Tribu de St-Louis : les 4 solutions envisagées par l’Etat

Alors que les effets de la crise insurrectionnelle n’en finissent pas de se faire ressentir sur l’ensemble du tissu social calédonien, le rétablissement de la sécurité dans l’archipel reste l’objectif principal des forces de l’ordre. Après s’être réapproprié le terrain, la libération du sud du Mont-Dore représente le principal objectif des forces de l’ordre. Pour cela, l’Etat envisage plusieurs solutions qui seront étudiées par le Président de la République la semaine prochaine. En confiance et en responsabilité.

Après la phase de réappropriation puis de consolidation et de stabilisation, l’étape de la normalisation passe par l’élimination des derniers « points durs » de l’insurrection démarrée le 13 mai dernier. Exception faite du Nord-Est de la Grande terre, le principal de ces points durs se situe encore à la tribu de Saint-Louis, dans la commune du Mont-Dore. Selon Sonia Backes, présidente de la Province Sud, c’est d’ailleurs le premier sujet qu’elle aurait abordé lors de son dernier entretien avec Emmanuel Macron. Le Chef de l’Etat lui ayant confirmé qu’il présiderait lui-même une réunion consacrée à ce sujet à la mi-septembre. A cette occasion, l’Etat examinera l’ensemble des solutions permettant de libérer la route territoriale et, ainsi, les près de 14 000 Calédoniens qui habitent au sud de la tribu. Ceux-ci y sont en effet bloqués depuis quatre mois. La mission est complexe, car comme l’avait révélé le commandant du groupement opérationnel du maintien de l’ordre, les gendarmes font face dans cette partie du territoire à une « forme de guérilla, avec un mode d’action qui est celui de combattants », lesquels sont armés et souhaitent « se payer un gendarme ». En effet, le meurtre du jeune gendarme Nicolas Molinari est dans tous les esprits ; celui-ci ayant été tué d’une balle en pleine tête alors qu’il avait enlevé son casque de protection pour discuter avec des habitants de la tribu…

« Avant la crise, il y avait déjà des caillassages, des tirs et des car-jackings aux abords de Saint-Louis. Mais aujourd’hui, cette zone reste en effet un point dur. Notre objectif est de reprendre pied sur le terrain et de sécuriser la circulation sur cet axe (…) Sur toutes ces opérations, on a été systématiquement pris à partie par arme à feu, de manière très violente (…) C’était à balles réelles et avec du gros calibre. Le secteur de Saint-Louis reste très dangereux (…) On est sur un adversaire qui est hyper mobile, hyper agressif, qui nous tire dessus à balles réelles, sans qu’on n’ait jamais pu le localiser et l’identifier (…) Ils ont des postes de tir qu’on a pu identifier, des armes à feu qui circulent et une structure qui est très militarisée. On est sur des adversaires entraînés car ils font des tirs très précis, même à plusieurs centaines de mètres de la cible (Colonel Cédric ARANDA, 14/08/24 ; sources : NC1^ère) »

Aussi, afin de sécuriser la zone et, en même temps, de fluidifier la « circulation frontalière » entre la commune du Mont-Dore et la tribu de Saint-Louis, l’Etat dispose de plusieurs solutions censées être pérennes. Les voici présentées, de la moins probable à la plus envisageable :

1/ La voie de contournement : le viaduc de 4 km

Il s’agit comme son nom l’indique de contourner le problème. Le projet est aussi connu et aussi nébuleux que le fameux tunnel sous le col de la Pirogue. Il prévoit de relier le Vallon-Dore à Boulari en partie par la mer afin de contourner la route longeant la tribu de Saint-Louis en construisant un viaduc de près de 4 kilomètres de long. Les études portant sur cette voie de contournement figurent d’ailleurs parmi la dizaine d’opérations inscrites au contrat de développement 2024-2027 entre la province Sud et l’Etat, dont la participation devait initialement s’élever à 75 % du financement. Or, si cette solution est la plus sûre mais aussi la plus créatrice d’emplois et de croissance, elle est surtout la plus chère. Son coût étant estimé à 60 milliards de francs CFP, soit 500 millions d’euros.

