “des électeurs de la Nouvelle-Calédonie”, sans préciser s’il s’agit du corps électoral gelé ou du corps général. Un dégel partiel est certes prévu dans l’accord, mais après la consultation. Autrement dit : c’est avec un corps électoral figé, critiqué depuis vingt ans, que les électeurs seront appelés à valider un nouveau statut censé dépasser les blocages du passé. Une absurdité procédurale doublée d’un piège politique.

L’article 2.3.4 prévoit que la loi constitutionnelle sera adoptée… avant même cette consultation. Autrement dit : le peuple votera après que tout aura été décidé à Paris. La forme précède le fond. Le vote est un habillage.

« Le texte de l’accord sera soumis à la consultation des électeurs de la Nouvelle-Calédonie » — art. 1.1.3

« La loi constitutionnelle adoptée en Conseil des ministres sera soumise au Parlement […] puis à la consultation » — art. 2.3.4

Le texte organise donc un simulacre de démocratie. Le peuple est convié après la décision, pour l’entériner, jamais pour la construire. De plus, en instaurant des catégories symboliques comme la “nationalité calédonienne” ou l’“État calédonien” sans les encadrer juridiquement, le texte transforme chaque future élection locale en référendum implicite sur l’indépendance.

C’est la garantie d’une polarisation politique permanente.

Propos 2 : Des ambiguïtés préméditées

Le texte multiplie les concepts flous pour laisser à chacun le loisir de raconter son histoire. On parle d’un “Etat calédonien” (page 2), mais sans qualification juridique. On évoque une “nationalité calédonienne” (page 3), mais sans statut réel. On promet des relations internationales “dans le champ des compétences propres” (page 7), sans en préciser ni la portée ni les limites.

« La Nouvelle-Calédonie est un État doté de la personnalité morale […] » — p.2

« Il est institué une nationalité calédonienne » — p.3

« La compétence des relations internationales […] est exercée […] dans le champ des compétences propres » — p.7

Ce flou n’est pas une erreur. C’est une méthode. Il permet à chacun des camps de vendre une victoire imaginaire à son peuple. Car en politique, ce qui semble exister finit toujours par produire des effets réels.

Mais en droit comme en politique, toute ambiguïté finit par devenir un conflit. Et ici, le conflit est inscrit dans le code même du texte.

Propos 3 : Une procédure juridiquement ingouvernable

Le projet s’articule autour d’un enchaînement juridico-politique à triple fond :

  • Un projet d’accord non validé à ce jour (le FLNKS conteste sa validité même).
  • Un renvoi à des séquences législatives (loi constitutionnelle, organique, ordinaire) prévues sans calendrier clair.
  • Une réforme constitutionnelle partiellement suspendue à des votes locaux incertains.

« Dans les prochains mois, une réforme constitutionnelle sera soumise au Parlement » — art. 2.3.2

Mais qui l’écrira ? Qui la validera ? En vertu de quel mandat ? Quelle majorité, au Congrès ou à l’Assemblée nationale, pourra s’en porter garante ?

Ce calendrier volontairement imprécis ne peut aboutir qu’à des dérives d’interprétation, voire à des blocages de fait. Pire encore : le texte n’identifie jamais les signataires au nom de mandants clairs. Contrairement à l’accord de Nouméa — où chaque engagement était signé “pour” un mouvement ou une institution — Bougival ne précise rien. Qui engage quoi ? Qui pourra modifier ? Qui pourra dénoncer ?

Un texte signé sans mandat explicite n’a ni valeur contractuelle ni force politique. Il flotte dans l’indétermination. Il ne structure pas une transition : il désigne un champ de bataille futur.

Propos 4 : Un texte sans portée exécutoire

Aucune mécanique coercitive ne garantit que les promesses énoncées seront respectées. Rien n’oblige, demain, un gouvernement ou un Parlement à appliquer ce “projet d’accord”.

« La Nouvelle-Calédonie s’engage à mettre en œuvre les dispositions du présent accord » — p.4

« Le Gouvernement français entend soutenir ce processus » — p.8

Les formulations sont vagues, délibérément non normatives. L’absence de signatures nominatives engageant clairement chaque courant politique, l’absence de dispositif transitoire contraignant et l’absence de clôture précise rendent ce texte inapplicable. Il flotte. Il se dérobe à toute prise juridique.

Il y a les textes qui organisent le réel, et ceux qui organisent l’évitement. Celui-ci n’organise rien. Il espère.

L’accord est un mirage procédural

Ce projet n’est pas un accord. C’est un puzzle sans image, un texte flou sans auteur véritable, une promesse sans destinataire, une mécanique sans moteur. Il ne peut être tenu, parce qu’il n’a pas été conçu pour être tenu. Il a été conçu pour faire semblant. Et le semblant ne dure jamais très longtemps.

