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FLNKS : Un projet périmé pour masquer une impasse

Le FLNKS ressort son projet de 2018, comme si trois référendums n’avaient jamais eu lieu. Incapable de proposer une vision actualisée, il entretient l’illusion d’un cap politique pour masquer une impasse. Une gesticulation qui prépare surtout la prochaine crise. Prévisible.

Il est toujours instructif d’observer un mouvement politique en perte de vitesse tenter de masquer son absence de stratégie par une communication de façade. Le FLNKS, désormais dirigé par Christian Tein et Emmanuel Tjibaou, vient d’en offrir un exemple éclatant. Dans un effort de mobilisation – ou de diversion – il a récemment choisi de rediffuser son projet politique de 2018 pour la « Kanaky-Nouvelle-Calédonie souveraine ». Un document rédigé en 2017 et diffusé en 2018 avant les trois référendums, alors que l’issue du processus d’autodétermination restait incertaine. Un projet caduc, vidé de sa substance par trois votes populaires successifs et par l’insurrection de mai 2024, mais qui refait surface aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que le FLNKS n’a plus rien d’autre à offrir. Et c’est une affaire grave.

Le problème, ici, ne réside pas seulement dans le fait que ce texte n’a pas été mis à jour, mais dans la posture même de ses promoteurs. Les nouvelles figures du Front indépendantiste n’attendent visiblement pas de leur base qu’elle lise le document. Ce n’est pas un programme, c’est un élément de langage. Une manière de simuler une direction politique, faute de pouvoir en proposer une nouvelle. La seule stratégie tangible, derrière cette communication et cette mise en scène, est celle du pourrissement. Attendre le moment propice à une rupture avec l’État, en instrumentalisant une colère soigneusement entretenue.

Le FLNKS et le syndrome de la cassette bloquée

Il y a quelque chose de presque tragique à voir un mouvement indépendantiste, qui prétend incarner l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, en être réduit à recycler un document de 2018. Un texte qui ne correspond plus en rien à la réalité politique et institutionnelle. La communication officielle qui l’accompagne tente de justifier cette exhumation en expliquant que ce sont les “éléments de base qui alimentent les discussions actuelles avec l’État français”. Ce qui revient à dire : nous continuons à discuter sur la base d’un projet mort-né.

À lire ce document, une certitude s’impose : ils ne se sont pas relus avant de le diffuser. Certains passages relèvent du contresens historique. En 2018, le FLNKS annonçait déjà qu’il faudrait “respecter le vote”. Mais à l’époque, il partait du principe que le OUI allait l’emporter. Trois défaites plus tard, ce même mouvement exige désormais que la France “respecte la volonté de 2018”, tout en balayant d’un revers de main les résultats de 2020 et 2021. Une contradiction que relève parfaitement le professeur Éric Descheemaeker, dans ses analyses percutantes sur le sujet :

On se demande donc pourquoi l’État s’assied encore avec eux. À part leur dire ‘on sait que c’est ce que vous voulez, ça a déjà été refusé’, on ne voit pas bien de quoi on pourrait encore ‘discuter’ en 2025 (et encore moins ‘négocier’ bien sûr – il n’y a plus rien à négocier) (Éric DESCHEEMAEKER 11/03/24 ; sources : Facebook)

L’universitaire souligne que le FLNKS lui-même n’a jamais respecté l’issue du scrutin, ce qui réduit à néant son argumentaire actuel. Le problème ne se limite donc pas à une simple incohérence. Ce refus de tirer les leçons du passé s’inscrit dans un schéma plus large. Un cycle politique où l’on refuse d’affronter la réalité pour mieux préparer la prochaine crise.

Une stratégie de la rupture déguisée en projet politique

Si le FLNKS diffuse aujourd’hui ce programme figé, ce n’est pas pour convaincre. C’est pour gagner du temps. L’objectif n’est pas de définir un cadre réaliste pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, mais de préparer le prochain moment de rupture. Le refus d’admettre la défaite référendaire alimente, en effet, un cycle d’impasse idéologique où l’on feint de négocier avec Paris, tout en attendant des circonstances plus favorables pour déclencher une confrontation.

