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BAGARRE GENERALE DANS LA DEMI-LUNE

Francky, j’aime regarder tes interventions, mais là, faut que je te parle. La manière dont tu expliques que la dette c’est de la faute d’une seule loi montre qu’il te manque des choses sur le sujet et cela te fait tomber dans le populisme ambiant qui veut que les créanciers soient les méchants (voir l’instant LEWIS en question). Un certain nombre de créanciers sont effectivement des sales cons mais c’est plus compliqué que ça.

Tu cites un exemple un peu perturbant : avant l’Etat empruntait à taux 0 à la Banque de France. Et tu sous-entends que c’était mieux, parce que grâce à ça la dette n’augmentait pas : pas de taux d’intérêt, pas d’endettement en somme selon toi. Mais au point où tu en es, pourquoi l’Etat devait-il même le rembourser à la Banque de France, cet argent, puisque c’était SA banque ? Puisque c’était SA banque, c’était donc son argent aussi depuis le départ, non ? Je te laisse répondre.
Quant au taux d’intérêt, ils sont très bas depuis plusieurs années et actuellement la France s’endette à 10 ans pour 0,796% , tu ne peux vraiment pas dire que c’est l’intérêt qui est responsable de notre situation.
Pour essayer d’avancer, il faut d’abord parler de la valeur de l’argent. Dans ton discours, finalement, tu considères que l’argent a de la valeur quand on le distribue à la population sous forme de revenus, ou que la population le paye sous forme de loyers ou de dépenses de consommation, mais pas quand on doit le rembourser à la « finance sans visage » après le lui avoir emprunté. C’est tout de même un tout petit peu étrange que l’argent aie une vraie valeur au moment où on l’a emprunté (si on a demandé à ce qu’on nous le prête, c’est forcément pour en faire des choses utiles et importantes, non ?), puis plus aucune quand il faut le rembourser.

En fait si un Etat emprunte, c’est qu’il prévoit des dépenses qu’il ne peut pas payer en une fois, comme tout le monde. Lorsqu’il a emprunté, il doit payer un intérêt ET rembourser ce qu’il a emprunté. Quand l’Etat emprunte 100 balles à 0,796%, il doit rembourser 0,796 balles par an pendant 10 ans, et la dixième année, il doit rembourser les 100 balles. Demande-toi ce qui fait mal : est-ce que c’est les 0,796 balles ou les 100 balles ? Si ça peut t’aider, remplace « balle » par « milliards ». Je te propose une réponse : la France n’a pas trop de problèmes pour trouver 796 millions d’euros par an, mais elle n’a pas 100 milliards. Comme tout le monde avec ses crédits en somme : ce serait tellement plus facile de ne pas rembourser ce qu’on emprunte ! On paye un peu d’intérêts pendant quelques temps, puis on arrête tout quand on en a envie. Merci la finance sans visage. Moi je me demande bien pourquoi quelqu’un voudrait prêter 100 à quelqu’un d’autre pour récupérer 50 à la fin.

Donc quand on emprunte, il faut faire attention à mettre l’argent à un endroit où il va rapporter plus que ce qu’il coûte, pour pouvoir rembourser. C’est une loi naturelle contre laquelle on ne peut rien si ce n’est, comme tu le fais, dire que c’est de la faute des autres. Si un animal dépense plus d’énergie en chassant qu’en mangeant la proie qu’il a réussi à capturer, il meurt. Il ne peut pas renégocier sa dépense énergétique en disant que c’est de la faute de la Troïka, lui !

Mais il faut aussi, pour bien comprendre la valeur de l’argent, se demander ce qui lui confère cette valeur. Qu’est-ce qui fait que 1000 F valent 1000 F ? Ou plus exactement, qu’est-ce qui fait qu’avec 1000 F on puisse se payer quelque chose ?

Cela tient au fait que la personne qui va les recevoir va aussi pouvoir les utiliser pour se procurer d’autres choses ayant une valeur équivalente à ce qu’il t’a vendu. Pourquoi un cordonnier devrait-il vendre toutes ses chaussures à un prix qui ne lui permette même pas de se payer une coupe chez le coiffeur ? Et au final, ce sont les échanges de tous les gens entre eux qui stabilisent la valeur de l’argent. L’argent est donc un instrument qui rend le troc « multilatéral » : avec l’équivalent en argent d’une paire de chaussures je peux me payer tout un tas de choses, je ne suis pas obligé d’attendre de trouver quelqu’un qui a justement besoin d’une paire de chaussures, et qui a justement une douzaine d’œufs frais à me donner. On n’en sortirait pas.
Dès lors, il y-a une certaine quantité d’argent en circulation pour permettre à tous ces échanges d’avoir lieu. Et c’est là que ça devient vraiment trop cool : quand tu empruntes de l’argent à une banque, ou quand l’Etat emprunte de l’argent directement à sa Banque centrale, les banques, elles ne l’ont pas, cet argent : elles le CREENT. Eh oui, les banques ont le pouvoir de créer de la monnaie. La Banque centrale en crée autant qu’elle veut, mais les banques sont obligées de lui en demander à elle.

