LA COUR DE RÉCRÉ (Saison 2, épisode 1) : PHOTO DE CLASSE.

C’est la rentrée et l’année va être chaude, qu’il a dit Maître François. Je ne sais pas pourquoi il a dit ça, vu qu’El Nino est parti, mais bon. Maître François, qu’on voit sur la photo au premier rang, au milieu, en train de soupirer, il a dit que pour lui, de toute façon cette année c’était la dernière, qu’après il prenait sa retraite, que ça allait bien comme ça.

Toujours au premier rang, juste à côté du Maître, comme chaque année, il y a Gaël. Nous on sait pourquoi il s’assied toujours là, c’est parce qu’il pense que ça va l’aider à être élu délégué de classe. Personne n’ose lui dire que délégué de classe, oui, il l’avait été une fois, il y a fin, fin longtemps, mais que c’était sur un malentendu et que ça n’arriverait plus jamais. Parfois, mais pas trop souvent quand même -il ne faut pas exagérer, Gaël, aouh, il me fait de la peine.

Pas loin, il y a les 4 Philippe, celui qui est debout c’est le chef. Maître François lui a bien dit de s’asseoir, mais le chef des Philippe, il a répondu comme ça, que non, justement c’est fait exprès, que s’il est debout, c’est pour que tout le monde le voit tout le temps et partout, non mais sans blague. Ce qu’il tient à la main, le chef des Philippe, c’est un cigare, en chocolat bien sûr vu qu’on est en CM1. Un des trois autres Philippe, il lui a dit un jour que le chocolat il connaissait bien, qu’il pouvait lui en avoir quand il voulait mais le chef des Philippe, il lui a répondu que son chocolat, il était pas choc et qu’il pouvait se le garder, que lui ses cigares en chocolat il les faisait venir de La Havane, à Cuba. Quand il a entendu ça Maître François il a rigolé en disant que faire du cacao à Cuba c’est ce qu’on appelle un paradoxe et il a écrit le mot « paradoxe » au tableau.

Les deux autres Philippe, ils ont toujours le nez dans leurs cahiers.

Juste derrière, il y a Pierre et Bernard, on les reconnaît facilement, c’est les deux seuls qui ne sourient pas et ils sont habillés avec des vêtements qui ressemblent à ceux des personnages d’une très, très vieille série qu’aime beaucoup ma mamie : l’inspecteur Derrick. À côté d’eux, il y a Thierry, on croit qu’il est debout mais non, il est assis.

Derrière, il y a Harold, qui habite dans une quincaillerie spécialisée dans les casseroles. Faut dire que chez les scouts la casserole, c’est le totem à Harold.

J’oubliais le cinquième Philippe, qui n’est pas dans la bande des quatre, pas du tout, et qui est assis à côté de Gaël. C’est celui qui est habillé en bleu, blanc, rouge et qui a toujours l’air en colère. Gaël, il ne fait pas trop attention à lui et pourtant il devrait, c’est le dernier copain qui lui reste.

Il y a aussi les filles, Cynthia et Virginie qui sont copines avec Pierre, on se demande bien comment elles font et puis il y a les deux Sonia. La première des deux, avant elle était copine avec le chef des Philippe, maintenant plus du tout. Dans la classe, elle est de son côté, à faire ses devoirs. L’autre Sonia, si elle est un peu floue sur la photo, c’est parce qu’elle bouge tout le temps, un coup elle est copine avec Pierre, un coup avec Gaël et le cinquième Philippe, puis à nouveau avec Pierre et là on ne sait plus trop.

De l’autre côté, il y a d’abord la bande à Paulo. Paulo, quand il fait ses exposés, on comprend rien à ce qu’il dit, on entend juste le mot « doctrine » plusieurs fois et après on s’endort. À côté, il y a Victor, avec son chapeau sur la tête. Y’en a qui disent que si Victor il a toujours un chapeau sur la tête, c’est parce qu’un jour les grands du collège lui ont fait une blague en le lui collant sur le crâne avec de la Superglue. Juste derrière Paulo, dans l’ombre, il y a Dédé. On voit qu’il lui dit quelque chose à l’oreille, peut-être que justement il lui cause « doctrine ».

Il y a aussi la bande de ceux qui ne veulent dans la classe que les élèves qui sont arrivés à l’école au début de la maternelle, sinon même pas la peine, qu’ils disent. Parmi eux, il y a Gilbert, Gérard, Daniel, qui, comme Paulo, fait des exposés qui nous font tous dormir très, très vite.

Un peu à côté d’eux mais pas trop loin, il y a Loulou, lui il dit carrément que pour avoir le droit de rester dans la classe, il faut être arrivé à l’école avant même d’être né. N’importe quoi.

Et puis il y a Rocky. Rocky, il pose un gros problème. Il y a quelque temps, il a appris aux petits de la maternelle comment jeter des cailloux sur les gens sans se faire prendre. Et maintenant, les petits qui ont grandi ils font n’importe quoi : les cailloux qu’ils lancent sur nous quand on est à vélo sont de plus en plus gros. Un jour, il y aura un accident, c’est sûr, et, comme à chaque fois, Rocky dira qu’il n’y est pour rien, que c’est de la faute à tous les autres.

Moi, Calédo, je ne comprends pas que Rocky, on lui laisse dire et faire ses bêtises. On dirait que tout le monde a peur de lui. Même le Directeur de l’école, monsieur Latasse, on dirait qu’il a peur de lui.

Finalement, peut-être que Maître François a raison : l’année va être très chaude.

Calcyt.