Louis Mapou : la fin d’une imposture

La chute de Louis Mapou est bien plus qu’un simple épisode de la vie politique calédonienne : elle marque l’effondrement d’une façade soigneusement entretenue, celle d’un politicien dont l’incompétence chronique a fini par causer des dégâts irréversibles. Mapou, c’est le symbole d’une génération de dirigeants qui a confondu pouvoir avec privilège et service public avec parasitisme. “À son terme ton règne est arrivé, et grand temps il était…“

Toute une vie aux frais des autres

Louis Mapou n’a jamais vraiment travaillé, du moins pas comme ceux qui ont un métier et une compétence utile aux autres, ou bien comme ceux qui produisent, entreprennent et innovent. Administrateur est autant sa fonction que sa seule profession. Ne la cherchez pas, il n’en a pas. Fonctionnaire toute sa vie, payé pour moitié par les impôts des Français et pour l’autre par ceux des Calédoniens, il a bâti sa carrière dans les couloirs feutrés de l’administration territoriale calédonienne, un monde où l’efficacité n’est qu’un mot vide de sens. Que ce soit à l’ADRAF ou à la SOFINOR, son bilan est aussi insipide que son sourire de Joker. Mais le plus grave reste sa gestion désastreuse en tant que représentant de la Nouvelle-Calédonie au conseil d’administration d’Eramet, société mère de la SLN. Alors qu’il fut durant dix ans à la fois administrateur d’Eramet, président du conseil de direction de Koniambo Nickel (l’usine du Nord) et directeur de la Sofinor, au début des années 2010, il a constamment voté comme la famille Duval, c’est-à-dire pour le versement des dividendes aux actionnaires d’Eramet, y compris les provinces. Résultat ? Les caisses publiques locales se sont remplies temporairement, mais celles de la SLN se sont vidées. L’entreprise n’a jamais pu investir dans une nouvelle centrale électrique, condamnant sa compétitivité. Mapou, lui, a continué de sourire, ignorant que l’économie repose sur l’énergie transformée et que cette centrale – que la Calédonie n’aura jamais – aurait permis aux usines locales d’être plus compétitives. Mais tous les Louis Mapou du monde, comprennent-ils seulement ce mot ? Et peut-on reprocher à quelqu’un d’ignorer ce qu’il n’a jamais cherché à comprendre ?

Un bilan catastrophique

En tant que président du gouvernement, il atteint des sommets… d’inefficacité. Il est élu il y a presque quatre ans, en février 2021 par les indépendantistes et l’Eveil Océanien via la fameuse « majorité océanienne ». Son premier acte politique est d’engager à son cabinet Christian Tein, lequel restera son conseiller politique jusqu’à son arrestation par les forces de l’ordre en juin 2024…

Concernant l’emploi de collaborateur de Christian Tein au gouvernement, deux hypothèses sont possibles : soit Christian Tein menait ses « missions » au frais du contribuable avec l’aval du président du gouvernement, ce qui fait de ce dernier son complice ; soit les agissements de Christian Tein n’étaient pas sous la responsabilité du cabinet de la présidence (qui ignorait donc ce qu’il faisait) ce qui implique nécessairement qu’il s’agissait là d’un emploi fictif.

Tout comme dans l’affaire Pénéloppe Fillon, il s’agirait alors de recel à la fois sur l’abus de bien social et de détournement de fond public (l’infraction est définie à l’article 432-15 du code pénal).

Reste que, dix mois plus tard, Louis Mapou prononce son discours de politique générale. Avec le recul, il est clair que la Nouvelle-Calédonie va bien mais que sa fonction publique va très mal tout comme son modèle social. Fort de ses 10 908 agents, le gouvernement local court à la ruine puisqu’il dépense plus qu’il ne gagne. De plus, les recettes de l’administration diminuent au même rythme que les départs d’entrepreneurs et de consommateurs s’accentuent (Il faut dire que durant toute la période référendaire et ensuite, les amis de Monsieur Mapou ont réussi à en faire fuir pas mal). Quoiqu’il en soit, les mots creux qu’il prononce ce jour-là s’envolent avec le vent. On ne trouve dans son bilan que des voyages à l’étranger, des demandes financières en tout genre (principalement à l’Etat), une photo avec Joe Biden, le vote de nouvelles taxes et la création de plusieurs nouveaux établissements publics inutiles. Pour lutter contre la dette, Louis Mapou a ainsi créé une Agence de la Dette. Pour lutter contre le chômage, Louis Mapou a créé le tout nouveau Service Public de l’Emploi et du Placement (SPEP). Sous sa présidence, les événements du 13 mai 2024 plongent la Nouvelle-Calédonie dans une crise sans précédent : une perte de 15 à 25 % du PIB, 15 000 nouveaux chômeurs, et la cessation de paiement de la plupart des organismes publics et sociaux. Parallèlement, des scandales éclatent, notamment celui de cet officier de police — fille de son directeur de cabinet — ayant renseigné un responsable de la CCAT durant l’insurrection. Pendant ce temps, Mapou reste fidèle à lui-même : invisible durant le premier mois des émeutes, absent à 80 % des séances du Congrès, et tout aussi absent dans l’action.