Et si la banque centrale se met à créer de l’argent pour en prêter des sommes astronomiques aux états, en quoi ça change l’économie du pays ? Est-ce qu’il va y-avoir plus de cordonniers, ou que les mêmes cordonniers vont pouvoir fabriquer plus de chaussures par semaine ? Il y-aura plus de monnaie en circulation, mais pas plus d’échanges économiques. Ça s’appelle l’inflation : la monnaie PERD DE LA VALEUR parce que tout coûte plus cher. Tu n’as plus 1000 F, tu as 10 000 F, mais tu ne peux rien en faire parce que les paires de chaussures sont encore plus chères.
Lorsque les Etats empruntent directement à la banque centrale, on appelle ça « faire tourner la planche à billets ». Si l’Etat ne fait pas des investissements productifs, ou ne donne pas un coup de pouce qui déclenche de l’activité économique, mais se contente de dépenser pour gagner des élections ou financer des guerres (a fortiori si elles sont perdues), la monnaie perd de la valeur et c’est le drame. Parce qu’en plus, personne ne fait plus confiance à la monnaie, qui vaut de moins en moins.

En Allemagne entre 1914 et 1923, l’Etat avait tellement emprunté à SA banque Centrale (d’abord pour financer la guerre, puis pour payer des compensations financières insensées à la France) que la monnaie se transportait par brouettes. L’indice des prix s’était tellement emballé que les restaurateurs faisaient payer plus cher les repas selon l’heure à laquelle l’addition était réglée, ce qui nous semble incroyable aujourd’hui. Pourtant des gens l’ont réellement vécu. Sans qu’aucun pays n’ait jamais vécu de crise hyper inflationniste dans ces proportions – à ma connaissance – plusieurs pays d’Amérique du Sud ont connu des inflations de plus de 1000% par an jusque dans les années 2000. Nous on parle de vie chère avec 2% d’inflation.
C’EST POUR CA QU’ON A FAIT UNE LOI QUI INTERDIT A L’ETAT D’EMPRUNTER DIRECTEMENT A LA BANQUE CENTRALE, C’EST PARCE QUE SINON C’EST LE BORDEL. Les politiques mettent des années à mettre un pays à plat en l’endettant à mauvais escient, mais ils peuvent tuer n’importe lequel en un an s’ils se mettent à imprimer des billets.

Et si la BCE « débarque un jour dans ta vie de lambda pénard », c’est parce que depuis des dizaines d’années les gens pour qui tu votes endettent le pays pour distribuer du pognon à tort et à travers, pour que tu revotes pour eux, notamment à des gens qui en retour ne paient même pas leurs impôts, ou à des gens qui paient leurs impôts mais n’en voient jamais le retour en écoles, en routes ou en hôpitaux parce que leur argent n’arrive pas en totalité dans les programmes publics mais est avalé en route par un système de corruption très étendu.

Donc pour répondre de manière claire, la valeur de la monnaie dépend de la force d’une économie. Et la force d’une économie dépend du travail qui y est fourni. S’il y-a d’ailleurs un sujet sur lequel s’accordent depuis toujours les gens de gauche et ceux de droite, c’est la notion de « valeur-travail ». Des classiques (les ancêtres des libéraux) aux marxistes (les ancêtres des socialistes), la valeur-travail est à la fois perçue comme la source de la richesse des nations et l’objet de la lutte des classes.

Donc la source unique de richesse est le travail, pas les petits chiffres écrits sur le papier des billets de banque. Certains anticonformistes, refusant le diktat de ces penseurs qui avaient le toupet de dire des trucs compliqués sans s’excuser, se sont exilés sur un banc de sable sans rien y faire pour prouver qu’on n’a pas besoin de travailler pour vivre. Ils sont tous morts comme des couillons et la théorie économique a gagné par K.O.

J’espère que tu ne m’en voudras pas de te répondre, mais comme tu l’as si bien dit il y-a quelques années déjà : « pour s’apprécier il faut se foutre sur la gueule. » Viens on barre un coup à la pêche pour discuter de tout ça tranquillement.

P.S. On ne dit pas les « agences d’annotation » mais les « agences de notation ». Et je crois que le prénom du ministre Macron c’est Emmanuel, pas Stéphane.