Enfin, un texte qui doit être expliqué chaque jour est un texte qui ne tient pas debout. Celui-ci s’effondre déjà. En droit, un accord ne vaut que s’il est clair, signé au nom de mandants identifiés, et suivi d’effets normatifs précis.

Celui-ci ne respecte aucune de ces conditions.

Il ne donne envie à personne de revenir, d’investir ou d’embaucher. Il n’envoie aucun signal de confiance. Il entretient le doute et prolonge la paralysie.

Et chacun le sait. Ceux qui s’y accrochent ne cherchent pas la paix : ils cherchent à sauver leur mandat.

Celui qui aime son pays dit la vérité pour prévenir le désordre.

Celui qui préfère son poste ment, et prépare les conflits.

 

*     *

*

 

La clause cachée : une police et une justice à eux

Le texte de Bougival prétend bâtir l’avenir. En réalité, il programme une prise de contrôle rampante des fonctions régaliennes par une caste locale.

Derrière les formules d’apparence anodine — “État de la Nouvelle-Calédonie”, “loi fondamentale”, “loi organique spéciale”, “transfert possible des compétences régaliennes” — se cache un basculement de fond : la possibilité, à moyen terme, que la police, la justice, la défense, la monnaie, ne soient plus exercées au nom de la République, mais sous autorité locale. Le projet d’accord prévoit explicitement :

« Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, composé désormais de 56 membres, pourra adopter une résolution à la majorité qualifiée de 36 membres, demandant que soient transférées à la Nouvelle-Calédonie des compétences de nature régalienne dans l’un des champs suivants : défense, monnaie, sécurité et ordre public, justice et contrôle de légalité. »

Cette clause, noyée dans un long texte juridique, est en réalité une bascule de souveraineté différée. Elle prévoit qu’une majorité de 36 élus du Congrès (sur 56) pourra enclencher un processus de transfert des fonctions régaliennes. Et ce, sans garantie de référendum préalable : seule une consultation est prévue, sur un texte conjoint État-Congrès, dont l’écriture même échappera à tout contrôle citoyen. Et pourquoi veulent-ils tant ces compétences-là ? Parce qu’elles permettent de maîtriser les instruments de la contrainte et du verrouillage politique :

  • Une police à eux, pour surveiller, encadrer, intimider, voire réprimer les quartiers populaires, les tribus rétives, les citoyens “hors cadre” ou “réfractaires”.
  • Une justice à eux, pour verrouiller les contentieux, neutraliser les contre-pouvoirs, et décider qui a le droit d’exister politiquement ou non.
  • Une monnaie et des relations extérieures, pour bâtir un clientélisme international et monétaire masqué derrière un pseudo-projet de développement.

En clair :

La caste veut une police pour se protéger du peuple, pas pour le protéger.

Une justice pour verrouiller le jeu, pas pour l’arbitrer.

C’est le véritable noyau du projet Bougival : une souveraineté instrumentalisée, non pas pour libérer un peuple, mais pour sanctuariser le pouvoir d’une minorité.

 

Les Kanak lucides l’ont compris : ils ont déjà mis les signataires UC en minorité.

Les Loyalistes lucides commencent à l’admettre : ils exigent désormais que l’accord soit clarifié.

 

La suite ? Soit la lumière… soit la rupture.

 

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LedZep4096
LedZep4096
7 septembre 2025 18:04

A toute fin utile. Pour, SMHO, clarifier le débat : l’intégralité de ce qui a été publié au JO de la RF concernant “l’Accord de Bougival” hier (samedi 6 septembre 2025), par le Gouvernement Central – le Ministère des Outre-mer, disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=PfCaY5Cf4qaNdgdD36Nrb0vjG5MsDkfRtWfMxQ-Cnuk= AMHA, il répond à cette question formulée dans l’article : “Les Loyalistes lucides commencent à l’admettre : ils exigent désormais que l’accord soit clarifié.” Quant à nos compatriotes Canaques | Kanaks ma foi, du côté des plus vindicatifs, le noyau dur UC-CCAT-et-consorts, ça tousse sans plus (nombres d’entre – eux sont soit en taule soit,… Lire la suite »

Dernière modification 15 jours plus tôt par LedZep4096
Alika Antitra
Alika Antitra
20 août 2025 11:28
ditou
ditou
18 août 2025 10:40

Tout le monde attend notre ministre d’outre mer Valls.
Il est attendu comme un messie.
Mais tout le monde sait comment il a fini le Messie.
Crucifié.

LedZep4096
LedZep4096
Répondre à   ditou
20 août 2025 17:34

ditou “Tout le monde attend notre ministre d’outre mer Valls.
Il est attendu comme un messie.”

