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L’Australie, un pion sacrifié sur l’échiquier américain ?

En septembre 2021, l’Australie a rompu brutalement le fameux « contrat du siècle ». D’une valeur de 56 milliards d’euros, il fut signé avec la France pour la fourniture de 12 sous-marins conventionnels. Une annulation au profit d’un accord avec les États-Unis et le Royaume-Uni sous le pacte AUKUS. Cette décision a non seulement déclenché une crise diplomatique majeure avec Paris, mais elle a aussi révélé un manque de vision stratégique des élites australiennes.

Une trahison stratégique qui coûte cher

Aujourd’hui, trois ans plus tard, il apparaît clairement que Canberra s’est non seulement aliéné un allié historique, mais qu’elle s’est aussi piégée dans un programme militaire coûteux, incertain et qui pourrait la laisser sans capacités sous-marines crédibles pendant plusieurs décennies. L’Australie, en trahissant la France, a fait un pari risqué qui ressemble de plus en plus à une erreur aux conséquences stratégiques désastreuses. Cet « allié » au sein de l’OTAN se présente comme une nation indépendante et souveraine, mais en matière de défense, elle agit de plus en plus comme une province stratégique des États-Unis. Car en choisissant AUKUS, elle a non seulement opté pour un système de sous-marins nucléaires totalement hors de sa maîtrise industrielle et technologique, mais elle a aussi renforcé sa dépendance vis-à-vis de Washington. Contrairement aux sous-marins français qui auraient été construits en grande partie en Australie, le programme AUKUS implique une fourniture américaine et britannique, avec des délais qui s’allongent et un contrôle limité de Canberra sur le processus. Dans les faits, l’Australie a remis son avenir militaire entre les mains des États-Unis, qui peuvent à tout moment reconsidérer leurs engagements. Déjà, le programme connaît des retards significatifs, et plusieurs experts doutent que les sous-marins promis seront livrés dans les délais. David Shoebridge, sénateur australien, a souligné en 2024 que les États-Unis pourraient se désengager si leurs propres besoins militaires l’exigeaient, laissant l’Australie sans flotte sous-marine crédible avant au moins 2040.

Un programme hors de prix, une perte de temps inacceptable

L’argument avancé par les défenseurs d’AUKUS est que les sous-marins nucléaires apporteraient une capacité militaire supérieure aux sous-marins conventionnels français. Mais à quel prix ? Le programme est désormais estimé à plus de 360 milliards de dollars australiens, soit six fois plus que le contrat français, un chiffre astronomique qui pourrait mettre en péril d’autres priorités budgétaires du pays. Pire encore, l’Australie ne disposera pas de ses premiers sous-marins AUKUS avant au moins 2030 pour les modèles américains et 2050 pour les sous-marins britanniques. En attendant, Canberra doit moderniser sa flotte vieillissante de sous-marins Collins pour maintenir une capacité opérationnelle minimale, ce qui implique des coûts supplémentaires. Dans le pire des scénarios, l’Australie pourrait se retrouver dans une impasse où elle n’aurait ni les sous-marins français ni ceux promis par AUKUS, tout en ayant gaspillé des milliards de dollars…

Une erreur stratégique qui pourrait coûter cher à l’Occident

En abandonnant le contrat français, l’Australie a non seulement provoqué un froid diplomatique durable avec Paris et Bruxelles, mais elle a aussi envoyé un message inquiétant à d’autres partenaires internationaux : les États-Unis et leurs alliés anglo-saxons ne sont pas des partenaires fiables. Cette trahison pourrait pousser d’autres pays à se méfier de Washington et à diversifier leurs achats d’armement en se tournant vers la France, la Russie ou d’autres fournisseurs. L’histoire a montré que les nations stratégiquement matures savent tirer parti de leurs alliances tout en préservant leur indépendance. L’Inde et la Turquie, par exemple, jonglent habilement entre leurs partenariats avec la Russie, les États-Unis et la France pour garantir leur souveraineté militaire. L’Australie, en revanche, semble s’être jetée aveuglément dans les bras de l’Empire américain, acceptant de devenir un simple rouage dans sa stratégie indo-pacifique.

L’Australie, un État-client vulnérable en cas de conflit ?