Une marionnette entre les mains de l’État

Ironie ultime pour un militant historiquement indépendantiste : Louis Mapou n’a tenu que grâce à l’État français, qui a injecté des millions d’euros pour financer les fins de mois de son administration. Pendant la crise Covid, à la demande de la méchante « puissance administrante », il a défendu et voté l’obligation vaccinale à toutes les calédoniennes et tous les calédoniens âgés de plus de 18 ans, malgré de nombreuses critiques émanent de ses propres électeurs, simplement par suivisme et parce que Paris le lui avait demandé en échange d’un prêt. Trois mois plus tard, le même Louis Mapou votera pour interdire cette obligation vaccinale, laquelle, à ce moment-là, ne lui semblait plus utile. Mais en réalité, son gouvernement n’a jamais été souverain. Mapou a simplement participé à endetter la Nouvelle-Calédonie tout en augmentant les impôts locaux, rendant le territoire encore plus dépendant de la métropole. Sa politique ? Un mélange de passivité et de soumission.

Le mépris du réel

Durant la présidence Mapou, la Nouvelle-Calédonie n’a pas seulement subi une crise insurrectionnelle et économique. Elle a aussi été le théâtre d’une farce politique. Le président désormais démissionnaire a embauché 386 agents supplémentaires* en un peu plus de trois ans. Mapou a en effet laissé ses ministres et ses chefs de services placer des proches (toujours incompétents et parfois un peu méchants), dans la fonction publique locale. Il a été incapable de faire accepter le Pacte Nickel à son propre parti et aucune réforme d’envergure n’a vu le jour, incapable qu’il fut de rallier des majorités à sa cause, qu’elles soient océaniennes ou non. Son style de gouvernance rappelle en fait celui des vieux radicaux-socialistes de la IIIe République, ces politiciens pour qui “ne rien faire” était une stratégie. Mapou est devenu l’incarnation dans notre hémisphère Sud du Père Queuille, affirmant implicitement que “tout problème finit par disparaître faute de solution.” Cependant, Louis Mapou n’est pas seulement un échec personnel. Il est le reflet d’une génération de politiciens : bavards, menteurs, insincères et foncièrement incompétents. Ces dirigeants, souvent issus du même moule bureaucratique, se sont bâti des carrières et des patrimoines personnels avec l’argent des contribuables, tout en laissant le territoire s’effondrer. Sa chute est une leçon. Elle prouve que le réel finit toujours par rattraper ceux qui le fuient. Bien évidemment, on ignore de quel bois est fait l’homme derrière le masque du personnage public. On ne peut que constater que son sourire accompagne souvent tous ses plus gros mensonges ainsi que ses plus belles phrases creuses. Louis Mapou est peut-être un bon mari, un excellent père ou un ami loyal. Cela, le grand public l’ignore et l’ignorera toujours. Mais ce que sait d’instinct l’opinion publique locale, c’est que, en tant que responsable politique, Louis Mapou est un nul. Tous les Calédoniens le pressentaient et, après son passage, ils en ont la confirmation. Bon à peau de balle.

Un contre-exemple pour les jeunes Kanaks

Pour le peuple kanak, Louis Mapou est aussi l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas devenir. Il a trahi leur combat en se transformant en caricature du politicien “franchouillard” de province. Par conformisme, par ambition et par intérêt il s’est totalement assimilé à un modèle très particulier de l’élu républicain français : celui qui échoue sur tout et ne réussit dans rien. Il faut dire que lorsque Louis Mapou est confronté à un problème, il créé une commission. Son impuissance, son sourire, ses promesses vides, et sa gestion désastreuse ont participé à décrédibiliser les revendications d’un camp indépendantiste semble-t-il dépassé par les évènements.

Alors, bien sûr, à court terme, sa chute peut représenter un motif de satisfaction. Cependant, celle-ci est une mauvaise nouvelle pour le territoire et ses habitants. Bien que le personnage soit parfaitement ignoré et inconnu au-delà de notre récif, la chute d’un gouvernement participe à fragiliser l’image d’un pays. Les investisseurs, les touristes et les être humains en général préfèrent la stabilité et surtout la tranquillité au chaos. Annoncée la veille de Noël, cette démission sonne donc comme un coup dur pour la Nouvelle-Calédonie puisqu’elle semble, au regard de l’observateur, s’enfoncer davantage dans la crise. Du côté des indépendantistes, on se prépare déjà à retourner dans le confort d’une opposition victimaire et à faire porter la responsabilité de la situation sur l’Etat et les Loyalistes. On connait déjà d’avance les discours. Du côté des Loyalistes, il est clair qu’on aurait préféré trainer ce gouvernement-zombie jusqu’aux élections provinciales. Sa simple existence démontrant la vacuité du programme indépendantiste. Enfin du côté de l’extrême-centre, on se réjouit certainement de la chute de celui qui fut l’allié d’un temps et d’une autre époque. Car d’ici les élections de novembre 2025, il y a encore quelques places à prendre ici ou là… Que voulez-vous, à Nouméa comme à Paris, le cri du cœur est celui de toute une génération au pouvoir : “Encore cinq minutes, monsieur le bourreau !”

* Selon les données de la DRHFPNC, la fonction publique locale compte 11 294 agents en novembre 2024 pour une masse salariale estimée à 6 milliards XPF mensuelle.