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FLNKS : la “guerre de 40 ans” ou l’histoire d’un échec

Le FLNKS, fondé en 1984 dans une insurrection sanglante, semblait promis à jouer un rôle historique pour les Kanaks et leur aspiration à l’indépendance. Quarante ans plus tard, en septembre 2024, le départ simultané du Palika et de l’UPM du bureau exécutif du mouvement marque la fin d’une époque. Cet acte, hautement symbolique, fait référence à une parenthèse commencée dans la violence et qui s’achève de la même manière, avec l’insurrection de mai 2024. Entre ces deux dates, une répétition des mêmes erreurs et une incapacité chronique à se renouveler ont conduit le FLNKS à l’échec total. Victimisation, menaces et violences : le cycle infernal des nullos ?

Un cycle de 40 ans : entre insurrections et désillusions

Depuis la découverte de la Nouvelle-Calédonie par James Cook, l’histoire du peuple kanak est marquée par des révoltes cycliques contre l’ordre colonial et la présence française. La période 1878-1917 constitue un précédent marquant pour comprendre les échecs actuels. En 1878, la révolte d’Ataï contre les colons est écrasée par les forces armées françaises. Quarante ans plus tard, en 1917, en pleine Première Guerre mondiale, Jack Angarâa et les siens prennent les armes dans une insurrection qui sera également matée par une répression militaire implacable. Ces soulèvements interviennent souvent lorsque la France traverse une crise majeure : en 1917, la guerre mondiale affaiblit le pays ; en 2024, c’est une crise de régime et une crise de la dette qui fragilisent l’État. Mais malgré ces contextes favorables à l’émergence de mouvements révolutionnaires, les insurrections kanaks finissent toujours de la même manière : par un échec face à une puissance étatique plus forte, plus organisée et mieux armée. Le simple fait que les forces armées françaises comptent plus de soldats sous les drapeaux que la population totale kanak devrait suffire à démontrer que la lutte armée et la violence sont des impasses. Cependant, la période 1984-2024, que l’on pourrait qualifier de « guerre de 40 ans », s’inscrit dans ce schéma. Le FLNKS, au lieu de tirer les leçons du passé, a reproduit les mêmes erreurs stratégiques, mêlant violence, victimisation et absence de vision politique cohérente.

Le cycle infernal : victimisation, menaces et violences

Depuis sa création, le FLNKS s’est enfermé dans un schéma répétitif. Comme le démontrent ses récents communiqués, sa communication repose en premier lieu sur la victimisation, une stratégie visible dans chacune de ses prises de parole. Dans celle du 30 octobre 2024, il dénonce une « justice coloniale » et accuse les institutions françaises de persécuter ses membres. Ces accusations, pourtant contredites par les faits, sont utilisées exclusivement pour se poser en victime d’un système censé être oppressif. À cela s’ajoutent ensuite des menaces, parfois explicites, parfois voilées ; à l’instar de la dernière en date dans ce communiqué du 21 janvier 2025 : « Le FLNKS met en garde les loyalistes revanchards de ne pas reproduire les erreurs du passé ». Il faut dire que Jean-Marie Tjibaou affirmait : « Tant qu’il y aura un Kanak sur terre, il vous emmerdera pour avoir son indépendance. » Cette phrase, dévoyée de son sens originel, est souvent mobilisée par le FLNKS pour justifier une posture de confrontation permanente, l’objectif assumé de nombreux kanaks indépendantistes étant « d’emmerder » leurs compatriotes non-indépendantistes. Un vaste programme. Car à la différence de Tjibaou, qui prônait la paix, ses successeurs ont souvent favorisé des actions destructrices et violentes. L’insurrection de mai 2024 en est l’exemple le plus récent. À l’instar des soulèvements de 1878 et 1917, elle s’est traduite par des actes de violence inouïe et aveugle : incendies, assassinats, pillages et destructions de biens publics et privés. Contrairement aux indépendantistes corses, qui ciblaient naguère exclusivement les représentants de l’État et des intérêts symboliques (résidences secondaires, infrastructures publiques, personnalités), le FLNKS s’est lui retourné contre son propre peuple, appauvrissant davantage la population kanak qu’il prétend pourtant défendre.

Un parallèle troublant avec le FLN algérien

À bien des égards, le FLNKS partage désormais peu de similitudes avec les mouvements indépendantistes de corse ou même des outre-mers français. En revanche, son parcours et ses méthodes rappellent ceux du Front de Libération Nationale algérien (FLN). Comme ce dernier, il a fait de la violence et de la victimisation ses principaux outils. Comme en Algérie, cette posture s’accompagne d’une “rente mémorielle“, utilisée pour rejeter la responsabilité des échecs de leurs « élites » sur la France et les Français. Cependant, l’histoire algérienne offre un avertissement pour l’avenir d’une Nouvelle-Calédonie dirigée par le FLNKS. En 1962, comme la Corée du Sud, l’Algérie retrouvait son indépendance après des siècles d’occupation et de colonisation. Mais soixante ans plus tard, alors que la Corée du Sud, partageant un PIB comparable à l’époque, est devenue l’une des dix premières puissances économiques mondiales, l’Algérie reste l’un des pays les plus pauvres au monde, embourbé dans la corruption, l’autoritarisme et une crise économique endémique. Tels des enfants, la seule excuse de ses élites est d’accuser la France pour se déresponsabiliser. La comparaison est éclairante : si le FLNKS accédait un jour au pouvoir en Nouvelle-Calédonie, avec son manque de vision économique et sa gestion défaillante, il est facile d’imaginer un scénario similaire, marqué par la pauvreté, la dépendance, l’instabilité et le totalitarisme.

