Le contre-amiral donneur de leçons

C’est en tant que Premier ministre démocratiquement élu que, pour la première fois, Franck Bainimarama s’est adressé à la commission des droits de l’Homme de l’ONU, à l’occasion d’un examen de la situation des droits de l’Homme à Fidji. Nouveau visage

Celui qui a été porté au pouvoir, grâce au coup d’état du 5 décembre 2006 et qui fût exclu du Commonwealth et du Forum des îles du Pacifique, a souligné dans son discours devant la commission des droits de l’Homme de l’ONU, les progrès réalisés par son pays ces derniers mois, à savoir le rétablissement de la démocratie et la mise en place d’une constitution qui a mis fin aux discriminations ethniques. Pour le nouveau premier ministre, les habitants de ce petit pays insulaire du Pacifique Sud bénéficient désormais de larges acquis en matière de droits sociaux et économiques.

Chaque citoyen Fidjien a accès à une justice équitable. Contrairement à ce qui s’est passé en Australie et aux États-Unis, par exemple, la colonisation à Fidji n’a pas engendré de dépossession des terres à grande échelle ni de marginalisation des peuples indigènes. (Franck Bairanama)

Il s’est ensuite lancé dans une attaque en règle contre l’Australie, en critiquant la « solution du Pacifique », cette politique d’immigration mise en place au début des années 2000, pour interdire l’entrée du territoire australien à des demandeurs d’asile, en les reléguant sur des îles de la région telles que Nauru ou la base navale de Lambrum en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Si les droits de l’Homme sont universels, aucun pays ne devrait être exempté de les respecter, en particulier lorsque des personnes déplacées, vulnérables, des enfants sont concernés. Pour Fidji, la communauté internationale ne peut plus continuer à fermer les yeux sur ce que l’on considère être l’un des plus grands défis des droits de l’Homme dans le Pacifique. (Franck Bairanama)

Il s’en est ensuite pris à l’ensemble des pays développés, en les accusant de ne rien faire face au changement climatique, les îles du Pacifique Sud étant les premières victimes :

L’échec répété des pays industrialisées à réduire leurs émissions de CO2 représente une menace directe pour les droits humains des personnes qui vivent dans les petits États insulaires vulnérables, comme les îles Fidji. Cela menace même le droit à la vie. L’existence de certains de nos voisins est en danger. (Franck Bairanama)

Le premier ministre Fidjien a ensuite essayé de rassurer son assistance sur le fait qu’il mettait tout en œuvre pour que Fidji reprenne sa place dans la communauté internationale et plus particulièrement en poursuivant ses efforts dans les domaines de la liberté d’expression et des droits de l’Homme, en ratifiant la Convention contre la torture.

Si les discours sont bien présents, la réalité est tout autre. Déjà en 2014 Reporter sans frontière établissait qu’au Fidji il y avait un « problème sensible » avec la liberté de la presse et rappelait que lors des élections législatives de 2014 un blackout avait été imposé par le pouvoir fidjien. Lors de son dernier rapport, Amnesty International établissait un constat alarmant sur la situation des droits de l’Homme à Fidji avec notamment une restriction des droits à la liberté d’expression, d’associations et de réunion pacifique.

Reste à savoir aujourd’hui si Franck Bairanama saura faire oublier le passé pour faire de Fidji un état démocratique à part entière. Saura t’il mener la démarche jusqu’au bout contrairement à Kadhafi ou Bachar el-Assad qui avaient, pendant un premier temps, montré un visage démocratique devant la communauté internationale ?