Pour nous autres Calédoniens et habitants du Pacifique, ce n’est pas une bonne nouvelle. Loin de s’affirmer comme une puissance régionale indépendante et comme un gage de stabilité dans la zone, l’Australie a démontré qu’elle est avant tout un exécutant des volontés américaines. Cette crise des sous-marins illustre à quel point les élites de Canberra manquent encore de vision stratégique et de maturité dans leurs choix de défense. Ignorent-ils Spengler ? En trahissant la France, ils se sont enfermés dans une alliance déséquilibrée, où ils risquent de payer très cher leur alignement aveugle sur les États-Unis. Dans l’éventualité d’un hypothétique conflit avec la Chine dans le Pacifique d’ici 2030, comment l’Australie compte-t-elle se défendre concrètement ? Sans sous-marins modernes et avec une flotte de Collins vieillissante, elle ne pourra que s’appuyer sur les forces américaines, sacrifiant ainsi une part essentielle de sa souveraineté militaire. Se protéger du « loubard de la classe » en léchant les bottes du plus fort peut sembler une stratégie pragmatique, mais lorsque cela se fait au détriment de ses rares alliés et au prix d’une dépendance totale, cela ne relève plus de la raison mais de la soumission.

L’avenir dira si ce pari sera un désastre total, mais une chose est sûre : l’Australie aurait pu faire un choix plus avisé. Trois ans après, son erreur pourrait bien servir de leçon aux autres nations qui cherchent à préserver leur souveraineté face aux nouvelles pressions impériales de ce XXIe siècle…

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JNC

Ancien journaliste, aujourd’hui à la retraite, JNC a été l’un des tous premiers contributeurs officiels du média. Curieux, travailleur, attentif aux soubresauts de l’actualité, il sait conserver une certaine distance vis-à-vis de ses sujets. Volontiers pédagogue, jamais caricatural, souvent indigné, il conserve intact sa capacité à remettre en question la société calédonienne qu’il connait et décrit au jour le jour. Son crédo : « c’est l’actualité qui décide, pas nous »

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professeur Tournesol
professeur Tournesol
21 février 2025 20:33

Comme quoi l’indépendance, même en étant nombreux et autonome depuis fin longtemps, c’est très difficile à gérer.

oups2 x
oups2
18 février 2025 23:32

Article copicat d’articles parus en métropole il y a un bon moment.
Sans intérêt, problème des australiens. Je suis dur qu’eux ne se préoccupent pas de ceux des caledoniens.

LedZep4096
LedZep4096
18 février 2025 10:58

“L’Australie, un pion sacrifié sur l’échiquier américain ?” Au sujet de l’AUKUS (Australie – Royaume Uni – USA) et “l’affaire des sous-marins australiens” soit, la rupture du contrat, en 2021 concernant la fourniture par la France de sous-marins à propulsion conventionnelle (assemblés en partie en Australie à sa demande) par d’autres, sous la houlette des Yankees et de la Perfide Albion, le ver était sans doute déjà dans le fruit bien avant cette rupture. Le Donald laqué à l’Orange (tiens, tiens… déjà un coup tordu de sa part) en fin de mandat présidentiel en décembre 2020 (le 22 décembre 2020… Lire la suite »

Electron Libre
Electron Libre
Répondre à   LedZep4096
18 février 2025 11:57

Oui, il me semble avoir lu quelque part que les Australiens avaient essayé de profiter de la situation pour faire main basse sur des technologies françaises.

Inforétif
Inforétif
Répondre à   LedZep4096
20 février 2025 01:30

Australie, bientôt le 54 ième état américain, après le Canada, le Groenland et l’Ukraine moins 20%…

Nogius
Nogius
18 février 2025 09:06

Ça veut dire qu’ils ont sacrifié l’Australie juste pour torpiller la France ?

Electron Libre
Electron Libre
18 février 2025 08:53

https://www.rfi.fr/en/international/20241214-former-admiral-urges-australia-go-back-on-aukus-deal-buy-french-subs

Les Australiens ont fait une connerie monumentale, le Submarine Institute of Australia s’égosille pour donner l’alerte depuis !

Dernière modification 19 jours plus tôt par Electron Libre

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