L’histoire récente fournit déjà une illustration de ce processus. Après la séquence référendaire, cette dissonance cognitive a conduit aux émeutes du 13 mai. Faute de stratégie, le FLNKS a laissé s’installer une colère diffuse, qui a fini par exploser sans direction claire. Aujourd’hui, nous assistons au même schéma. Ce projet de 2018 ressort des tiroirs non pas comme une feuille de route, mais comme un artifice pour masquer l’absence d’alternative. La question n’est pas de savoir s’il sera appliqué – tout le monde sait que ce n’est pas le cas – mais de maintenir l’illusion d’un cap politique.

Une impasse qui entraîne tout le monde avec elle

Il serait tentant de voir dans cette posture une simple manœuvre interne au FLNKS. Un moyen pour la nouvelle direction de masquer son propre vide stratégique. Mais le problème est plus grave que cela. En entretenant cette ambiguïté, le FLNKS piège non seulement ses militants, mais aussi l’ensemble de la société calédonienne. Il force tout le monde à faire semblant : faire semblant qu’un dialogue est en cours, faire semblant qu’un projet existe, faire semblant qu’une voie vers l’indépendance est encore crédible malgré le verdict des urnes.

Cette situation est un piège, car elle empêche d’envisager une autre issue. Elle contraint le peuple kanak à un perpétuel entre-deux, oscillant entre espoir et frustration, jusqu’à ce que la tension devienne insoutenable et qu’une nouvelle crise éclate. C’est un scénario d’instabilité chronique, où la violence n’est jamais totalement exclue.

Reconnaitre l’impasse, pour en sortir

Les indépendantistes du FLNKS nouvelle génération pensent-ils sérieusement que la France va accorder l’indépendance le 24 septembre 2025 après trois votes négatifs ? Croient-ils sincèrement qu’un projet conçu en 2018, avant que la population ne rejette leur vision à trois reprises, peut encore servir de base aux discussions ? Si oui, ils font preuve d’une naïveté inquiétante. Si non, alors leur stratégie est encore plus cynique : créer un abcès de fixation pour mieux enflammer la situation lorsque le moment leur semblera opportun.

Il est temps d’admettre que les deux visions sont irréconciliables. Ce n’est ni un drame, ni une injustice. C’est simplement la réalité. Et cette réalité doit être acceptée, pour éviter d’entraîner la Nouvelle-Calédonie dans une nouvelle crise artificielle. Il faut voir les choses en face : le FLNKS n’a plus de stratégie, juste une gesticulation. Mais à force de danser au bord du précipice, il risque d’y entraîner tout le monde avec lui. Lisez-les et ouvrez les yeux !

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Hubert B

Hubert B. a rejoint Calédosphère au tout début de l’année 2015. Enfant du pays, il a grandi à Nouméa et a ensuite bourlingué durant près de vingt ans au gré de ses envies et des hasards de la vie. Fils d’une bibliothécaire/documentaliste, il a été tour à tour enseignant, pigiste, formateur mais c’est finalement vers l’écriture qu’il a choisi de revenir. Succinct, précis, parfois laconique, si son style est volontiers direct, ses intérêts sont éclectiques et toujours tournés vers l’actualité. Sa citation favorite : « Le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres »

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ditou
ditou
18 mars 2025 13:55

J’espère, que vous avez fait vos réserves de nourriture.
Dimanche, à ce qu’on m’a dit nos kanaks ont repris les feux sur Nouville et on brulé une maison.
A vérifier l’info.

