Harold ou l’éloge de la classe politique

À défaut de mon soutien, Harold fait mon admiration : c’est un créatif plein de ressources. Quand il est chez nous, entre un séjour à Dubaï, une chasse aux canards en Argentine ou un anniversaire au Vanuatu, il lui arrive tout plein de trucs qui font qu’il occupe la Une de l’actualité. Ainsi à un coup de gueule tonitruant dont tout le monde parle succède une mise en examen dont presque tout le monde parle aussi.

C’est aussi quelque part un collectionneur qui chine avec passion les affaires judiciaires. Avec le temps c’est devenu, et ce n’est pas diffamatoire que de le dire, un habitué des prétoires. La classe politique calédonienne connaît quelques trublions qui défrayent la chronique judiciaire, nous pensons tous à Anthony Lecren, mais elle tient en Harold un champion, un porte-étendard. Et s’il ne suscite pas l’envie bien entendu, certains admirent toutefois la dextérité dont il fait preuve pour durer malgré tous ces serpents qui sifflent sur sa tête. Et puis on parle de ces affaires depuis si longtemps !

Au-delà de la galéjade se pose quand même la question de la morale en politique. Certes il y a la présomption d’innocence, quoiqu’Harold a été condamné en première instance dans l’un des trois dossiers dans lequel il est poursuivi, il n’en demeure pas moins que l’accumulation fait débat. Et si l’on veut bien entendre l’argument selon lequel Harold serait la proie de la vindicte de l’État, il y a un pas de géant entre l’entendement et la réalité. Harold a beau tempêter qu’il est cloué au pilori sans preuve, les juges d’instruction ne peuvent à mon sens se succéder à son chevet sans qu’ils n’aient quelques biscuits !

Par ailleurs, Harold est élu. Ce qui dans son cas semble exempter d’avoir à rendre des comptes à ceux qui ont porté leurs suffrages sur son nom. Imaginons comment un pauvre bougre de citoyen, tels que nous le sommes tous, se dépatouillerait en accumulant ainsi mises en examen et condamnation… Serait-ce vivable d’un point de vue moral et judiciaire ? Bien sûr que non. Harold vit donc dans un monde parallèle qui lui permet de s’exonérer de tout ce qu’on lui reproche sans gêne ni honte. Ce qui fait aussi qu’il continue de bénéficier de l’appui du parti politique auquel il appartient et qui semble ne pas s’émouvoir de ses démêlés avec les juges… Comme si la politique affranchissait de tout ! Voilà pourquoi, en ses grades et qualités, Harold demeure à ses postes et envisage toujours d’être candidat aux législatives de l’an prochain.

Même si peut-être Harold sera blanchi, la classe politique calédonienne ne sort pas grandie de ces affaires et le désamour s’accroit entre elle et l’opinion qui n’est pas dupe qu’on la gruge et la méprise. Ça devient compliqué de convaincre que les élus agissent au nom de l’intérêt général et qu’ils ne sont pas tous pourris. Car l’exemple d’Harold participe au mouvement qui veut que l’on mette tout le monde dans le même sac. Triste Calédonie !

Caton