Les indépendantistes polynésiens et corses : des leçons oubliées

Depuis quarante ans, les indépendantistes polynésiens et corses ont suivi des trajectoires bien différentes. Les Polynésiens, grâce à une approche exclusivement politique et électorale, ont obtenu des avancées significatives, comme une autonomie élargie et une gestion renforcée de leurs ressources. Avec le recul du temps, il apparait que leur lutte, pacifique et structurée, a permis d’améliorer les conditions de vie de leur population sans jamais briser leur unité. Les Corses, bien que marqués par une histoire de violence, ont su quant à eux limiter leurs cibles aux symboles de l’État et des intérêts métropolitains, sans jamais retourner leur violence contre leur propre peuple. Leur capacité à évoluer stratégiquement, en abandonnant progressivement la lutte armée pour investir pleinement le champ politique, leur a récemment permis d’obtenir un statut de collectivité unique et une reconnaissance acquise de leur identité et de leur langue. Le FLNKS, en revanche, n’a su ni s’adapter ni tirer parti des succès de ses homologues. Il a souvent préféré conclure des alliances douteuses, comme celle avec la Lybie de Kadhafi ou avec l’Azerbaïdjan d’Aliyev, dont l’ingérence est mal vue, même parmi les mouvements indépendantistes nationaux. À la différence des Corses (plus fiers et peut-être plus intelligents), qui refusent de remplacer l’État français par une puissance étrangère, le FLNKS semble tout-à-fait prêt à sacrifier la souveraineté de son territoire à des intérêts extérieurs, amplifiant ainsi son discrédit.

Un leadership médiocre et discrédité

Le FLNKS paie également le prix d’un manque de dirigeants sincères, compétents et visionnaires. L’élection de Christian Tein, incarcéré pour son rôle dans les événements de mai 2024, à la présidence du mouvement, illustre cette déchéance. Tein, loin d’être un stratège ou un bâtisseur, est surtout connu pour avoir orchestré une insurrection désastreuse, qui a coûté des vies, appauvrit le territoire et aggravé les divisions. À ses côtés, Emmanuel Tjibaou, nouveau président de l’Union Calédonienne (UC) et député, incarne le “royaume du vide“. Malgré (ou à cause de) son statut de haut-fonctionnaire et de son héritage familial, il ne propose aucune idée neuve, aucun projet économique, et se contente de réclamer “la pleine souveraineté” et la libération des “prisonniers politiques“. Ce vide idéologique, couplé à une absence totale de programme ou de vision pour l’avenir, ne fait qu’accentuer le déclin du FLNKS dont l’UC et son bras armé la CCAT ont pris le contrôle.

Un mouvement condamné à l’échec

Ce mouvement est en vérité tellement fragile qu’il suffirait à l’Etat de révoquer de la fonction publique territoriale tous ses membres pour que ceux-ci n’aient plus aucun moyen d’agir, coupés qu’ils seraient des fonds publics qui assurent leur subsistance (aucun leader du FLNKS n’étant autonome professionnellement et donc financièrement…) Les départs du Palika et de l’UPM, deux piliers historiques du front, ne sont donc que la preuve ultime de l’effondrement d’un mouvement qui n’a su exister que pour mener deux insurrections ratées, laissant derrière lui une cause défigurée et un territoire fracturé. Que voulez-vous, la richesse d’un territoire et d’une nation dépend avant tout des capacités et du génie de son peuple. Et entre les Algériens, les Corses, les Kanaks et les Coréens, il existe, semble-t-il, quelques petites différences que le temps se charge de mettre en lumière.

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Hubert B

Hubert B. a rejoint Calédosphère au tout début de l’année 2015. Enfant du pays, il a grandi à Nouméa et a ensuite bourlingué durant près de vingt ans au gré de ses envies et des hasards de la vie. Fils d’une bibliothécaire/documentaliste, il a été tour à tour enseignant, pigiste, formateur mais c’est finalement vers l’écriture qu’il a choisi de revenir. Succinct, précis, parfois laconique, si son style est volontiers direct, ses intérêts sont éclectiques et toujours tournés vers l’actualité. Sa citation favorite : « Le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres »

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ditou
ditou
22 janvier 2025 22:01

“FLNKS : la “guerre de 40 ans” ou l’histoire d’un échec” La guerre de 40 ans, n’a jamais existé en Calédonie. C’est une image fausse. La paix y a régnée jusqu’en mai 2024, après la période trouble de 1984. L’histoire d’un échec est plus appropriée. Aujourd’hui on peut dire, que l’échec des accords de Nouméa et l’incompréhension des textes ont contribuer à l’insurrection de mai 2024. Mais la vrai raison de la situation actuelle, c’est la mauvaise foi des indépendantistes. Ils ont signé ces accords et font les surpris aujourd’hui. Certains pensent à l’incompréhension venant des indépendantistes qui ont cru… Lire la suite »

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