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Subventions médias : le gouvernement Ponga coupe la voix de Djiido

Une ligne budgétaire votée, puis effacée. La radio indépendantiste historique disparaît des aides publiques, tandis que RRB et Caledonia sont confortées. Entre peur politique et absence de critères, le pouvoir redessine le paysage médiatique.

Le communiqué est tombé mercredi soir dernier, discret comme une note de service. Sous l’ultime présidence de Thierry Santa, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie « adopte 16 arrêtés » et « émet deux avis ». Une phrase, pourtant, manque à l’appel : la ligne de 39 millions de francs destinée à Radio Djiido. Elle figurait bien au budget primitif 2025, voté en mars par l’ensemble des élus. En octobre, elle s’est évaporée. Sans débat. Sans explication.

De la radio de lutte à la radio-radioactive

Djiido n’est pas n’importe quel média. Née avec les accords de Matignon, gérée par l’Union Calédonienne, la radio a longtemps incarné la voix de la cause indépendantiste. Pendant l’insurrection de mai 2024, elle a rouvert ses micros aux quartiers, aux militants, aux colères. Des émissions en direct ont franchi la ligne : les appels à la mobilisation ont glissé vers les mots d’ordre. Quelques semaines plus tard, sa directrice est placée en détention. Djiido, naguère symbole de parole libre, devient soudain synonyme de désordre.

Quand les flammes se sont éteintes, le soupçon est resté. Les services de renseignement voient dans la radio un foyer d’agitation, Paris parle de “responsabilités éditoriales”, et la méfiance s’installe jusque dans les services du gouvernement.

Bakou : le détour qui coûte cher

En février 2025, l’affaire du Baku Initiative Group enfonce le clou. Deux journalistes ultramarins, l’un de RRB, l’autre de Djiido, sont invités à Bakou pour une “formation” financée par un organisme proche du pouvoir azerbaïdjanais. Le scandale éclate à Nouméa : on parle d’ingérence étrangère, de manipulation, de compromission. Depuis, Djiido est devenue un mot qu’on ne prononce plus trop fort dans les réunions budgétaires.

L’épisode Lagarde

Le 13 août 2025, la scène se déplace au conseil municipal de Nouméa. Par soucis d’économies, Sonia Lagarde annonce une réduction de 20 % des aides municipales à tous les médias, sans distinction : RRB, Océane FM, Djiido. Celle-ci reçoit 0,8 million au lieu d’un million : un effort équitable.

Mais des élus, hostiles à la maire (les élections municipales approchant), dénoncent aussitôt “un financement de la radio de la CCAT”. Lagarde leur répond calmement : “Vous avez voté 39 millions à Djiido au gouvernement.” Silence. Ce jour-là, la gêne change de camp.

Le grand effacement

Fin octobre, quand le gouvernement publie son communiqué, la ligne a disparu. RRB : 39 millions. Caledonia : 13 millions. Djiido : rien.

La décision n’est pas comptable : elle est politique. On efface ce qui dérange. On évite de devoir justifier ce qu’on a jadis validé. En sept mois, une radio passe de bénéficiaire ordinaire à paria administratif.

Océane FM : l’autre visage de l’arbitraire

Pendant ce temps, Océane FM, première radio de la Province Sud en part d’audience, voit ses aides divisées par quatre, puis supprimées. Motif : elle a demandé la publication des critères d’attribution et refusé de signer une convention sans base juridique. Résultat : exclusion du dispositif.

Deux radios opposées, deux histoires inverses, un même mécanisme : le fait du prince. Les élus parlent de « choix politiques », mais dans un système sans critères, le choix devient une arme. On récompense les fidèles, on punit les gênants, on fait taire les indociles. Les budgets deviennent un bulletin de vote.

Et, neuf jours après avoir validé 39 millions pour Radio Rythme Bleu, le membre du gouvernement chargé du budget y endossait le rôle de « grand témoin » du Club Politique — non pour être interrogé, mais pour commenter l’action du gouvernement. Ici, le pouvoir s’invite pour analyser le pouvoir ; le micro revient toujours à la source du chèque.

Un miroir du pouvoir

La crise de 2024 a montré comment le feu se propage. Celle de 2025 révèle comment le pouvoir s’en protège : en coupant le son.

Du reste, ceux qui se réjouissent de voir Djiido effacée du budget se trompent de victoire. Aujourd’hui, c’est une radio indépendantiste qu’on raye d’un trait. Demain, ce sera peut-être un média critique, un syndicat, ou une voix simplement libre. Car dans un système sans règle, nul n’est protégé : tout dépend du bon vouloir du prince.

Et si nous avons, dans ces colonnes, souvent été critiques du positionnement politique de Djiido, se réjouir d’un tel procédé serait une erreur. Car quand la transparence disparaît, c’est la parole officielle elle-même qui perd toute légitimité.

