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Saint-Louis : ce grand malaise qui nous étreint

Durant ce long week-end, au rythme des informations relayées par les réseaux sociaux, les Calédoniens découvrent effarés l’escalade des violences et les risques de contagion au-delà de la zone de Saint-Louis. Quel pays voulons-nous ?

Tous les habitants du territoire le ressentent : ce qui se passe actuellement autour des évènements de Saint-Louis est très grave. Au premier abord, après un décès samedi au cours d’une opération de gendarmerie, les commentaires ont laissé la part belle aux réflexes velléitaires et aux coups de menton. Trois jours après, alors que des centaines d’automobilistes ont depuis été pris pour cible par des caillaissages – ou pire par des tirs d’armes à feu – alors que des milliers de Calédoniens sont bloqués, empêchés ou victimes de ces débordements, et alors que des vidéos glaçantes enregistrant des échanges de coups de feu se diffusent sur la toile, les commentaires belliqueux ont laissé la place au silence ou à des appels au calme encore trop timidement relayés. La situation, tous les Calédoniens la connaissent. Des jeunes, en majorité originaires de la tribu de Saint-Louis (mais pas que) se révoltent dans la violence depuis la mort de celui qu’ils considéraient comme l’un des leurs. William Décoiré. Un délinquant multirécidiviste évadé de prison, âgé de 23 ans, qui aurait tenté de foncer sur un gendarme au volant d’un fourgon volé. Tué par le chef de patrouille d’une balle dans le thorax, celui-ci est en l’espace de quelques heures devenu un martyr et pour quelques dizaines d’individus particulièrement violents et « hors-système » : il leur faut désormais le venger.

Saint-Louis, c’est l’impuissance

Bloquant la route stratégique du sud, ces individus ont réussi à mettre en déroute les forces de gendarmerie, mal préparées à affronter une véritable guérilla dans un lieu particulièrement difficile à défendre. Dans une vidéo diffusée par un internaute voisin de la zone, on entend d’ailleurs distinctement au loin les feux nourris, les insultes et les cris qui ont émaillé la nuit de samedi à dimanche dernier. Essayant après moult négociations et médiations de faire dégager la route, les autorités n’ont pu que constater qu’une cinquantaine de véhicules avaient été brulés et placés sur la chaussée afin de constituer des barrages. Des dizaines de véhicules dont l’origine ne fait aucun doute : ils proviennent tous de vols et de cambriolages réalisés depuis plusieurs mois par ces mêmes délinquants. Et ils étaient pourtant là : quelque part dans cette tribu coupée du monde. Pire, les Calédoniens ont appris que depuis plus d’un an, le jeune William Décoiré se cachait au vu et au su de tous les habitants de la tribu qui savaient – pratiquement tous – qu’il était un évadé de la prison du camp Est et qu’il avait à son tableau de chasse près d’une vingtaine de condamnation. Sa famille, ses amis, ses proches, les coutumiers, aucun d’entre eux n’a réussi ou n’a voulu le persuader de se rendre à la justice. Ce sont pourtant les mêmes qui aujourd’hui crient justice et évoquent publiquement ou non « une bavure policière », voire « un assassinat ». Et c’est ce torrent d’informations abscons qui créé aujourd’hui le malaise parmi l’opinion publique : tout le monde savait, tout le monde sait, mais personne n’a rien fait.

Saint-Louis, c’est l’impuissance collective de la société calédonienne qui éclate aux yeux de tous. Des élus d’abord. Lesquels se divisent entre ceux qui ne disent rien et ne font rien, ceux qui appellent à la force brute de la loi et partent se cacher au premier coup de fusil (ne sont-ils pas bien silencieux depuis ces dernières 48 heures, c’est-à-dire depuis que la situation est devenue hors de contrôle ?) et enfin ceux qui essaient tant bien que mal à coup de médiations, de rencontres ou de comités Théodule de trouver des portes de sortie au conflit. Si cette méthode à peu d’espoir (mais en existe-il une autre ?), il faut d’ores et déjà reconnaitre le travail d’Eric Gay, le maire du Mont-Dore. Sur le terrain nuit et jour, appelant au calme, conservant son sang-froid, le premier magistrat de la commune fait son job comme il peut. A quelques kilomètres de sa ville, un autre maire, Harold Martin, a lui dû laisser son 1er adjoint se débrouiller. Car le maire de Paita, parti en vacances dans sa propriété de Dubaï n’était pas, contrairement à Willy Gatuhau, sur la RT1 dimanche soir pour essayer avec les forces de l’ordre de rétablir la circulation, laquelle était empêchée par des barrages mis en place au niveau des riz de St-Vincent.

