Un boycott pour de mauvaises raisons

A peine Sébastien Lecornu avait-il tourné les talons que le FLNKS dégainait un communiqué pour annoncer qu’il s’opposerait à ce que le référendum ait lieu le 12 décembre prochain. Et il brandit du même coup la menace ultime du boycott pour obtenir que l’État rebrousse chemin et convoque les électeurs calédoniens en septembre 2022, c’est-à-dire aux calendes grecques.

En politique, et c’est peut-être l’un des derniers champs à l’imposer, les mots ont un sens et les tergiversations du FLNKS n’y changent rien. Les indépendantistes se refusent à parler de boycott, terme dont la connotation dramatique signifie quelque chose pour les anciens qui ont connu les Évènements, et préfèrent parler de « non-participation », mais les mots ayant donc un sens, se refuser à participer au dernier référendum des accords, consiste bien à le boycotter. Mais passons sur la sémantique et intéressons-nous au fonds pour nous apercevoir quelque peu étonnés que le FLNKS ne fait plus mention du tout à la situation sanitaire pour justifier sa demande de report du référendum. Pourtant, les premières justifications pour expliquer qu’il ne serait matériellement pas possible de faire campagne et que le peuple aurait d’autres soucis en tête, c’était bien parce qu’il fallait le temps d’enterrer les morts et de respecter la période du deuil !  Pourquoi avoir donc abandonné le prétexte sanitaire ? Pour deux raisons et la principale est que les indépendantistes savent bien que si l’on en est là c’est parce que les Océaniens, en particulier les kanak, ne se sont pas fait vacciner lorsque la campagne de vaccination a été lancée en janvier dernier. Et encore aujourd’hui, les mêmes sont réticents à se faire vacciner (voyez ce qui se passe aux Loyauté) ou se contente de ne recevoir qu’une dose ce qui ne sert à rien. Il suffit d’entendre les appels au secours lancés par les municipalités comme Houaïlou ou Poum qui s’inquiètent du faible taux de vaccination. L’autre raison est que malgré tout, la situation s’améliore. Doucement, péniblement, mais elle s’améliore.

La parole de l’État

On peut lire et relire le communiqué du FLNKS en date du 20 octobre, on ne parvient pas à saisir les motivations de l’appel à la non-participation, sinon qu’on y dénonce « l’entêtement » de l’État à vouloir maintenir le scrutin au 12 décembre. Mais en réalité, le FLNKS n’explique pas vraiment ce qui le pousse à exiger le report à septembre 2022 du référendum. Donc toutes les explications sont sur la table, y compris celle que les indépendantistes savent qu’ils ne peuvent gagner cet ultime rendez-vous, et que ça en sera alors fini avec la revendication d’indépendance avant longtemps. Alors perdu pour perdu, les indépendantistes retrouvent leurs réflexes d’antan qui autrefois ont conduit aux drames que l’on sait, et menacent et tempêtent. Alors maintenant évidement, on attend la parole de l’État. Durant son séjour calédonien Sébastien Lecornu a été clair : « si l’épidémie repart, a-t-il maintes fois déclaré, si on doit reprendre des mesures de confinement, si la situation hospitalière est tendue, si les mesures barrières sont telles que la campagne ne peut se faire, il est une évidence que ça sera reporté. » A l’heure actuelle, la situation n’est pas hors contrôle et a priori sur le plan sanitaire rien ne s’oppose à la tenue d’une campagne et du scrutin. Mais en définitive tout dépend de la capacité et du courage de l’État à ne pas céder au diktat du FLNKS et à ses menaces. « Le bureau politique du FLNKS, souligne en effet le communiqué du Front, s’inquiète des lendemains d’une consultation qui, si elle est contestée, n’apportera pas la sérénité nécessaire pour la poursuite de discussions consensuelles sur l’avenir institutionnel du pays », il faut lire là à n’en pas douter, l’annonce de troubles futurs au lendemain d’un référendum dont les indépendantistes ne veulent plus. Emmanuel Macron, à qui reviendra la décision de maintenir ou de reporter la consultation référendaire, est-il prêt à subir des tensions et des troubles en Nouvelle-Calédonie à cinq mois des élections présidentielles ? On devrait être fixé maintenant assez rapidement sur l’orientation que choisira le Chef de l’État.