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Patrick Robelin : apôtre d’un discours qui s’efface face au réel

Patrick Robelin est un homme honnête. Ancien instituteur, le maire de Bourail fut un Directeur d’école apprécié et il a laissé une empreinte positive sur sa communauté. À ce jour, aucune affaire ne ternit son parcours. Patrick Robelin est certainement un bon père, un bon citoyen et un ami loyal, comme il l’a été avec Jean-Pierre Aïfa, son mentor. On sait aussi que Robelin n’est pas un stratège de la politique ni un homme de calcul mais il est sincère. Cependant, et c’est là tout le problème, il ne comprend rien à la situation actuelle, et ses récents propos contribuent à brouiller les enjeux plutôt qu’à les clarifier. Avec bienveillance et pragmatisme il est important d’expliquer pourquoi son discours est nocif aux intérêts du plus grand nombre.

Un constat lucide mais sans réponse

Lors de sa dernière interview, sur le plateau de NC 1ère, Patrick Robelin a adopté un ton alarmiste mais mesuré, oscillant entre l’inquiétude et un appel à la responsabilité collective. Souhaitant, comme beaucoup, apparaître comme un observateur lucide de la situation, il a déclaré :

« Je suis très inquiet parce que depuis 2022, les deux blocs se sont radicalisés et continuent de se radicaliser. Les leaders des partis sont ceux qui discutent depuis 2019. J’ai du mal à croire qu’ils vont miraculeusement trouver un accord. » (Patrick ROBELIN, 02/02/25 ; sources : NC1ère)

Cette réflexion est symptomatique de la posture de sa famille politique centriste : des paroles qui reposent sur une peur diffuse et une inquiétude sur l’avenir, sans apporter d’éléments concrets sur les solutions. Qu’on appelle cette pensée et ce courant politique autonomiste, progressiste, humaniste, socialiste ou, occasionnellement, démocrate, ils se basent sur le même principe : faire un constat général que tout le monde partage, sans en tirer la moindre conclusion politique. Oui, la radicalisation existe. Oui, les discussions ne mènent nulle part. Mais alors, que fait-on ? Patrick Robelin n’apporte pas de réponse. Robelin dit ce que tout le monde sait déjà, mais, comme beaucoup d’acteurs politiques, il le fait avec des trémolos dans la voix comme si c’était une révélation.

Un appel au dialogue dépassé

L’élu de brousse poursuit avec une question qui se veut marquante : « Qu’est-ce qu’on veut pour la Nouvelle-Calédonie ? Est-ce qu’on veut une guerre civile ? Ou est-ce qu’on veut une solution ? » Là encore, c’est une caricature. Car poser la question en ces termes donne l’impression qu’il assène une vérité simple, sans reconnaître la complexité du problème. L’effet recherché de ce genre de discours est toujours moralisateur : cela place la responsabilité de la situation sur les « autres » (suivez son regard) sans préciser quels leviers concrets l’orateur défend de son côté. De plus, sa réflexion présuppose que le choix est encore possible, que la guerre civile est un danger futur… Or, selon les chiffres du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), depuis le 13 mai, 3 129 personnes ont été victimes de coups et de blessures volontaires et 142 ont été victimes de tentatives d’homicide. Pour la seule année 2024, on recense également près de 4 500 destructions et dégradations volontaires. La crise n’est pas hypothétique : elle est là et a emporté 14 vies humaines connues et de nombreuses autres restées anonymes ou inconnues (dont des enfants à naître, des malades et des personnes âgées mortes sans soin). Ce genre de discours donne donc l’impression d’un homme qui arrive après la bataille et qui continue à poser des questions sur les origines de celle-ci plutôt qu’à chercher des solutions.

Une vision religieuse du vivre ensemble

Patrick Robelin affirme : « Le vivre ensemble ne s’est jamais arrêté sur Bourail. » Cette déclaration révèle une vision très localisée et idéalisée du vivre ensemble, qu’il oppose aux tensions bien réelles qui ont secoué le territoire. Il continue : « Je ne sais pas si tout le monde a la même définition (…) Ce n’est pas juste aller au commerce et saluer quelqu’un d’ethnie opposée. » Il oppose ainsi une vision superficielle du vivre ensemble à une vision qui serait plus profonde et traditionnelle fondée sur l’entraide et la proximité lors des moments difficiles. Cette vision nostalgique repose sur une expérience personnelle, au sein d’un village de la brousse où il connaissait les familles et leurs relations s’étendaient sur plusieurs générations.

