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Valls et les Bisounours

Quand la République invite la société calédonienne à se raconter des histoires. Dimanche 30 mars 2025, à l’Université de la Nouvelle-Calédonie, Manuel Valls a animé ce que les médias subventionnés appellent une “rencontre citoyenne”. En réalité ? Une séance de thérapie de groupe aux allures de fresque LinkedIn. Et vous, qu’avez-vous ressenti ? Une vibration citoyenne ? Un frisson d’inclusivité ? Une envie subite de postuler à un master en médiation interculturelle ?

Ils étaient là. Une centaine de représentants triés sur le volet. Des doctorants aux convictions pluralistes. Des militants associatifs en chemise à fleurs. Des figures de bonne volonté. Des hashtags à la pelle. Quasiment tous adhérents à la Mutuelle des Fonctionnaires. Et au milieu d’eux : l’ancien Premier ministre devenu ministre des Outre-mer par accident historique. Le cadre ? Une salle neutre, des visages tendus mais polis, des échanges convenus, des applaudissements mous. La Nouvelle-Calédonie version PowerPoint.

“Vivre ensemble”, mais sans parler du réel

Dans cette réunion de campus, on a parlé “reconstruction”, “pluralisme”, “droits”, “mains tendues” et “avenir commun”. Pas un mot sur les morts de mai 2024. Pas un mot sur les armes, les pillages, les exodes. Pas un mot sur le lynchage d’un gendarme, les agressions racistes, les squats militarisés, les courriers restés sans réponse. Mais beaucoup de “main toujours tendue vers l’autre”. Beaucoup de “refus de l’individualisme”. Et une grosse couche de positivité algorithmique : LinkedIn en version tropical.

Valls : écoute bienveillante et promesses molles

Manuel Valls a écouté. Il le fait aussi bien que Macron. Il a hoché la tête. Un peu moins bien que Macron. Il a remercié. Il a évoqué “un moment historique”. Il a félicité la société civile d’être là – sous-entendu : de ne pas être dans la rue, en train de bloquer la RP1 ou de brûler un commerce. Il a salué la jeunesse, l’engagement, la diversité. Il a failli dire “start-up nation“, mais s’est souvenu que personne n’a de Wi-Fi dans les squats. Et il a remis à chacun ce qu’il était venu chercher : un sentiment d’existence. Du baume. Mais sur le fond ? Rien. Aucun cadre clair. Aucun engagement. Aucune prise de risque. Juste un bel effet miroir où chacun peut projeter sa version édulcorée de l’avenir.

La fabrique de l’oubli

Cette séquence, parfaitement pensée par les communicants du ministère, sert à une seule chose : faire oublier que la situation calédonienne n’est pas une question de “vivre ensemble”, mais une question de souveraineté, de territoire, de rapport de force. On veut transformer une crise politique majeure en “fracture sociale à réparer par la bienveillance”. On veut faire croire que quelques échanges apaisés peuvent suffire à combler 40 ans de tensions ethno-politiques. On veut soigner une guerre froide avec un pansement inclusionniste.

Le piège de la douceur

Mais attention. Derrière cette mise en scène de paix et d’écoute, il y a un piège. Pendant que les CSP+ font la paix sur les bancs de l’université, Paris écrit l’après sans eux. Pendant qu’on parle de “diversité”, le projet d’accord institutionnel est ficelé. Et pendant que chacun raconte sa Calédonie rêvée, la vraie se reconfigure à huis clos. C’est un peu comme repeindre les murs d’un immeuble pendant que les fondations s’écroulent. Mais avec des pinceaux bio et de la peinture décoloniale.

Le retour des vraies questions

La Calédonie n’a pas besoin de pansements LinkedIn ni de phrases feel-good. Elle a besoin de savoir :

Qui commande ?

Qui décide des frontières et des limites ?

Quel droit s’applique ?

Et surtout : qui protège qui ?

Valls peut distribuer des sourires et des petites bouteilles d’eau. Mais un jour ou l’autre, il faudra bien retourner au cœur du sujet. Et ce jour-là, les Bisounours n’auront plus le micro.

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Hubert B

Hubert B. a rejoint Calédosphère au tout début de l’année 2015. Enfant du pays, il a grandi à Nouméa et a ensuite bourlingué durant près de vingt ans au gré de ses envies et des hasards de la vie. Fils d’une bibliothécaire/documentaliste, il a été tour à tour enseignant, pigiste, formateur mais c’est finalement vers l’écriture qu’il a choisi de revenir. Succinct, précis, parfois laconique, si son style est volontiers direct, ses intérêts sont éclectiques et toujours tournés vers l’actualité. Sa citation favorite : « Le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres »

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ditou
ditou
2 avril 2025 03:29

““Il faut l’être, il n’y a pas d’autre solution. La situation de la Nouvelle-Calédonie est extrêmement difficile. Sur le plan économique, elle est par terre. Il y a une situation sociale qui m’inquiète beaucoup, énumère-t-il : le nombre de SDF qui a explosé, des gens qui se retrouvent sans emploi, des enfants qui ne sont pas inscrits à l’école ou qui ne mangent pas à la cantine, un système de santé qui peut s’effondrer. S’il n’y a pas d’accord politique, la Calédonie va dans le mur”.” https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/avenir-institutionnel-de-la-nouvelle-caledonie-manuel-valls-invite-du-journal-televise-de-nc-la-1ere-1574674.html Ces paroles de Valls, ne reflètent pas, la soit disant sortie du gouffre de la… Lire la suite »

ditou
ditou
1 avril 2025 17:16

Valls pas plus doué, que ses prédécesseurs.
Il n’arrive à rien.
Il n’est plus capable d’aboutir à un accord, avec tous les partis.
C’était couru d’avance.
Le temps s’est écoulé, celui de fin mars clairement établi par l’Etat.
Et que voyons nous?.
Valls, qui persiste à demander un accord.
Quand est ce qu’il comprendra, que c’est fini. Il n’y aura pas d’accord, que se soit aujourd’hui ou plus tard. Personne ne cédera.

Clarkounet Gaybeulounet
Clarkounet Gaybeulounet
1 avril 2025 15:55

Valls, Champion du Monde de foutaises.

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