Faudra peut-être qu’il s’adapte à la situation, qu’il change de registre comme l’on dit couramment. En termes plus prosaïques, qu’il ne se contente pas de nous permettre, de nous procurer notre pain quotidien mais, qu’il fasse comprendre à certains que, celui qui commande c’est celui qui paye.

https://youtu.be/-xSORIDw1Sg

Electron Libre
Electron Libre
Répondre à   LedZep4096
20 août 2025 22:33

il fasse comprendre à certains que, celui qui commande c’est celui qui paye.

C’est bien ce que j’attends de l’Etat ! en passant au travaux pratiques !

ps: et la dette de 7M de la Province des Iles, on en parle plus ?

ditou
ditou
16 août 2025 16:55

L’accord de Bougival, en a refroidi plus d’un.
Mais il n’est pas le seul, la météo aussi.
Je me suis gelée cette semaine.
Les températures sont descendues à 9 degrés, selon météo nc.
Mais où est le réchauffement climatique?.

Electron Libre
Electron Libre
Répondre à   ditou
17 août 2025 09:10

ditou, il ne faut pas confondre météo et climat.

ditou
ditou
Répondre à   Electron Libre
18 août 2025 05:41

Je ne confonds rien. La météo à indique des températures à 9 degrés bien plus basses qu’en 2017, où nous avons eu un froid qui ne descendait pas en dessous de 11,8° et dont calédosphère avait fait un article dessus intitulé : “Bordel c’est quoi ce froid”. Nous avons fait encore une descente plus basse que prévue. Quand au climat. Excuse moi mais le sujet réchauffement climatique ne date pas d’hier, çà fait 3 décennies que la lutte a commencer très exactement le 21 mars 1994, par la CCNUCC. En 3 décennies, on constate que les températures ont bien refroidi,… Lire la suite »

ditou
ditou
15 août 2025 06:18

Voulez vous savoir ce que j’ai découvert en calculant l’avenir de la Calédonie?.
J’ai trouvé, que cet accord de Bougival avait exactement le même chiffre, que celui des accords d’Evian pour l’Algérie qui était le 18 mars 1962.
Je comprends mieux maintenant cette “Etat Calédonien”

ditou
ditou
14 août 2025 15:32

“Accord Nouvelle-Calédonie. “Nous mettrons en œuvre le projet de Bougival”, annonce Manuel Valls avant de se rendre à Nouméa” Vous voulez savoir pourquoi Valls dit cela?. C’est simple. Les accords de Nouméa précisaient, qu’à la fin des ces ADN tous les partis devaient se réunir et qu’ils tombent d’accord pour un accord. Malheureusement pour le FLNKS, l’accord de Bougival signé par tous les partis présents en juillet, ce qui confirment que cette partie des ADN s’est bien réalisée. Valls n’a pas besoin des indépendantistes du FLNKS ou de l’UNI, pour continuer cet accord de Bougival. Il a la signature de… Lire la suite »

ditou
ditou
14 août 2025 05:13

Il ne faut jamais rien donner aux indépendantistes sous peine qu’ils le prennent pour acquis à vie. C’est l’histoire du drapeau du parti indépendantiste. Monté pour leur faire plaisir. Il se trouve qu’ils sont persuadés que c’est le drapeau de la Calédonie. On a pu le constater avec le permis de conduire ou il a été apposé officiellement et volontairement par le gouvernement ayant eu un président indépendantiste Mapou. On a pu aussi le voir sur tout internet ou il est exhibé comme étant celui de la Calédonie. Aujourd’hui a Bourail, un appel au boycotte de la foire à cause… Lire la suite »

ditou
ditou
Répondre à   ditou
15 août 2025 23:10

Il suffit de parler de drapeau indépendantiste et de prédire des dettes pour le mois d’aout.
En voici le résultat : l’amende passe à 600 000cfp.

https://la1ere.franceinfo.fr/nouvellecaledonie/drapeau-flnks-sur-le-permis-de-conduire-l-amende-passe-a-600-000-francs-par-jour-pour-le-gouvernement-1613724.html

Electron Libre
Electron Libre
Répondre à   ditou
16 août 2025 07:13

à un moment faudra bien présenter la facture à cet enfoiré de Tuyiénon.

Lemec Dici
Lemec Dici
Répondre à   Electron Libre
16 août 2025 07:43

Moi je me demande ce qu’attend Alcide pour rentrer dans son bureau l’attraper par le col et le secouer un bon coup ce salopard.

ditou
ditou
Répondre à   Electron Libre
16 août 2025 16:27

Tu parles, c’est au calédoniens, qu’ils vont la présenter cette facture.
Tout comme celle de l’électricité dont le gouvernement n’a jamais voulu payer, ce qu’il devait, je ne sais plus si c’est à EEC ou Enercal.

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