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Transferts : ce qu’on ne vous dit pas (EXCLU)

Dans le cadre de la préparation du transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences dites de l’article 27, le haut-commissaire a lancé des groupes de travail autour de cette question dans le plus grand secret. En fait, l’audiovisuel et l’enseignement supérieur ne peuvent pas être transférés à la Calédonie et personne ne le dit. Explications.

L’évocation de ce fameux article 27 de la loi organique de 1999 fait régulièrement ressurgir des interrogations ou des prises de positions fermes, d’un côté comme de l’autre de l’échiquier politique calédonien. Ainsi, on se souvient de la polémique qui était née en 2013 suite à la venue sur le caillou de Victorin Lurel, alors ministre des outre-mer. Jusqu’à présent, le débat s’est toujours focalisé sur la question de savoir si les transferts prévus par l’article 27 étaient obligatoires ou facultatifs. Les indépendantistes revendiquent la première option, en arguant du fait que le référendum doit porter sur le transfert des compétences régaliennes, ce qui impliquerait que toutes les autres compétences aient été préalablement transférées.

A l’inverse, les non-indépendantistes insistent le côté facultatif du transfert des matières énumérées à l’article 27 découlant de sa rédaction, laquelle indique :

Le congrès peut, à partir de son mandat commençant en 2009, adopter une résolution tendant à ce que lui soient transférées, par une loi organique ultérieure, les compétences suivantes

Ainsi, le congrès pouvant demander ce transfert, a contrario il pourrait également ne pas le demander, cette possibilité dévoilant la volonté du législateur de donner un caractère facultatif à ce transfert.

Transfert ou pas, l’Etat le prépare

Nonobstant ce débat, l’Etat a souhaité se mettre en ordre de bataille sur ces matières, pour être prêt dans l’éventualité où le congrès déciderait de déclencher la procédure. Les services du haussariat ont donc récemment constitué des groupes de travail composés de représentants des groupes politiques au congrès, des signataires et des services concernés. Sans l’annoncer publiquement, ils ont commencé à les réunir de façon régulière. C’est ainsi, par exemple, que ce lundi 23 mars se réunit à 14h au Haut-commissariat le groupe « secret » de travail technique chargé de la préparation du transfert de l’enseignement supérieur.

A l’occasion de ces réunions, plusieurs difficultés sont déjà soulevées, s’agissant notamment du statut des employés de NC1ère, du maintien de leur salaire (qui représente plus de 75% du budget total de la chaine de télévision) ou encore de l’absence d’existence juridique de NC1ère en tant que personne morale, la société RFO ayant été absorbée dans la société anonyme France Télévisions en 2004. Mais une autre difficulté majeure, mettant pourtant en péril la question de ce transfert, n’a pas été évoquée jusqu’à présent.

Au commencement était l’Accord…

La loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie est la traduction juridique de la volonté politique née dans la signature de l’Accord de Nouméa. La valeur de cet accord est telle que le Conseil constitutionnel, institution indépendante chargée d’assurer le respect de la Constitution, l’a intégré dans le « bloc de constitutionnalité », c’est-à-dire l’ensemble des textes ayant la plus haute position dans la hiérarchie des normes en France, dans sa décision 99-410DC du 15 mars 1999 :

(qu’il résulte en effet des dispositions du premier alinéa de l’article 77 de la Constitution que) le contrôle du Conseil constitutionnel sur la loi organique doit s’exercer non seulement au regard de la Constitution, mais également au regard des orientations définies par l’accord de Nouméa

Ainsi, le Conseil n’avait pas manqué d’annuler certaines dispositions de la loi organique qui ne respectaient pas la rédaction de l’Accord de Nouméa, comme par exemple en 1999 celle relatives au nombre de référendum d’auto-détermination, ou en 2009 celles relatives aux modalités du transfert de l’enseignement secondaire.

Or, si l’on procède à une lecture attentive de l’Accord de Nouméa et que l’on s’intéresse plus particulièrement à son point n° 3 relatif à la répartition des compétences, on constate qu’il les distingue de la façon suivante :

– Les compétences nouvellement conférées à la Nouvelle-Calédonie, soit immédiatement (point 3.1.1) soit transférées pendant l’Accord (point 3.1.2),

– Les compétences partagées (point 3.2), appartenant à l’Etat mais exercées en association avec la Nouvelle-Calédonie,

– Les compétences régaliennes (point 3.3) qui restent aux seules mains de l’Etat jusqu’au résultat du référendum.

