Gomes et Pau-Langevin s’écharpent à l’assemblée

La séance visant à l’actualisation du droit des Outre-mer a donné lieu à une passe d’armes entre le député Gomes et George Pau-Langevin, notamment s’agissant de la future loi de finance 2016. « Scélérat », « conditions mortifères », « inutiles et dangereux », le leader de Calédonie Ensemble n’a pas mâché ses mots et la ministre lui a répondu directement. Palais bougon ?

En proposant l’actualisation du droit des Outre-mer, il s’agissait pour le gouvernement Valls de répondre à quelques préoccupations des différents territoires ultramarins. Concernant la Nouvelle-Calédonie on peut citer pêle-mêle : l’homologation des sanctions pénales adoptées localement, quelques mesures pour renforcer la transparence financière mais aussi la possibilité pour les grandes communes calédoniennes de se doter de « maires-adjoints de quartiers ». Une demande qu’avait effectuée Sonia Lagarde auprès de la ministre, puisque la maire de Nouméa souhaite augmenter le nombre de ses adjoints. De nouvelles règles en matière de vidéoprotection ont aussi été présentées en séance. Mais ce qui a retenu l’attention la semaine dernière, c’est la passe d’armes entre Philippe Gomes d’une part et George Pau-Langevin de l’autre concernant un article entraînant la saisie et la destruction des armes détenues par des Calédoniens :

Le décret en Conseil d’Etat déterminera les conditions de remise, cession ou destruction des armes relevant de la catégorie C et du 1° de la catégorie D qui devront intervenir dans un délai de trois mois ou de deux ans, selon que ces armes ont été acquises avant ou après le 7 novembre 2013, et dépassent le nombre maximal fixé par ce texte (Projet de loi d’actualisation du droit des outre-mer, article 17)

Or pour Philippe Gomes, ce décret serait « discriminant » puisqu’aucun autre territoire de la République n’y serait soumis mais aussi « inutile » car, selon le député « le code de sécurité intérieure donne déjà tous les pouvoirs nécessaires au Haut-Commissaire pour procéder à cette saisie » auprès des citoyens ayant acquis légalement des armes. Pour le leader de Calédonie Ensemble « l’urgence est de faire cesser les troubles causés par ceux qui en détiennent illégalement ». Mais pour la ministre, les derniers évènements liés au conflit des rouleurs démontrent qu’il est « délicat de maintenir l’ordre en Nouvelle-Calédonie ». Une nouvelle preuve que le Gouvernement Valls a peur d’un embrasement sur le caillou lié à des conflits sociaux ? Voire. Toujours est-il que la ministre des Outre-mer a promis de reparler de ce sujet… mais uniquement lorsque la loi sera votée, même si le Gouvernement reste « extrêmement vigilant sur cette question ».

Loi de finances : Gomes compare le Gouvernement à « l’étrangleur Ottoman »

Confronté à des déficits abyssaux, le Gouvernement de Manuel Valls aurait décidé de supprimer pour une année les aides fiscales à destination de l’outre-mer et notamment la défiscalisation.

C’est un message dramatique qui est adressé à l’outre-mer en général, et aux chefs d’entreprise en particulier, à un moment où nos économies sont atones et où l’on a vraiment besoin d’un horizon dégagé et de confiance (Philippe Gomes)

Rappelant pourtant que François Hollande avait promis, lors de son séjour en Nouvelle-Calédonie, que ces dispositifs seraient maintenues au moins jusqu’à 2017, le député a qualifié de « scélérat » et de « mortifère » ce changement de dernière minute. Néanmoins, en répondant au député calédonien, la ministre a cherché a rassuré les parlementaires qui sont nombreux à monter au créneau sur le sujet :

La discussion que vous engagez est un peu prématurée. Je vous trouve néanmoins sévère lorsque vous parlez d’« amendement scélérat » ou de conditions « mortifères ». Ce que nous avons voulu faire, c’est repousser la date fixée à la fin de l’année 2017, dont on nous disait qu’elle était vue comme un couperet. Cette nouvelle disposition nous permettra donc de continuer à instruire des dossiers au-delà de cette date. Il convient à présent (…) de travailler ensemble pour définir le régime qui entrera en vigueur après 2017. Ne pensez pas que nous tirons un trait sur la défiscalisation : il s’agit de nous donner le temps de travailler sur le dispositif à venir (George Pau-Langevin)

Reste que du côté de Bercy, le député a indiqué que les services se montraient pour le moins frileux voire circonspects s’agissant des dossiers financés pour partie via la défiscalisation. (C’est ainsi que, par exemple, l’usine de la SLN compte naturellement sur une aide de l’Etat pour construire sa nouvelle centrale électrique dont le coût dépasse les 800 millions d’euros.) Or, cette attitude fait dire au député Gomes que le Gouvernement Valls joue à « l’étrangleur Ottoman », chargé – silencieusement – de se débarrasser d’une cible qu’on lui a indiquée :

Toutes ces nouvelles contraintes empêcheront ce dispositif de produire des fruits : au total, il aura été maintenu, mais sans que l’on puisse l’utiliser. Je n’hésite pas à dire qu’en la matière le Gouvernement utilise la technique de l’étrangleur ottoman : je songe aux palais d’antan où un étrangleur appointé par le souverain pouvait étrangler sans bruit ceux qui lui étaient désignés (Philippe Gomes)