Le problème est que ce modèle ne fonctionne plus dans un contexte de divisions politiques accrues, d’urbanisation massive et d’évolution des mentalités. Il confond, comme beaucoup, son vécu personnel avec une réalité plus vaste, ignorant les fractures réelles. En cela, il alimente l’illusion qu’il suffirait de retrouver les relations d’hier pour apaiser les tensions, sans remettre en cause les causes structurelles du problème.

Une vision de la France figée dans le passé

Robelin parle aussi de la France : « Je suis pour que la France continue à nous accompagner », a-t-il dit. Or, cette déclaration repose sur une dépendance implicite et non questionnée à la France. Il ne définit pas sous quelles conditions cet accompagnement doit se faire, ni quel en serait le cadre institutionnel. Accompagner, oui, mais comment ? Vers quoi ? « Sans la France, on ne pourra pas fonctionner. » Robelin ne parle ni de nationalité française, ni de patriotisme, ni d’engagements réciproques entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Il ne fait pas mention d’un projet politique structuré, mais plutôt d’une relation asymétrique et paternaliste, où l’État français garantit indéfiniment la stabilité locale. Cette posture semble héritée de son époque, celle des Trente Glorieuses, où l’État était perçu comme un protecteur économique et social omniprésent.

Aujourd’hui, le contexte est radicalement différent : les transferts financiers de l’État français sont remis en question, la géopolitique du Pacifique évolue et la France elle-même ne peut plus se permettre d’ignorer les réalités budgétaires. Pourtant, Robelin n’aborde jamais ces enjeux. Son discours ne cherche pas à clarifier la relation entre la France et la Nouvelle-Calédonie, mais à perpétuer un modèle de dépendance non défini, reposant uniquement sur l’habitude et la peur du vide.

Une bienveillance nuisible ?

Patrick Robelin incarne une posture politique où la bienveillance et la modération deviennent un écran de fumée, un refuge qui évite de prendre position. Il veut éviter les tensions, préserver une harmonie illusoire, mais ce faisant, il occulte les réalités du conflit et contribue à l’immobilisme. Son discours se veut rassurant, mais il se fonde sur un leurre. Il entretient l’illusion d’un possible retour à un passé stable, alors que les structures politiques et sociales ont déjà changé. Cette attitude produit un double effet pervers : elle alimente le sentiment d’attente chez ceux qui espèrent une solution miracle qui n’adviendra jamais, et elle frustre tous ceux qui veulent une action politique claire et déterminée. C’est précisément ce que Camus dénonçait lorsqu’il écrivait : « Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde. » Et c’est précisément ce que fait une grande partie de la génération de Patrick Robelin. En refusant de nommer les fractures actuelles et en prolongeant un statu quo déjà dépassé, elle empêche la société calédonienne de faire les choix nécessaires pour avancer.

Tous les Robelin de cette terre ne veulent pas heurter, ne veulent pas choisir, ne veulent pas voir la rupture qui s’opère sous leurs yeux. Or, ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement leur propre aveuglement, mais le prix collectif que la Nouvelle-Calédonie paie pour ce déni.

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JNC

Ancien journaliste, aujourd’hui à la retraite, JNC a été l’un des tous premiers contributeurs officiels du média. Curieux, travailleur, attentif aux soubresauts de l’actualité, il sait conserver une certaine distance vis-à-vis de ses sujets. Volontiers pédagogue, jamais caricatural, souvent indigné, il conserve intact sa capacité à remettre en question la société calédonienne qu’il connait et décrit au jour le jour. Son crédo : « c’est l’actualité qui décide, pas nous »

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oups2 x
oups2
4 février 2025 18:45

Bon père, bon citoyen et amis loyal mais exécuté de sang froid dans cet article. Celui qui le publie a t’il les mêmes qualités car personnellement je vois plutôt un tueur à gage. Embauché par qui? On peut déduire qu’en l’état de la pensée de ce rédacteur il n’y en a plus que deux à avoir, pour ou contre. Ce long réquisitoire ne propose pas non plus de solutions même s’il desingue la victime sur le sujet des non solutions apportées. C’est osé car pour le moment personne n’en a. A mon niveau de citoyen je n’en vois aucune. Il… Lire la suite »

Electron Libre
Electron Libre
4 février 2025 17:25

Les loyalistes ne se radicalisent pas, ils demandent que soient respectés le résultats des référendum et surtout ne font que résister aux coups de butoir des indépendantistes.

Dernière modification 1 heure plus tôt par Electron Libre
oups2 x
oups2
Répondre à   Electron Libre
4 février 2025 18:47

Ok mais comment?

Robelin
Robelin
4 février 2025 15:50

Tous les Robelin n’ont pas un père qui s’appelle ROBELIN.

oups2 x
oups2
Répondre à   Robelin
4 février 2025 18:46

Comprend pas, explique

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