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Hubert B

Hubert B. a rejoint Calédosphère au tout début de l’année 2015. Enfant du pays, il a grandi à Nouméa et a ensuite bourlingué durant près de vingt ans au gré de ses envies et des hasards de la vie. Fils d’une bibliothécaire/documentaliste, il a été tour à tour enseignant, pigiste, formateur mais c’est finalement vers l’écriture qu’il a choisi de revenir. Succinct, précis, parfois laconique, si son style est volontiers direct, ses intérêts sont éclectiques et toujours tournés vers l’actualité. Sa citation favorite : « Le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres »

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Cagou988
Cagou988
14 novembre 2025 10:02

Une incohérence de plus ?
39 millions pour faire tomber la République : le jackpot Djiido – Calédosphère

Du coup, faut accorder la subvention ou pas ?

ditou
ditou
13 novembre 2025 19:48

Si le gouvernement calédonien veut couper les subventions au privé.
Il faut que ce soit toutes les entreprises privés sans exception, et même l’enseignement privé.
Ce qui est valable pour djiido doit être poursuivi pour tous ceux qui profitent des subventions publics à des fins privés.

oups2 x
oups2
Répondre à   ditou
13 novembre 2025 21:14

Tu mélanges tout!!!

ludio
ludio
13 novembre 2025 19:47

Tiens une radio doit vivre de subventions et u syndicat aussi ! Je suis un indécrottable naïf, je m’imaginais qu’un syndicat, par exemple, vivait des cotisations de ses adhérents, ce qui l’incitait à la performance…. Quel imbécile je suis ! Quand à Djido, comment dire. Je vais essayer d’être didactique parce que le niveau intellectuel de l’article est vraiment ras les pâquerettes. Alors voilà, imagine tu reçois de l’argent d’un mécène (on est dans le privé). Et puis quand il t’a fait ton chèque, tu enchaînes les déclarations publiques traitant ton mécène de monstre, d’assassin, le tout saupoudré de racisme… Lire la suite »

Naif
Naif
13 novembre 2025 04:26

Marianne concernant la libération de Boualem Sansal
Début de citation
Après près d’un an derrière les barreaux, le romancier de 81 ans vient d’être gracié et placé dans un avion à destination de l’Allemagne. Une libération pour l’écrivain, qui est par ailleurs malade, mais un échec pour la diplomatie française.
Fin de citation

Encore un échec !!! On ne les compte plus !! Encore 18 mois de macronisme

Michel Antoine
Inforétif
Répondre à   Naif
13 novembre 2025 09:34

Un échec pour l’Etat algérien : un État qui prend un otage devrait être considéré comme en grave échec (ce qui est d’ailleurs le cas ici aux yeux de la majorité des Algériens qui en ont plein le luc de leur dictateur), pas celui, au contraire, que le dit dictateur refuse officiellement de satisfaire.

Electron Libre
Electron Libre
Répondre à   Inforétif
14 novembre 2025 18:08
Electron Libre
Electron Libre
Répondre à   Naif
13 novembre 2025 11:06

Bon alors, le deal c’est :
-l’Algérie nous renvoie BS
-La France renvoie ses OQTF à l’Algérie ?

Alika Antitra
Alika Antitra
Répondre à   Electron Libre
13 novembre 2025 11:16

Electron : “Bon alors, le deal c’est : …

Non, c’est :

-L’Allemagne “fait suivre” Boualem Sansal en France
-La France envoie un (1er) lot d’OQTF algériens en Allemagne, laquelle, compte-tenu de la qualité de ses relations diplomatiques, n’aura probablement aucun mal à les “faire suivre” en Algérie.

CQFD.

(et rebelote avec Christophe Gleizes)

Dernière modification 1 mois plus tôt par Alika Antitra
oups2 x
oups2
Répondre à   Naif
13 novembre 2025 17:25

C’est un échec pour les va en guerre français. On peut toujours menacer mais en face rien n’oblige à obéir.
Encore 18 mois d’échecs à venir avant les échecs des suivants.
Vous êtes pas encore en poste les petits naif. C’a va être long et semé de clous le parcours.

ditou
ditou
Répondre à   Naif
13 novembre 2025 19:57

Un échec cuisant.
J’ai bien peur que la prochaine victime de l’Etat va être la Calédonie.
Les prêts de la Calédonie ne seront jamais transformés en subvention.
Toutes les promesses ne seront pas tenues.
La reprise économique tant décriée va s’éteindre plus vite encore.
Dans le budget 2026, il semble que rien n’est prévu pour la reprise économique.
Cà sent le roussi.
Surtout que 2026, est l’année ou les employés et cadres auront tendance à démissionner.
Non pas par licenciement, mais par ras le bol.

oups2 x
oups2
13 novembre 2025 00:53

Coucou Naïf
T’as vu? Le Sansal est libre.
Ben merde alors!

Lemec Dici
Lemec Dici
12 novembre 2025 17:22

Ne soyons pas naïfs, ceci a été ordonné par l’Etat.

ditou
ditou
Répondre à   Lemec Dici
13 novembre 2025 06:18

La libération de Sansal n’est pas dû à l’Etat français mais à l’Allemagne, qui elle a su négocier sa grâce.
Autant dire que la France plonge encore dans l’incompétence.
Une vrai honte quand on s’aperçoit que les étrangers sont mieux dotés pour négocier.

Michel Antoine
Inforétif
Répondre à   ditou
13 novembre 2025 09:13

La libération de Sansal n’est pas dû à l’Etat français mais à l’Allemagne, qui elle a su négocier sa grâce.”

Ne sois pas ridicule ditou, ce n’est pas une question de “savoir négocier” mais du choix du pays négociateur qui va l’emporter par le dictateur algérien qui veut éviter de perdre la face devant “son” peuple et la “communauté internationale”.

ditou
ditou
Répondre à   Inforétif
13 novembre 2025 19:38

C’est ce que dit la France par l’intermédiaire des journalistes, pour que la France n’apparait pas comme incompétente. La vérité c’est que la France a perdu toute crédibilité. Ce n’est pas en renversant la situation pour s’enlever une épine du pied, que çà va changer la donne. La France n’est plus celle que nous avions connu. La France est mauvaise en relation internationale, elle n’a pas su négocier la paix pour l’Ukraine auprès de Poutine, ni même pour Sansal. Il faut voir la vérité en face et non lire les soit disant excuses pour faire croire que c’est le président… Lire la suite »

Electron Libre
Electron Libre
12 novembre 2025 07:34

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