Les boules puantes de Descombels

Complaisamment relayées par les Nouvelles-Calédoniennes, les accusations d’Alain Descombels contre un certain nombre d’élus qui, selon lui, auraient profité des largesses de la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris, ont fait du bruit. Problème : ces révélations viennent de sa maitresse, une ancienne employée de la MNC en conflit avec l’organisme. Le chevalier Descombels lave-t-il plus blanc ?

Candidat sans étiquette dans la 1ère circonscription, Alain Descombels, l’actuel vice-président du syndicat des importateurs, a voulu faire le buzz lors d’une conférence de presse au cours de laquelle, conformément à sa promesse de révélations, il s’est livré à des attaques en règle contre un certain nombre d’élus. Il a donc accusé pêle-mêle Philippe Gomès, Harold Martin, Sonia Backès ou encore Roch Wamytan de profiter des largesses accordées par la MNC (Maison de la Nouvelle-Calédonie), lors de leurs déplacements à Paris. Il accuse également la direction de la MNC, sinon de malversations, tout du moins de « gabegie » et Alain Descombels en appelle à la justice :

« J’aimerais que la justice s’intéresse à cette gestion de la MNC, que des personnes aient à se justifier. Et que ceux qui sont concernés remboursent » (LNC-30 mai)

Pour étayer ses dires, Alain Descombels s’appuie sur des documents internes. Ils lui ont été fournis par sa compagne, Carla Oliveira-Antunes, qu’il avait fait embaucher à la MNC lorsqu’il était élu et qui, après en avoir démissionné, a attaqué l’association aux Prud’hommes et d’une autre employée, actuellement sous le coup d’une procédure disciplinaire. Évidemment, certains des mis en cause par le candidat sans étiquette ont réagi, ainsi Philippe Gomès :

« C’est une boule puante, 10 jours avant l’élection, c’est un grand classique de la politique calédonienne, et française, de manière générale » (Philippe Gomès- TNC-29 mai)

Et pour une fois, oui pour une fois, Philippe Gomès et Sonia Backes sont semble-t-il d’accord :

« Effectivement, Alain Descombels balance, entre guillemets, à quelques jours de ces élections, quelques boules puantes, c’est le jeu » (Sonia Backes – RNC- 30 mai)

Et en tout état de cause, les élus ont peu apprécié les déclarations d’Alain Descombels, à l’image de Philippe Michel, l’actuel président du conseil d’administration de la MNC qui a porté plainte en diffamation. Le président de la Province Sud avait en effet commandé un audit au lendemain des douze années durant lesquelles Harold Martin avait dirigé la MNC. Baisse des budgets de fonctionnement de 15%, suppression des voitures avec chauffeurs pour les élus du congrès et fin des cartes bancaires allégrement distribuées dont l’une aurait servi durant la décennie passée à rétribuer des agences d’Escort Girl. A cette époque, lorsqu’Alain Descombels dirigeait Promosud, le nom de la « maison-close » apparaissait d’ailleurs sur les relevés bancaires de la MNC, ce qui faisait tout de même un peu désordre.

Chevalier blanc ?

Durant sa brève vie politique, Alain Descombels a parfois été épinglé pour certains de ses agissements. Ainsi par le mensuel satirique « Le Chien Bleu » qui pointait du doigt ses très nombreux déplacements en métropole (9 en 14 mois) :

« Alain Descombels va en France quasiment tous les mois. Mais que peut-il bien faire là-bas ? Il dira bien sûr qu’il travaille, qu’il prend des contacts au plus haut niveau et patati et patata. Chaque escapade coûte environ deux millions à la province. Entre le billet d’avion (et il ne voyage pas en soute), l’hôtel et les petits frais, le vendeur de machines à laver est l’élu qui coûte le plus cher » (Le Chien Bleu – avril 2006)

Accusé d’avoir dépensé pour ses déplacements personnels 18 millions de francs d’argent public en une seule année, Alain Descombels portera plainte en diffamation, mais il perdra finalement son procès contre le Chien Bleu. Sa gestion de Promosud sera également examinée de près par la Chambre Territoriale des Comptes qui dans son rapport de 2008, soulignera que :

« La chambre a pu observer que, dans le cadre de sa gestion, la société Promosud ne s’est pas dotée d’objectifs et n’a pas hiérarchisé et officialisé ses critères de sélection » (CTC – 13 novembre 2008)

Certains projets ont en effet été sujets à question, comme l’achat du Bético. D’autres ne verront pas le jour comme le centre de thalassothérapie de Serge Blanco. D’autres enfin devront être arrêtés faute de rentabilité comme la ligne Nouméa-Séoul ou la venue d’Air Austral.

Un personnage contrasté

Alain Descombels fait irruption sur le théâtre politique calédonien au début des années 90, lorsqu’avec quelques autres jeunes chefs de petites entreprises, il devient le « bras armé » patronal du RPCR et de Jacques Lafleur, qui veut contrer la fédération patronale (ancêtre du MEDEF) que préside alors Didier Leroux et s’opposer à l’USTKE de LKU. Il est de tous les combats, y compris dans la rue (Conflit Jama Médical, blocage de Ducos), mais il estime ne pas être payé en retour par un Jacques Lafleur qui se méfie de ce spadassin venu de la Réunion et débarqué un beau jour à Nouméa. Descombels rumine sa colère de ne pas se voir confier un rôle politique éminent, aussi il saute sur l’occasion que lui offre l’Avenir Ensemble en 2004 pour passer avec armes et bagages chez l’adversaire du RPCR, et il touche le Graal en étant élu à la province Sud et au Congrès.

À peine élu, il se met en évidence, déjà au travers d’une tonitruante conférence de presse où, comme président de Promosud, il dénonce le « système Lafleur », promettant au patron du RPCR des révélations (déjà) et de l’envoyer en prison ! Les ténors de l’Avenir Ensemble devront calmer ses ardeurs. En 2008, il fait partie de ceux qui suivent Philippe Gomès dans la création de Calédonie Ensemble, mais à nouveau il estime ne pas avoir été payé de ses efforts et de son talent, et la nomination au gouvernement en 2009 de Philipe Germain, qu’il méprise prodigieusement, sera pour lui le coup de pied de l’âne. Parallèlement, des choix économiques peu judicieux, ont fait péricliter les entreprises calédoniennes d’Alain Descombels qui préfèrera s’exiler en Chine pendant quelque temps, avant de faire le retour qu’on lui connaît aujourd’hui. Sollicitant depuis sans succès des aides financières et logistiques du gouvernement pour le développement de ses entreprises basées à Shanghai, sa compagne écartée de la gestion de la MNC, l’ancien président de Promosud a donc décidé de se venger, à 15 jours des élections, en tapant sur tout ce qui bouge. Quoi qu’il en soit, les élections passées, l’affaire se réglera devant les tribunaux, mais peut-être avec moins de couverture médiatique… Quoique ?