Du côté des indépendantistes, c’est encore pire : Roch Wamytan a tenu lundi matin à soutenir « ses jeunes » en évoquant même – quitte à jeter de l’huile sur le feu – un « assassinat » de la part des forces de gendarmerie. Seul à prendre la parole, Roch Wamytan est une exception dans le monde indépendantiste. Selon un membre de la famille Wamytan, le grand chef de St-Louis aurait en fait simplement peur pour sa peau. Car, selon elle, si l’élu de l’Union calédonienne ne soutenait pas ces individus, ceux-là finiraient un jour par le tuer. Il est vrai que la peur fait dire aux gens bien des bêtises…

Cependant, aucun autre responsable du FLNKS n’a pris la parole publiquement, même pour appeler au calme ou condamner les violences. Si les Calédoniens non-indépendantistes ont les élus qu’ils méritent et ont appris à faire avec, le silence coupable des élus du FLNKS créé également le malaise chez les Calédoniens indépendantistes. Est-ce vraiment cela le pays qu’ils veulent et appellent de leurs vœux ? A l’instar de leurs compatriotes loyalistes, les électeurs indépendantistes s’interrogent sur la capacité qu’ont leurs leaders de mener et de défendre une politique responsable et constructive.

Mais cette impuissance, c’est aussi celle de l’Etat. Il doit maintenir l’ordre et il en est bien incapable. Lors du départ du Haussaire pour Paris, c’est son jeune directeur de cabinet, Yves Mathis, qui a eu la charge de piloter les premières opérations de gendarmerie. Peu de Calédoniens savent et aucun média du territoire n’a jamais souligné que le jeune homme a déjà à son palmarès un mort sur la conscience. C’est en effet lui qui fut, en tant que directeur de cabinet du préfet du Tarn, en charge de la sécurité lors des affrontements de Sivens. Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse, un activiste écologique opposé à la construction du barrage de Sivens avait en effet été tué par un tir de grenade offensive. Il s’agit là de la seule mort causée par les forces de l’ordre durant une manifestation pendant le mandat de François Hollande. Agé de seulement 32 ans, le directeur de cabinet avait ensuite été exfiltré vers la Nouvelle-Calédonie du temps du haussaire Vincent Bouvier. Pour se faire oublier. Ce week-end, le haussaire parti, c’est pourtant à lui que l’Etat a donné la responsabilité de mener les premières opérations à Saint-Louis. Lesquelles ont abouti à ce que 6 militaires soient blessés, dont cinq par armes à feu, avant le retour en catastrophe de Thierry Lataste.

Enfin, l’impuissance des coutumiers rejaillie sur l’ensemble des structures culturelles et hiérarchiques kanak. L’impéritie des responsables coutumiers de la zone, leur incapacité à comprendre la situation et à influer sur son déroulé, le silence assourdissant du sénat coutumier et de son président éclairent parfaitement ce que l’opinion publique – kanak et non-kanak – pense de ces instances. Mais dans le même temps, ceux-là demandent (ou exigent) davantage de moyens financiers et une place plus importante dans le jeu institutionnel. Les indépendantistes s’apprêtent même à demander à l’Etat qu’un membre du sénat coutumier soit membre de droit du gouvernement ! Mais pour y faire quoi ?

Saint-Louis : la solution viendra du peuple

Heureusement, dans tout ce capharnaüm et ce déluge de mauvaises nouvelles, il apparait néanmoins quelques timides preuves d’espoir. C’est bien sûr l’extraordinaire solidarité dont les habitants font preuve entre eux. S’accueillant, se conseillant, se réconfortant et se partageant leurs moyens de locomotion. Les exemples ne manquent pas et ils font honneur au bon sens populaire et aux reflexes spontanées des Calédoniens. Mais c’est surtout ces appels, extraordinairement relayés de la part d’internautes qui – contrairement aux élus – savent semble-t-il trouver les mots justes pour être entendus. Celui mis en ligne ci-dessous, écrit par Wanakam Jacques Eatene, a ainsi été relayé par des milliers d’internautes en l’espace de seulement quelques heures. Avec des mots simples et clairs, il rappelle à chacun que la part de responsabilité est collective et que les coutumiers, les proches du jeune homme décédé ont, eux aussi et avant tout, une part importante de responsabilité dans les évènements que nous subissons tous aujourd’hui.

