L’UC, ça dit “oui” à Paris et “merde” à Nouméa

Malgré les engagements pris lors du dernier comité des signataires – à Paris – des représentants de l’Union Calédonienne ont demandé – à Nouméa – la radiation de quelques 4000 électeurs, pourtant arrivés avant 1998. L’Union Calédonienne a-t-elle encore une parole ?

Parmi les douze délégués de l’ONU devant participer (à la demande de l’UC) aux commissions administratives, deux d’entre eux n’étaient pas encore arrivés sur le territoire ce mardi. Il n’en a pas fallu plus pour que le parti indépendantiste invoque un « outrage » commis par l’Etat et en profite pour quitter la séance du congrès de ce lundi. En effet, les commissions administratives se réunissent actuellement pour réviser (comme chaque année) les listes électorales et, pour l’heure, un représentant onusien était bien présent dans ces réunions que ce soit dans le Grand Nouméa ou en Province Nord. A la surprise générale, et dès l’ouverture des travaux des commissions, les représentants de l’Union Calédonienne (notamment au Mont-Dore et à Nouméa) ont demandé purement et simplement la radiation de 4000 électeurs des listes provinciales. Le vice-président de l’UC, Gilbert Tyuienon a affirmé hier à ce sujet :

« Sur le sujet, il faut être clair. Le “politiquement clos”, on s’est engagés à ne plus amener le sujet en débat au comité des signataires. Ça ne veut pas dire qu’au moment des réunions des commissions de révision des listes électorales, on va fermer notre gueule (Gilbert Tyuienon sur RRB, le 2 mars 2016) »

Autrement dit : pour ces responsables de l’UC, s’ils se sont engagés à clore le sujet, c’est uniquement à Paris ! En revanche, à Nouméa, le dossier est pour eux toujours d’actualité. Or, ces demandes de radiation sont fondées sur des critères arbitraires, à savoir la consonance des noms ou le lieu de naissance des électeurs concernés (ainsi, vous avez plus de chance de subir une demande de radiation si vous vous appelez Dupont ou si vous êtes né en dehors de la Nouvelle-Calédonie…)

Quand l’ONU tacle l’UC

Cependant, les membres de la « commission politique et citoyenneté du FLNKS et Nationalistes » qui ont préparé le week-end dernier leur modus operandi, ont d’ores et déjà subi une cuisante défaite. En effet, chaque commission administrative est composée de plusieurs représentants : un pour la mairie en question, un pour les loyalistes, un autre pour les indépendantistes et un représentant du haut-commissaire, l’ensemble étant présidé par un magistrat indépendant. A la demande des indépendantistes, un autre participant a été rajouté en 2014 : il s’agit d’un observateur de l’ONU. Historiquement, les membres de l’UC ont toujours pensé que ces derniers abonderaient dans leur sens, l’Organisation des Nations Unies étant jugée – à fortiori – plus encline à défendre les intérêts indépendantistes. Manque de bol pour eux, ça ne s’est pas du tout passé comme ils l’espéraient ! En effet l’ensemble des observateurs de l’ONU a approuvé sans exception ni réserve le vote contre les radiations émis par les commissions. Les experts de l’ONU ont estimé que les personnes dont l’UC demande la radiation des listes étaient bien arrivées avant le référendum de l’Accord de Nouméa (c’est-à-dire avant novembre 98).

« On va les désanonymer »

Parmi les 6700 demandes originelles, les partenaires réunis lors du dernier comité des signataires se sont mis d’accord et ont quantifié les derniers cas litigieux. Parmi eux, les services administratifs du territoire ignorent si 1062 personnes sont bien arrivées en Nouvelle-Calédonie avant novembre 1998, une condition requise pour pouvoir être inscrit et voter aux provinciales. Certains de ces électeurs risquent donc bien d’être radier s’ils ne font pas la preuve devant le tribunal qu’ils remplissent bien les conditions fixées par la loi organique. Poussé par une partie de sa base militante et par certains groupuscules indépendantistes comme le Parti Travailliste ou encore le DUS (qui ne sont pas représentés au comité des signataires), Gilbert Tyuienon tente de marquer sa différence avec le président de son mouvement Daniel Goa en adoptant un ton beaucoup plus radical :

« Les 1062, on va les désanonymer et on saura qui c’est (Gilbert Tyuienon, le 2 mars 2016) »

Pour les observateurs attentifs du monde politique calédonien, il est en fait clair que le consensus parisien a créé des schismes au sein de l’Union Calédonienne. Incapables d’assumer leur position ainsi que le relevé de conclusions du dernier comité des signataires qui marque la fin des litiges entourant la révision des listes électorales, certains leaders indépendantistes tentent de ménager la chèvre et le chou pour ne pas devoir avouer à leur base une amère vérité : le bloc indépendantiste reste électoralement minoritaire dans le pays. Et il ne faudra pas compter sur le « toilettage des listes » pour que cela change de sitôt. Pour l’UC-FLNKS et ses satellites, s’il est vrai qu’empêcher leurs adversaires de pouvoir voter leur paraissait plus simple, il va désormais falloir convaincre politiquement une majorité de calédoniens de voter oui à l’indépendance dans deux ans. Bon courage à eux.