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La démographie kanak : une histoire d’effondrement et de renaissance
Il existe des conférences que tout Calédonien devrait voir, ne serait-ce que pour comprendre à quel point l’histoire de ce pays est fascinante. L’une d’elles, donnée par Christophe Sand, archéologue de renom, est une véritable mine d’or pour ceux qui cherchent à comprendre la dynamique des populations kanak depuis la découverte de la Nouvelle-Calédonie par James Cook en 1774. Ce texte est une réponse aux réactions suscitées par notre précédent article sur la multiplication de la population kanak depuis plus d’un siècle. Beaucoup d’internautes ont soulevé une question essentielle : “Mais avant 1901 ?” C’est en s’appuyant sur les travaux de Sand que nous avons tenté d’y répondre en cinq points clés.
La Nouvelle-Calédonie avant 1774 : un paradis terrestre ?
Si l’on suit la chronologie, les Kanaks ont environ 3 000 ans d’histoire sur ce territoire. Cela signifie qu’ils ont vécu à l’abri des bouleversements mondiaux (guerres, invasions et épidémies) pendant près de 2 800 ans. Le paradis sur Terre ? Pas vraiment. Certes, la nature était généreuse, mais avec 33 langues différentes à l’époque de la colonisation (contre 28 aujourd’hui), on imagine bien que l’unité n’était pas le maître mot. Pas de roue, pas d’écriture, pas de week-ends à Deauville… Bref, une société riche de ses cultures, mais aussi marquée par des rivalités tribales. Alors que le château de Versailles fascinait les cours européennes depuis plus d’un demi-siècle, dans le pacifique sud, la vie suivait un autre rythme.
L’impact des maladies : un choc démographique fulgurant
Car à partir de 1774, tout bascule. La première mondialisation atteint les côtes calédoniennes, James Cook et ses fiers marins anglais apportent avec eux leur lot de maladies : grippe, rougeole, coqueluche, syphilis, tuberculose… Les Hollandais suivront, puis les Français. Ils apportent des virus contre lesquels les Kanaks n’avaient absolument aucune immunité. En moins de deux générations (environ 40 à 50 ans), la population s’effondre. On estime qu’il y avait entre 50 000 et 150 000 Kanak avant l’arrivée des Européens. En 1901, ils ne sont plus que 27 000. Faut-il parler de génocide ? Non, pas au sens strict. Il n’y a pas eu d’extermination systématique par les armes, mais un effondrement démographique dû à des facteurs biologiques incontrôlables.
Un effondrement rapide et total
Sand nous l’explique très bien, les structures sociales kanak ont périclité rapidement. En l’espace de 80 ans, des sociétés entières se sont effondrées. Les maladies se sont propagées à une vitesse fulgurante, probablement en moins de 20 ans pour les premières vagues épidémiques. Comme le raconte l’archéologue, les Kanaks eux-mêmes ont interprété l’arrivée des missionnaires chrétiens comme une preuve de la puissance des Européens et de leur Dieu : “Jésus-Christ” en Nengoné (la langue de Maré) se dit “Dieu Colère“, car les Blancs, eux, ne mouraient pas des mêmes maladies. Pour les grands Chefs, la conversion au christianisme a été autant spirituelle que pragmatique.
La résilience : une population multipliée par cinq
Après avoir touché le fond démographique en 1901, la population kanak a entamé une remontée spectaculaire. Aujourd’hui, elle est cinq fois plus nombreuse. Cette renaissance est due à une baisse drastique de la mortalité infantile dès le début du 20ème siècle, grâce aux progrès de l’hygiène, à la vaccination et à l’introduction des antibiotiques comme la pénicilline. Ironie du sort, c’est la colonisation, responsable de l’effondrement initial, qui a aussi permis cette renaissance.
