Référendum : du report au boycott

Le 8 avril dernier, à peine le délai fixé par la loi pour demander la tenue du 3^ème et dernier référendum était-il dépassé, que les indépendantistes se précipitaient pour le réclamer. Six mois plus tard, c’est marche arrière toute, ils vont tout faire pour obtenir que le référendum ne se déroule pas le 12 décembre prochain, mais en septembre 2022. 

« Il faut donner du temps au temps » avait dit François Mitterrand, et de toute évidence, les indépendantistes, en dépit que la culture kanak ait établi un lien particulier avec le temps, ne parviennent pas à mettre cette maxime en action. Donner du temps à la politique, c’est s’autoriser la réflexion qui conduit à prendre les bonnes décisions lorsque c’est le moment de les prendre. Ces derniers mois, les indépendantistes en ont singulièrement manqué, ainsi en se lançant à corps perdu dans la conquête de l’usine du Sud, ou bien encore en faisant chuter le gouvernement Santa pour se montrer ensuite et pendant six mois, incapables de se mettre d’accord sur le nom d’un président. Six mois d’inaction qui ont pesé lourd dans la mise en place d’une stratégie de lutte contre la Covid. Il est logique de penser que, dopés par les résultats de la consultation de 2020, les indépendantistes ont fait preuve de précipitation en exigeant la tenue rapide du 3^ème référendum et qu’ils commencent à le regretter. En six mois en effet, une série de faits et d’évènements, à commencer par le conflit UC-Palika au gouvernement, a mis à mal l’hypothèse d’une victoire du OUI le 12 décembre. La publication du document de l’État sur les conséquences du Oui et du NON dans ce qu’il a de réel et de pragmatique, a secoué les consciences indépendantistes et l’arrivée du variant Delta n’a rien arrangé. Les conditions dans lesquelles la Nouvelle-Calédonie se trouve aujourd’hui prouve à tous et à chacun que sans l’aide de la France, le bilan humain serait plus tragique encore et que donc, la Nouvelle-Calédonie indépendante n’aurait pu faire face. C’est parce qu’ils savent que les risques de perdre cet ultime rendez-vous électoral sont grands, que les indépendantistes en exigent le report, et tous les prétextes sont bons, y compris d’en appeler aux morts.

Les morts à la rescousse

Les indépendantistes n’ont aucun motif politique à opposer à la tenue du référendum le 12 décembre, il a donc fallu trouver autre chose. Et donc la pandémie. Comme il en a été question lors de la séance du congrès du 12 octobre, notamment par la voix d’Alosio Sako. Pour les indépendantistes l’épidémie met à mal le système sociétal océanien dans ce qu’elle empêche de respecter les us et coutumes en matière de deuil et d’accompagnement des défunts. C’est très précisément ce que Louis Mapou assurait dans un interview aux Nouvelles Calédoniennes, « tous les jours, déclarait-il, nos gens enterrent leurs morts dans des conditions qui ne permettent pas de respecter les règles qui régissent le système coutumier et familial. Dès lors, comment peuvent-ils être concentrés sur un référendum dont les enjeux sont colossaux pour l’avenir, c’est le dernier. »

Dans la même veine, l’UC, dans un communiqué intitulé « Report pur et simple de la consultation référendaire », a réclamé que « pour un référendum apaisé, pour un référendum qui ne sera pas contesté, estime l’UC, nous demandons solennellement qu’un report soit acté dans le 2ème semestre 2022. » Sans oublier le Sénat Coutumier qui s’est prononcé en faveur du report, « Parce qu’il va y avoir une période de deuil durant un an », a déclaré son président Yvon Kona.

Ce que personne ne veut souligner évidemment, c’est que si les leaders indépendantistes et les responsables coutumiers avaient incité leurs gens à se faire vacciner dès le début de la campagne vaccinale (entamée en janvier dernier !), sans doute n’en serions-nous pas dans cette situation. Mais à l’époque, comme en témoignent de nombreux post Facebook qu’il suffirait de compulser, le virus dont nous étions alors épargnés, était considéré comme une « maladie de blancs » dont il n’y avait pas à se préoccuper. Les non-indépendantistes ont contesté le prétexte choisi par les indépendantistes pour demander le report de la date du référendum à septembre 2022, le temps nécessaire pour les indépendantistes de se refaire une santé politique.  « On veut ce référendum pour redonner de l’espoir aux calédoniens, a ainsi déclaré Sonia Backes au congrès le 12 octobre, car cela fait 30 ans qu’on est divisé sur cette question. Ça fait 5 ans qu’on enchaine les campagnes électorales, que voulez-vous de plus en gagnant du temps ? C’est quoi l’objectif ? En quoi la situation aura changé en 2022 ? Le virus on l’a, il est à l’intérieur de la Nouvelle-Calédonie, on va continuer à avoir des morts et ça va toucher tout le monde. Donc pourquoi voulez-vous encore gagner du temps ? Moi j’ai envie qu’on passe à autre chose et qu’on entre dans une autre période. A un moment donné, il faut qu’on arrive à construire la Nouvelle-Calédonie de demain. »

Disons-le tout net, les non-indépendantistes n’admettent pas que l’épidémie et son cortège de drames soient la cause du report d’un rendez-vous démocratique majeure pour l’avenir du pays. C’est ce qui a conduit Philippe Gomès, invité du JT di 9 octobre, a formulé une proposition à laquelle les indépendantistes se sont bien gardés de répondre. « Une demande qui a été faite peut être retirée, a déclaré le leader de Calédonie Ensemble, donc les indépendantistes peuvent la retirer. Ils ne peuvent pas faire porter uniquement la responsabilité de la tenue de ce référendum sur le dos de l’État ou sur le dos des formations non-­indépendantistes. Il faut qu’ils assument aussi l’intégralité de leur responsabilité. Ils considèrent que le 12, ce n’est pas possible à cause de la crise sanitaire, qu’ils retirent leur demande de référendum. »

Vers le boycott

 « J’appelle à ce qu’il n’y ait aucune instrumentalisation de cette pandémie à des fins politiques », a déclaré Sébastien Lecornu, mais son espoir d’être entendu va rester vain, car les indépendantistes iront jusqu’au bout de leur démarche conformément à leur ligne de conduite. Il ne faut donc pas espérer d’apaisement au cas où l’État maintiendrait la date du référendum au 12 décembre. Des troubles ne sont donc pas à exclure, mais l’hypothèse la plus vraisemblable est celle d’un appel au boycott pour soit ruiner les résultats du référendum, comme cela avait été le cas en 1987, soit contraindre l’État à reculer. Cette hypothèse du boycott ne relève pas de l’illusion ni du fantasme, mais fait déjà partie de la stratégie envisagée par le FLNKS et les organismes indépendantistes.