Et c’est là que le bât blesse : l’audiovisuel (3.2.3) et l’enseignement supérieur (3.2.7) sont des compétences partagées. A la différence par exemple du contrôle administratif des collectivités publiques listé au point 3.1.2 comme étant une compétence transférable, ces deux matières ne devraient donc pas figurer dans l’article 27 de la loi organique !

Le Conseil constitutionnel annulerait de facto ces transferts

On connait la suite : si le congrès votait la demande de transfert, l’Etat adopterait une loi organique qui serait obligatoirement soumise au contrôle du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 61, lequel n’aurait d’autre choix que d’annuler ce transfert. Quid du positionnement du Gouvernement sur le sujet ? En fait, les services de l’Etat sont tout à fait conscients de cet argument imparable. De sources sûres, il est avéré qu’à l’Elysée et au sein des cabinets du Premier ministre et de la ministre des outremers on sait parfaitement que ces transferts seraient annulés s’ils étaient votés par le congrès de la Nouvelle-Calédonie avant le référendum de sortie de l’Accord de Nouméa. Pour autant, les haut-fonctionnaires attentifs au dossier calédonien se gardent bien d’en informer les participants aux réunions préparatoires, préférant jouer la montre et tenter le passage en force. C’est ce que nous a confié en aparté une juriste officiant pour l’Etat :

On sait qu’il y a une contradiction entre l’article 27 et l’Accord de Nouméa. Si le Conseil constitutionnel l’examine, on est cuits : c’est l’Accord qui prévaut. Mais tant que personne ne soulève le problème…

Cette analyse est même partagée par Mathias Chauchat qui, bien qu’ayant choisi de conseiller les indépendantistes, n’en reste pas moins professeur agrégé de droit public et fin connaisseur des institutions de la Nouvelle-Calédonie ; A un article de Calédosphère traitant de l’article 27 publié sur Twitter en octobre 2013, il répondait aussitôt « C’est simple : la loi organique n’est pas conforme à l’accord » :

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Pourquoi ne pas l’avoir évoqué plus avant ? Tout simplement parce que travaillant à l’époque pour l’ancien président du congrès Roch Wamytan il était (et est toujours) contre-productif pour l’Union Calédonienne d’assumer le fait que ces transferts sont impossibles… à moins naturellement de convoquer avant cela le congrès à Versailles et de demander à une majorité de parlementaires de modifier la constitution. Or, François Hollande n’ayant pas la majorité requise, il n’y a pratiquement aucune chance qu’il convoque le parlement (Assemblée + Sénat) avant la fin de son mandat.

Ci-gît l’article 27

Si l’on peut préjuger qu’au plus haut niveau de l’Etat on ne soit pas conscient de ces aspects, il reste peu probable que le Gouvernement Valls et la ministre Pau-Langevin accepteraient l’humiliation de voir leur proposition de loi organique retoquée par le Conseil constitutionnel. La seule explication acceptable réside dans l’attitude plutôt laxiste de l’Etat au sujet de la Nouvelle-Calédonie en général et des revendications indépendantistes en particulier. Un Haut-fonctionnaire, bien au fait du dossier calédonien, évoquait récemment à Paris cette politique du « chien crevé au fil de l’eau », qui pourrait être résumée dans l’expression populaire : « surtout, pas de vagues ! »

Les indépendantistes ont en effet élevé les transferts de compétence de l’article 27 au rang de préalable indispensable au référendum, sur la base de leur interprétation du caractère obligatoire du transfert. L’Etat aurait donc décidé d’avancer sur ces dossiers pour ne pas les contrarier quitte à se retrouver dans une situation juridique inextricable. Interrogé à la radio vendredi 13 mars, Roch Wamytan indiquait lui aussi :

C’est le Parlement qui vote les lois à partir d’un Accord politique. Il y a eu un accord politique de 1998 et dans la foulée il y a ce projet de loi organique de 1999. (…) Si (…) effectivement il y a des problèmes d’interprétation de cette loi organique, auquel cas c’est le politique qui doit le changer (Roch Wamytan)