Lemec Dici
Lemec Dici
18 mars 2025 08:43

Hélas, même si cette analyse intéressante est aussi juste, je doute qu’elle ait un quelconque effet sur les esprits faibles. L’électorat indépendantiste ne voit, ne jure que par « Kanaky », leur aptitude à réfléchir s’arrête bien en-dessous du niveau d’analyse de cet article. Ils n’ont que faire de toute ça, l’actualité contemporaine de la Calédonie nous a montré que dans la tête d’un kanak indépendantiste, ce n’est jamais de sa faute, c’est toujours la faute aux Blancs, aux Loyalistes, à la France etc. La fin d’Aircal à Magenta, peut-être la faillite à venir d’Aircal, ce sera aussi la faute à la… Lire la suite »

oups2 x
oups2
Répondre à   Lemec Dici
20 mars 2025 06:00

il faut dire que le site des blanc dit que les kanaks ont tord. Tu t’attends à quoi comme réaction de leur part. Le calédo blanc dit que leur projet ne vaut plus un clou. Eux te répondront qu’ils te prouveront le contraire y compris par la destruction totale. peut être est ce idiot mais d’un certain point de vue c’est une réaction de défense face à la condescendance des blancs. Et penser que les articles calédosphere aient un effet de lecture salutaire chez eux, là je suis étonné de ton innocence. les Kanaks n’ont aucun intérêt pour calédosphere. La… Lire la suite »

Minie
Minie
Répondre à   oups2
20 mars 2025 10:14

“Le calédo blanc dit que leur projet ne vaut pas un clou ” Pourquoi “le calédo blanc ” ? N’est ce pas un peu réducteur et schématique car Monsieur Ponga, Monsieur Brial, Mme Wateou ,Mme Suvet , Mme Vendegou, élus néo – caledoniens aux origines diverses ne disent pas autre chose à propos du ” projet ” du FNlKS Uc ccat et ses petits satellites. Peut-être que justement ” ce projet ” dont on ne voit toujours pas se dessiner le moindre contenu socio -économique ni sanitaire ni éducatif est -il perçu ainsi comme ne valant pas un clou par… Lire la suite »

JohnDoe
JohnDoe
18 mars 2025 06:02

Excellent article, bravo !!!

ditou
ditou
17 mars 2025 20:24

Au JT de ce soir. Il était question d’ une vidéo insurrectionnel de l’Azerbaïdjan, qui demande aux indépendantistes de se bouger.
Sonia Backes a porter plainte.
A ce que l’on m’a rapporté.
Quelqu’un peut m’en dire un peu plus.

ditou
ditou
Répondre à   ditou
17 mars 2025 20:28
Electron Libre
Electron Libre
17 mars 2025 13:58

Il faut leur ressortir le document sur les conséquences du oui.

le FLNKS a manoeuvré subtilement pour le faire oublier.

ps :
“La seule stratégie tangible, derrière cette communication et cette mise en scèneest celle du pourrissement. Attendre le moment propice à une rupture avec l’État, en instrumentalisant une colère soigneusement entretenue.”

Faut espérer que l’Etat verra la chose venir, cette fois.

Dernière modification 14 jours plus tôt par Electron Libre
ditou
ditou
Répondre à   Electron Libre
17 mars 2025 19:46

“Il faut leur ressortir le document sur les conséquences du oui.”

Celui là même qui nous indiquait qu’il y aurait un référendum en juin et qui n’a jamais eu lieu.

Lemec Dici
Lemec Dici
Répondre à   ditou
18 mars 2025 11:58

Je ne comprends pas ce à quoi vous faites référence.

ditou
ditou
Répondre à   Lemec Dici
18 mars 2025 15:39

Il faut dire, que j’ai une mémoire d’éléphant. Je n’oublie rien.
Je parle de ceci, fin page 44 là où il y a écrit “Avertissement” :

“La déclaration au terme de la session d’échanges et de travail à Paris au 26 mai au 1er juin prévoit l’organisation au plus tard le 30 juin 2023 d’un référendum de projet pour l’approbation des nouvelles institutions calédoniennes. ”

https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/contenu/telechargement/8400/64716/file/Nouvelle-Cale%CC%81donie%20OUI-NON.pdf

Un référendum qui ne s’est jamais tenu. Et qu’on attend toujours.
Un document dont on ne peut pas se fier.

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