Les Kanaks d’aujourd’hui : héritiers des survivants
Les Kanaks actuels ne sont pas des “survivants” au sens littéral, mais ils descendent de ceux qui ont survécu à l’une des plus grandes catastrophes démographiques de l’histoire de l’humanité. En comparaison, la crise la plus grave que les populations actuelles aient affrontée récemment est celle du Covid-19… pendant laquelle, comme tout le monde, ils ont été payés pour rester chez eux à regarder Netflix. Les véritables épreuves, c’était pour leurs ancêtres, qui ont traversé les grandes épidémies mondiales en un seul siècle.
Quand l’histoire dérange
Les travaux de Christophe Sand nous amènent à reconsidérer l’histoire de la Nouvelle-Calédonie non pas comme un simple récit linéaire, mais comme une succession de vagues de peuplement, d’adaptations et de transformations. Selon lui, l’histoire calédonienne est marquée par des dynamiques de remplacement de populations, de bouleversements démographiques et culturels, où chaque époque a vu des sociétés s’effondrer, d’autres émerger, et des identités se redéfinir. Ce prisme de lecture, à la fois scientifique et dérangeant, nous oblige à sortir des discours simplistes pour mieux comprendre la complexité de notre passé commun.
Or, il y a quelques années, ce même Christophe Sand a été remercié de l’Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique, sans explication officielle, après trente ans de recherches et de contributions majeures à la connaissance du patrimoine local. Comment expliquer qu’une telle référence scientifique ait été évincée si brutalement ? Peut-être que la réponse se trouve justement dans ses conférences, encore présentes sur le Web. Car l’histoire, quand elle dérange les récits officiels ou les mémoires politiques sélectives, finit souvent par devenir un sujet sensible.
Il est intéressant de noter que le domaine de la culture est traditionnellement entre les mains des partis indépendantistes, et ce sont des membres du FLNKS qui ont pris la décision de l’écarter. Pourquoi ? La question reste ouverte. Ce que nous savons, en revanche, c’est que les faits sont têtus. Et que l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, aussi complexe et inconfortable soit-elle, continuera à s’écrire, avec ou sans ceux qui cherchent à la censurer. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les conférences de Christophe Sand. Elles sont peut-être la meilleure réponse à ceux qui auraient préféré qu’il se taise.

Les Européens ont aussi apporté le métissage et ça, ça ferait plaisir à Mélenchon.
Wamytan, Uregei, Tuyiénon, Forrest, Néaoutyine, tous métissés !
Et ce sont souvent les plus haineux !
Et avant la colonisation c’était comment ?
On a chiffré combien de morts pour leur guerres tribales ?
Ils ne mangeaient même pas à leur faim ils ont bouffé les sylviornis neocaledoniae et les tortues terrestres jusqu’au dernier.
J’ai le vague souvenir d’une lecture, il y a quelques années, où selon des chercheurs la syphilis avait été une maladie rapporté d’Amérique du Sud par les Espagnols, qui s’est ensuite répandue en Europe.
Punaise mais il est vraiment inspiré en ce moment Hubert B.
Je me doutais aussi un peu qu’il serait obligé de réajuster le tir et de parler d’avant 1901.
Cet article en effet vient compléter le panorama historique et y met plus d’objectivité.
Cela dit ,il reste qu’aujourd’hui le discours militant qui parle de génocide est totalement déplacé et l’auteur a rétabli la vérité. C’était nécessaire.
Ce mot génocide est tellement balancé ça et là que cela en devient honteux et irrespectueux pour les peuples qui en ont vraiment subi un.
Les Arawaks, premiers habitants de la Martinique, ont bel et bien disparu jusqu’au dernier. J’ai appris ce nom au cours d’un séjour ( hasard de la vie) en 97.
Tout comme le peuple premier de Tasmanie, dont j’avais appris le nom sur place, oublié depuis.
Ces gens ne sont plus là, eux, pour témoigner de leur disparition;
Visiblement, ce ne sont pas les plus à plaindre qui sont en état de se plaindre.