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Magellan

Magellan est un navigateur. Soucieux de regarder loin à l’horizon pour savoir dans quelle direction aller autant qu’à la verticale de la coque pour éviter les récifs, il observe avec curiosité. Eveillé récemment à la politique par plusieurs tempêtes, il s’interroge sur l’état du navire et sur la meilleure route à prendre. Ouvert à toutes les idées, pragmatique, avec une sensibilité particulière sur les sujets économiques, confiant dans l’équipage mais un peu moins dans la liste des capitaines possibles, il a pris le parti de se donner les moyens d’avoir ses propres opinions… et de les soumettre à la lecture des visiteurs de Calédosphère.

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XXX
XXX
3 août 2015 20:03

@Magellan – J’ai lu votre contribution avec beaucoup d’intérêt. Elle a le mérite de la clarté, celle que donne toute démonstration à vocation pédagogique. La vulgarisation de l’économie n’exclut pas la rigueur des sources et du raisonnement. Mais l’argent est également affaire de passions. Et sur ce point, l’article de ce matin consacré aux résultats des banques en Nouvelle-Calédonie paru dans les Nouvelles ne peut que susciter des interrogations et alimenter les suspicions. Une question simple : en mettant en regard votre contribution et cet article d’actualité du quotidien, qu’est-ce qui peut justifier en terme de “valeur-travail” une telle embellie… Lire la suite »

Emile
Emile
3 août 2015 19:43

M. Magellan, vous me paraissez grand argentier. Mais vous dites beaucoup de bêtises, désolé de vous le dire. Et surtout particulièrement naïf et servile à la cause que vous défendez. Je vous encourage à lire et à vous intéresser à des gens qui ne pensent pas comme vous. Avec un esprit ouvert, ce sera mieux. Certes, Francky est caricatural, mais vous lêtes bien plus que lui, et avec le mépris en plus…

DECENNIE
DECENNIE
3 août 2015 15:55

depuis 73 la France emprunte aux banques privées c’est pompidou ancien banquier et fer de lance de la famille rothschield qui a pondu cette loi aux seul profits des banques privées. les banques privées ne finance pas sur fond propre tout comme la France avant 73 elles empruntent a la banque centrale (a des taux défiant toutes concurences) qui fait “marcher la planche a billet “qui sort l’argent du néant mais plus au profit de l’état mais des banques, ses dettes deviennent eux mêmes des produits financier qui iront encore enrichir ses mêmes banques et la boucle est bouclée.

kakanstyle
kakanstyle
3 août 2015 11:37

« Mais au point où tu en es, pourquoi l’Etat devait-il même le rembourser à la Banque de France, cet argent, puisque c’était SA banque ? » Avec un taux 0, l’Etat (via les impôts) avait juste à récupérer, au mieux, l’argent qu’il avait mis en circulation. Maintenant il doit en plus rembourser (à une société privée) un intérêt qui est complètement fictif. « Quant au taux d’intérêt, ils sont très bas depuis plusieurs années et actuellement la France s’endette à 10 ans pour 0,796% » D’accord mais 0,796% de 10 000 Frs et 0,796% d’un milliard ce n’est pas… Lire la suite »

Inforétif
Inforétif
Répondre à   Magellan
4 août 2015 12:00

“Soral est un ancien communiste passé à l’extrême droite et devenu véhément antisémite. ”
La dernière facétie de Soral :
http://www.rtl.fr/actu/politique/jean-marie-le-pen-a-fete-son-anniversaire-en-compagnie-de-dieudonne-et-alain-soral-7779198637?ref=yfp

Rigoberto
Rigoberto
3 août 2015 10:25

Bravo Magellan, excellente analyse très rationnelle et très claire.
T’as fait ça tout seul ?

lewis
lewis
3 août 2015 08:34

Tu as raison, magellan, c’est emmanuel Macron… Quel étourdit je suis. Méa culpa Maxi géant Magellan. Ne l’ayant pas revu, c’est toi qui m’en fait prendre conscience. En plus, Je crois aussi que je l’ai appelé Stephane dans la revue de Presse de dimanche. J’ai un problème avec les prénoms de riche socialistes. ça avait commencé avec Gérard Moscovicci et Jean Pierre Fabius. lol.. Bon, J’assume et bien fait pour moi ! Concernant la lois de 73,74, beaucoup de gens l’ignorent et mériteraient de le savoir. Le mensonge et la manipulation n’existent malheureusement pas que dans mes rêves ou phantasmes,… Lire la suite »

sendre
sendre
Répondre à   lewis
3 août 2015 20:35

A vous deux vous ferriez du bon boulot suis sûr! Le plus difficile sera de faire taire l’ego! Comme toujours!

Inforétif
Inforétif
Répondre à   lewis
4 août 2015 09:21

“la maltraitance faite à l’humain, contrairement a ceux qui ne se trompent jamais. Je pense au courageux (un faux récif)…”

C’est vrai que, par exemple, prôner l’abandon des vaccinations, ça n’est pas aller dans le sens de “la maltraitance faite à l’humain” …

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