jacques

Car non, les premières victimes des drames de Saint-Louis ne sont pas que les habitants de la tribu. Les premières victimes, ce sont d’abord les milliers de Calédoniens agressés, bloqués, choqués ou malmenés par ces évènements, qu’ils soient ou non habitants de la tribu, du sud de la commune du Mont-Dore ou d’ailleurs. Mais s’il fallait en choisir une, de plus chimérique, la première des victimes, c’est l’idée même du destin commun. C’est l’idée qu’on pourrait un jour vivre ensemble sur cette terre en se respectant et en ayant pas constamment peur pour ses biens, pour sa vie ou pour celle de ses proches. C’est l’idée du respect de l’état de droit sans lequel il n’y a pas de vie en société possible. C’est la raison d’être profonde de notre malaise à tous. A ceux qui souvent se demandent ce que c’est que d’être calédonien, la réponse est peut-être là, sous nos yeux : il y a ceux qui ne perçoivent pas ce qui se joue actuellement et ceux qui en ont pleinement conscience et dont la mine est grave. Elle est là la ligne de fracture. A Saint-Louis, ce grand malaise qui nous étreint tous.

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La rédaction de Calédosphère

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Erakor
Erakor
7 novembre 2016 01:46

Tout d’abord, qu’il soit blanc, jaune ou noir… Un jeune aussi mal éduqué avec aussi peu de respect pour ceux qui ont vu le soleil avec lui, un jeune délinquant qui ne cherchait que confrontation, conflit et appel à la violence, un jeune qui aurait pu largement s’en prendre à mes proches, pour moi, ne mérite pas qu’on parle de lui. Il fût un temps ou un tel individu n’aurait jamais été accepté dans aucun clan car les valeurs et le respect étaient le fer de lance d’une tribu. Ce jeune ne mérite qu’une chose : qu’on parle de sa… Lire la suite »

Romain
Romain
6 novembre 2016 12:40

On a l impression que tout le monde est nul a chier dans votre article, je pense que l intervention de la gendarmerie aurait du être plus musclée, les calédoniens ont marre de toutes les conneries de Saint-Louis. Comme vous le dite c est une guérilla, il fallait que l état se montre non, ou fallait-il attendre que la tempête se calme toute seule. Sinon le gendarme n a pas tiré par plaisir, il défendait son collègue, le directeur cabinet n a pas déclenché la gachette. Du coup pas assez encore de fermerte donc saint Louis est reparti dans le… Lire la suite »

Floyd
Floyd
5 novembre 2016 17:49

St Louis c’est reparti pour un tour, la route est bloquée de nouveau. Plus personne ne passe.
Découragé….. 🙁

Simla Simla
Simla Simla
Répondre à   Floyd
5 novembre 2016 18:08

Floyd, tu es vraiment surpris ? Moi pas !

XXX
XXX
4 novembre 2016 13:54

Vu sur le site des Nouvelles :

“Aux alentours de 12h30, un automobiliste a perdu le contrôle de son véhicule, au niveau de la tribu de Saint Louis, sur la RP1. À l’heure actuelle, le pick-up noir est encore sur le toit, sur le bas-côté. Aucun blessé n’est à déplorer et la circulation se poursuit normalement.”

Surement un boucan !

ditou
ditou
Répondre à   XXX
4 novembre 2016 14:10

XXX

“Surement un boucan !”

Peut être, mais alors un boucan loupé.

XXX
XXX
Répondre à   ditou
4 novembre 2016 14:23

Naan ! Un boucan est moins dangereux et plus difficile à manier qu’une arme à feu.

tyty
tyty
Répondre à   XXX
4 novembre 2016 14:37

Un tir de 270 ça fait un sacré boucan.

josé Paldir
josé Paldir
3 novembre 2016 22:24

cette histoire est plus grave encore;elle prouve que la solidarité tribale est supérieure à la Loi applicable dans le pays….. de vastes horizons et perspective s’ouvrent et permettent entre autres de comprendre les antagonisme PN /Avec FLNKS /SUD ;sans compter le pognon qui devait venir de la mine…

Mister Eric
Mister Eric
3 novembre 2016 16:21
ditou
ditou
3 novembre 2016 14:18

La vallée de la mort.
Vous connaissez pas? mais si, c’est le nouveau nom de Saint Louis.

http://www.ladepeche.pf/nouvelle-caledonie-on-a-envoyes-vallee-de-mort/

Janloupe Pahune
Janloupe Pahune
Répondre à   ditou
4 novembre 2016 12:16

Je préfère Konarville…

idiencaledo
idiencaledo
Répondre à   ditou
13 novembre 2016 22:25

On peut parler encore longtemps mais l’état devrait prendre ses responsabilités avant que d’autres personnes les prennent à sa place et que cela dégénère, cela commence à bien faire. Quand on voit ce qui se passe à ST Louis on vit dans une zone de non-droit. Alors qu’une fois, passé St Louis, vous avez le droit au racket organisé de l’état pour n’importe quel petit délit il faudrait peut être une justice égale non ! Vous ne pensez pas ? Vive : Liberté… Egalité… Fraternité…

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