2/ La tranchée couverte ou le quasi-tunnel

Seconde solution sur la table de l’Etat et mis en avant par le génie civil, il s’agit de creuser sur plusieurs kilomètres une tranchée peu profonde (de la Coulée jusqu’à Boulari) et de recouvrir ensuite celle-ci afin d’en faire une sorte de tunnel. Si le prix au kilomètre est moindre que pour la construction d’un viaduc passant par la mer, on ignore encore le coût global du projet, aucune étude n’ayant été pour l’heure engagée. Pour autant les services de l’Etat l’estiment déjà à quelques dizaines de milliards de francs (environ 100 à 250 millions d’euros). Cette solution serait, selon le génie civil, plus facile et plus rapide à réaliser que la précédente, cependant, elle présente un inconvénient majeur : un tel tunnel nécessiterait en effet l’établissement pérenne de deux check-points militaires de sécurité, l’un à l’entrée et l’autre à sa sortie. Comme dans les zones de conflit…

3/ L’opération militaire et le transfert de la population de Saint-Louis

Lors des conflits, il n’est pas rare que des populations soient déplacées et ce afin d’assurer la sécurité du plus grand nombre. L’histoire de la Nouvelle-Calédonie n’est d’ailleurs, aussi, qu’une succession de transferts de populations. Les dernières en date étant les migrations (libres) des populations des îles Loyauté vers le Grand Nouméa ou encore le transfert (forcé) de la population wallisienne et futunienne qui habitait naguère à l’Ave Maria, précisément dans la zone de St-Louis. Car si 1420 personnes se disent appartenir à la tribu de St-Louis, elles ne sont en vérité que 800 à y vivre quotidiennement (la tribu ne comprenant, selon l’ISEE, qu’un peu plus de 400 ménages répartis dans 409 habitations). Reste qu’une telle opération nécessitera des moyens militaires conséquents et un coût en vie humaine important. Pour l’heure, l’Etat-major Français estime à 40 le nombre de morts causées par une reconquête militaire de la tribu (soit entre 20 et 60 morts, dont 80% de personnes originaires de la tribu et parmi elles la totalité des 35 individus déjà identifiés comme armés et dangereux. Les pertes chez les forces de l’ordre sont, elles, estimées à 10 à 20% soit une demi-douzaine de victimes) Si cette solution apparait comme la plus violente et la plus chère humainement, elle est aussi la plus économe pour les finances publiques puisqu’une balle coute beaucoup moins chère qu’un kilomètre de tunnel. Reste que, politiquement, comme lors de l’opération Victor à Ouvéa, seul le Président de la République peut prendre cette décision et en endosser la responsabilité.

4/ Le T-Wall : le grand mur de chaque côté de la route

“Build the Wall !” avait coutume de dire Donald Trump lors de la campagne présidentielle de 2016 en évoquant le mur qu’il s’apprêtait à construire à la frontière entre les USA et le Mexique (long aujourd’hui de 1300km, les travaux actuels d’extension devraient l’allonger de 1 120 km entre la Californie et le Texas). La dernière solution sur la table est quasiment la même : il s’agit de construire un mur en T (appelé T-Wall) de chaque côté de la route territoriale menant au sud du Mont-Dore. Il s’agit de murs en béton en forme de T, de 4 à 7 mètres de hauteur, très rapide à construire et à installer. Cette super-palissade, existant dans les zones de conflit, est en effet censée être efficace contre toutes les intrusions et les « armes à faible trajectoire ». C’est la solution choisie par l’Egypte et Israël pour sécuriser les routes les reliant à la bande de Gaza (à la différence près que les leurs sont munis de capteurs, de mitrailleuses télécommandées, de miradors tous les 2 kilomètres ainsi que de barbelés dans les trois zones où la frontière passe à côté des colonies israéliennes). Il s’agit là de la solution la plus simple à mettre en œuvre et elle est bien moins chère que les autres constructions citées précédemment. Autre avantage à noter : cette solution permettrait de créer une vaste surface de « mur d’expression » pour la jeunesse de St-Louis qui pourrait (de son côté du mur) peindre celui-ci et ainsi exprimer son ressenti quant à la situation.

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