Transposée à la question de l’article 27, cette petite phrase rappelle à tous s’il en était besoin que c’est bien l’Accord de Nouméa, volet politique, qui doit mener les débats, et non son pendant juridique qu’est la loi organique. Les partis non-indépendantistes quant à eux n’ont pas publiquement soulevé cette contradiction jusqu’à présent. Il est possible qu’il ne l’ait pas fait ne voyant pas l’intérêt politique de le faire à l’heure actuelle. Beaucoup plus probable : ils n’ont tout simplement pas de juristes assez compétents dans leurs rangs pour l’avoir compris…

Reste qu’il serait donc envisageable que désormais – ayant lu ces lignes – les loyalistes changent de stratégie concernant ces transferts « impossibles ». Un changement qu’on pourra peut-être juger au sortir de la réunion des « travaux préparatoires relatifs aux transferts de compétences de l’article 27 » qui aura lieu en petit comité à la résidence du Haut-Commissariat le 26 mars prochain à partir de 9h30. Une réunion que les médias calédoniens seraient bien avisés de couvrir, notamment les journalistes de Nouvelle-Calédonie 1ère s’ils souhaitent savoir à quelle sauce ils vont être, ou non, « mangés » par les responsables politiques locaux…

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Mark Felt

Responsable de projet dans une boite de communication de la place, comme son pseudo « Mark Felt » il est celui qui va permettre de débusquer un sujet et mener l’enquête jusqu’à sortir l’info qu’on ne trouvera nulle part ailleurs. Organisé, méticuleux et jusqu’au-boutiste, il contribue de façon sporadique au média uniquement sur des dossiers sur lesquels il a accumulé suffisamment de documents probants. Son crédo : « J’essaie d’intéresser à ce qui m’intéresse »

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Claire Adèle
Kolere
25 mars 2015 21:14
Claire Adèle
Kolere
25 mars 2015 12:19

Comment ils dansaient en Zoreillie en 1968 ? Hilarant…https://www.youtube.com/watch?v=13c1CeelzH4

Claire Adèle
Kolere
25 mars 2015 11:33

Encore bien mieux:

https://www.youtube.com/watch?v=O8RhZDGLEXM

Bonne journée…

Samael
Samael
Répondre à   Kolere
25 mars 2015 11:43
Samael
Samael
Répondre à   Kolere
25 mars 2015 11:51

Une petite version live, ça passe toujours mieux 🙂 https://www.youtube.com/watch?v=8MYM9OU6cuE

Claire Adèle
Kolere
25 mars 2015 11:30

Rappelez-vous (avant qu’ils ne tournent ‘commercial’):

https://www.youtube.com/watch?v=O8RhZDGLEXM

https://www.youtube.com/watch?v=rqxqyxnuaJg

Claire Adèle
Kolere
25 mars 2015 11:20

Article 27? ADN ? On se moque de nous…
+ organique / + sérieux: Ils viennent bientôt en Australie:
http://www.viagogo.lu/Australie/Billets-de-concert/Fleetwood-Mac-Billets

Claire Adèle
Kolere
25 mars 2015 11:13

Et puisque l’article 27 il a, comme le reste des adn, ‘bon dos’, voici pour se changer les idées: Pour ceux qui ne le sauraient pas (et puisqu’ils ne visiteront pas le caillou) Fleetwood Mac est en Australie prochainement, les Ozis m’ont envoyé ceci (pour les clients d’American Express): FLEETWOOD MAC Pre-sale Region – National Touring as a five-piece for the first time since 1998, one of music’s most enduring groups of all time, FLEETWOOD MAC, will play shows around Australia. We’re thrilled to announce an American Express Card Member pre-sale. This will allow Card Members to access tickets BEFORE the… Lire la suite »

tyty
tyty
25 mars 2015 09:53

Le problème, c’est que : Comme dans tous les pays du monde, la majorité du peuple, toute couleur confondue, n’est pas très futé. La classe sociale la plus nombreuse, n’est pas constitué d’érudits. Cette évidence, les politiciens en sont bien conscient. Ils en usent d’ailleurs avec abondance, car il est très aisé de manipuler les classes sociales les plus basse en leur racontant toutes sortes de boniments. Le but de la manœuvre étant de vanter les mérites d’une idée politique sans en donner les détails et conséquences précises. Si le doute plane, personne ne pourra démentir le bien fondé de… Lire la suite »

DECENNIE
DECENNIE
Répondre à   tyty
25 mars 2015 14:36

trés bien dit tyty.

Samael
Samael
Répondre à   tyty
25 mars 2015 14:42
Samael
Samael
Répondre à   tyty
25 mars 2015 14:43

A nous de leurs montrer qui est le patron 

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